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OSS 117, rivaux bis des James Bond

Lorsqu’on ouvrait Une Semaine de Paris – PariScope dans les années 1970-1980, il existait encore une rubrique générique au titre savoureux : « Espionnage » ! On y trouvait non seulement le dernier James Bond (la série dont Georges Sadoul avait pu écrire, vers 1967, qu’elle constituait, toutes choses égales d’ailleurs, une version moderne des contes orientaux des Mille et une nuits) mais bien d’autres espions des années 1960-1970, hauts en couleurs bien qu’aujourd’hui un peu oubliés faute de réédition : Matt Helm (interprété par Dean Martin), Flint (interprété par James Coburn), OSS 117 (nombreux interprètes), Coplan (nombreux interprètes) (1), et autres espions américains ou européens (2) sans oublier le tragique L’Espion qui venait du froid joué par Richard Burton. Entre 1955 et 1970, la France (co)produisit une dizaine de films mettant en scène l’espion français OSS 117 imaginé par le romancier Jean Bruce. Ses aventures originales avaient été éditées par les éditions Fleuve noir puis par celles des Presses de la Cité, ensuite prolongées par sa veuve Josette chez ce second éditeur, avec un succès populaire jamais démenti.

Les 5 films Gaumont se classent dans l’ordre chronologique suivant :

  • OSS 117 se déchaîne (Fr.-Ital. 1963) d’André Hunebelle avec Kerwin Mathews, Irina Demich, Nadia Sanders, Daniel Emilfork (d’après OSS 117 prend le maquis de Jean Bruce),
  • Banco à Bangkok pour OSS 117 (Fr.-Ital. 1964) d’André Hunebelle avec Kerwin Mathews, Pier Angeli, Robert Hossein, Dominique Wilms (d’après Lila de Calcutta de Jean Bruce),
  • Furia à Bahia pour OSS 117 (Fr.-Ital. 1965) d’André Hunebelle avec Frederick Stafford, Mylène Demongeot, François Maistre, Raymond Pellegrin, Perette Pradier (d’après Dernier quart d’heure de Jean Bruce),
  • Atout cœur à Tokyo pour OSS 117 (Fr.-Ital. 1966) de Michel Boisrond avec Frederick Stafford, Marina Vlady, Jitsinko Yoshimura, Valery Inkijinoff, Henri Serre (d’après le roman éponyme de Jean Bruce adapté, entre autres coscénaristes, par Terence Young qui signa James Bond contre Dr. No),
  • Pas de roses pour OSS 117 (Fr.-Ital. 1968) d’André Hunebelle avec John Gavin, Margaret Lee, Robert Hossein, Curd Jurgens, Luciana Paluzzi, Rosalba Neri (d’après Pas de rose à Ispahan de Josette Bruce).

C’est tantôt Kerwin Mathews (le héros de Jack the Giant Killer [Jack le tueur de géants] (USA 1962) de Nathan Juran), tantôt Frederick Stafford (qui jouera un rôle similaire dans le très impressionnant Topaz [L’Étau] (USA 1969) d’Alfred Hitchcock), tantôt John Gavin (l’amant de Janet Leigh dans Psycho [Psychose] (USA 1960) d’Alfred Hitchcock) qui tiennent le rôle vedette d’OSS 117 dans ces cinq films. Avouons qu’ils s’en tirent très bien tous les trois, entourés de seconds rôles tous plus savoureux les uns que les autres.

Atout coeur à Tokyo pour OSS 117 - Blu-rayAtout cœur à Tokyo pour OSS 117

Le travail d’Hunebelle est souvent magnifique lorsque ses directeurs de la photographie emploient le FranScope 2.35. Hunebelle fut l’un des premiers cinéastes français à comprendre vraiment l’emploi qu’on pouvait faire du format large et ses directeurs de la photo comme ses collaborateurs techniques travaillaient sous ses instructions précises et inspirées. Le résultat est d’une constante beauté plastique. La mise en scène de celui signé Michel Boisrond et de celui coréalisé par Jean-Pierre Desagnat est un cran en dessous de la sienne, même si le producteur Hunebelle a soigneusement gardé l’œil sur les tournages. La qualité de ses castings est souvent hallucinante de richesse : on y croise les acteurs les plus surprenants. Robert Hossein en savant fou, voulant dominer le monde grâce au bacille de la peste (Banco à Bangkok pour OSS 117) ou encore François Maistre en chef d’une armée disciplinée préparant l’invasion du monde depuis la jungle brésilienne (Furia à Bahia pour OSS 117). Bref, c’est tout le charme restitué des coproductions internationales de l’époque. La variété des décors et des extérieurs naturels est un constant plaisir des yeux. Ceux de Bangkok, par exemple, rendent nostalgiques : la ville telle qu’on la voit en 1964 est toute différente de la mégapole actuelle et l’avenue Silom ressemble à une charmante avenue provinciale, encore sans l’ombre d’un métro aérien. Le caractère parfois authentiquement « serialesque » et fantastique des scénarios – par-delà leurs allusions évidentes au contexte historique et politique de la « guerre froide » entre le monde libre et le bloc communiste – mérite d’être souligné. Cette série prouve que les réalisateurs français pouvaient rivaliser avec les productions contemporaines anglo-saxonnes et européennes concurrentes pour peu qu’on leur en donnât les moyens. Et c’était ici le cas : la durée même d’un film comme Banco à Bangkok pour OSS 117 en témoigne : pratiquement 2H, ce qui n’était pas courant pour une série B, même luxueuse, à l’époque.

Il faudrait à présent sortir trois autres films, à commencer par le premier OSS 117 de la série – OSS 117 n’est pas mort (Fr. 1956, tourné en DyaliScope) de Jean Sacha avec Ivan Desny, Danik Patisson, Magali Noël et Marie Dea ; il manque aussi le plastiquement très beau Le Vicomte règle ses comptes (Fr.-Ital.-Esp. 1967, TechniScope et Technicolor) de Maurice Cloche avec Kerwin Mathews, Sylvia Sorrente et Jean Yanne inspiré, comme son titre ne l’indique pas, par le même héros ; il manque enfin OSS 117 prend des vacances (Fr.-Ital.-Brés. 1970) de Pierre Kalfon avec Luc Merenda, Edwige Fenech, Norma Bengell, Elsa Martinelli et Geneviève Grad, l’ultime film de la série au casting qui ravirait les puristes amoureux du cinéma-bis ! Sans parler de quelques autres titres moins intéressants réalisés par Michel Clément et Bernard Toublanc-Michel, plus ou moins directement inspirés par le personnage de Jean Bruce. Car une dizaine de films au total s’inspirèrent directement de l’œuvre écrite de Bruce entre 1957 et 1969.

NOTES

 (1) Cf. la bande-annonce de Coplan prend des risques (Fr. 1963) de Maurice Labro, offerte en supplément à Furia à Bahia pour OSS 117.

(2). Les bandes-annonces offertes en suppléments par Gaumont donnent une idée de la richesse du film d’espionnage en tant que « genre vampire », flirtant constamment avec les autres genres les plus divers (film d’aventures, comédie, film policier, film fantastique et SF) et se nourrissant de leur substance. Qu’on visionne celle de Les Mystères d’Angkor (Fr./Ital./R.F.A. 1958) de William Dieterle, celle de Alerte à Gibraltar (Fr./Ital./Esp. 1964) de Pierre Gaspard-Huit, celle de Cartes sur table (Fr./Esp. 1966) de Jess Franco avec Eddie Constantine, celle de Feu à volonté (Fr. 1965) de Marcel Ophuls, enfin celle de Guerre secrète (Fr./Ital./R.F.A. 1965) de Terence Young, Christian-Jacque & Carlo Lizzani ! On constate aisément leur variété de matières et de formes. Le film d’espionnage  remonte, en réalité, aux origines muettes du cinéma mondial lui-même : son fleuron européen durant cette période est sans doute Les Espions de Fritz Lang.

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