Tom Clancy’s Rainbow Six Siege

Tom Clancy’s Rainbow Six Siege : Du papier au BTP

Que serait une année vidéoludique sans la sortie d’au moins un titre labellisé « Tom Clancy » ? Une anomalie ? Assurément une grande déception pour les amateurs. 2015 n’aura pas fait exception à la règle et aura donc eu les honneurs d’un jeu Tom Clancy. Rainbow Six Siege que ça s’appelle.

Tom Clancy : du papier au pixel

Si de nos jours, le nom de Tom Clancy est irrémédiablement associé à l’univers des jeux vidéo, il n’en a pas toujours été ainsi. Le nom du bonhomme apparaît pour la première fois en 1984 dans les librairies, à l’heure où les jeux vidéos ne connaissent pas encore l’effervescence actuelle. À l’époque, son premier fait d’arme a pour nom Octobre rouge. L’histoire, librement inspiré de la mutinerie du Storojevoï survenu en 1975 : celle d’un commandant qui, à la tête du dernier cri des sous-marins russes, tente de passer à l’Ouest. Ça vous dit quelque chose ? Forcément puisque, best seller littéraire oblige, Hollywood ne tarde pas à mettre le grappin sur les droits du bouquin qui s’inscrit dans le genre dit du « techno-thriller » et six ans après, celui-ci se retrouve sur grand écran sous le titre À la poursuite d’octobre rouge (1989).

Tom Clancy’s Rainbow Six Siege

Réalisé par John McTiernan, devenu le nouveau maestro du cinéma d’action hollywoodien suite au succès du désormais « classique » Piège de cristal (1988), le film devient très vite l’un des joyaux du genre sous-marinier, juste après le chef d’œuvre de Wolfgang Petersen qu’est Das Boot (1981) et devant le non moins excellent U-571 (2000) de Jonathan Mostow. Bien que l’action se situe en pleine guerre froide, À la poursuite d’octobre rouge n’a pas pris une ride grâce à la patte de metteur en scène de McTiernan et un suspense qui fonctionne toujours aussi bien sur fond de secrets CIA – KGB et de cette grande menace d’une troisième guerre mondiale nucléaire.

Le succès critique et public aidant ($200M de recettes mondiales en salles), deux autres adaptations de Tom Clancy voient le jour dans la foulée : Jeux de guerre (1992) et Danger immédiat (1994). La CIA y sert toujours de toile de fond mais le personnage de Jack Ryan, interprété par Alec Baldwin dans À la poursuite d’octobre rouge, est repris par Harrison Ford tandis que derrière la caméra on trouve cette fois Philip Noyce. Les agissements (toujours aussi secrets) de la célèbre agence américaine y occupent à nouveau une place proéminente, au même titre que les hommes et femmes qui tirent les ficelles en coulisses ou bien exécutent les « basses besognes » sur le terrain. Bien qu’un cran en deçà de son prédécesseur, c’est assurément cette double approche qui permet à ces deux nouvelles adaptations de romans de Tom Clancy de demeurer plus que regardables aujourd’hui encore.

Tom Clancy’s Rainbow Six Siege

En 2002, Ben Affleck endossera à son tour le costume de Jack Ryan dans La Somme de toutes les peurs sous la houlette de Phil Alden Robinson où il y est cette fois question d’une bombe (nucléaire toujours) prête à exploser au cœur d’une grande ville américaine. La menace arrive cette fois sur les terres de l’Oncle Sam. Bienvenue dans l’après 11 septembre 2001. En 2014, un retour sur la jeunesse de Jack Ryan verra le jour : The Ryan initiative. Un reboot qu’on appelle ça et le résultat est juste catastrophique au possible, aussi bien dans ses scènes d’action, vaine tentatives de s’inscrire dans le sillage des Jason Bourne, que dans son intrigue au suspense éventé ; la caution « dramaturge shakespearien » du réalisateur Kenneth Branagh ne sauvant en rien cette dernière adaptation cinématographique à date. Sans doute échaudé par l’accueil reçu, les producteurs ne jettent pas l’éponge pour autant et l’avenir de Jack Ryan pourrait bien en passer par une série télé actuellement en préparation.

Et si les cinq romans de Tom Clancy adaptés au cinéma sur un peu plus de deux décennies pour des fortunes diverses et variées constituent déjà un bien joli palmarès en soit, que dire alors des dizaines de jeux vidéo qui ont vu le jour depuis la fin des années 90 ? Après plusieurs portages (PC, Amstrad, Amiga, etc.) d’À la poursuite d’octobre rouge au début de cette même décennie, c’est à partir de 1996 que le nom de Tom Clancy entre véritablement de plain-pied dans le monde des jeux vidéo. Lorsque le bonhomme décide de fonder la société Red Storm Entertainment (racheté quelques années plus tard par Ubisoft). Le temps que les différents projets en gestation ne mûrissent et voilà que les trois licences phares voient le jour coup sur coup à quelques années d’intervalle : Rainbow Six (1998), Ghost Recon (2001) et Splinter Cell (2002).

Tom Clancy’s Rainbow Six Siege

Et si tous les joueurs de la planète connaissent aujourd’hui ces trois séries, il ne faudrait pas oublier pour autant que leurs titres complets sont : Tom Clancy’s Rainbow Six, Tom Clancy’s Ghost Recon et Tom Clancy’s Splinter Cell. Si ces derniers, jeux d’infiltration à la troisième personne, ont souvent été comparés à la mythique saga des Metal Gear Solid de Hideo Kojima, les velléités philosophico-métaphoriques et cinématographiques en moins (encore que, les services d’un certain Florent Emilio-Siri ont été sollicités pour les besoins de la cinématique d’intro de Splinter Cell : Pandora Tomorrow en 2004), les deux autres franchises sont des FPS en équipe. Le point commun avec l’univers de Tom Clancy ? Des opérations plus ou moins secrètes emmenées par des membres de différentes unités d’élite : le célèbre Sam Fisher de la NSA dans les Splinter Cell, des unités anti-terroristes sous l’égide de l’OTAN dans Rainbow Six, etc.

Baptisé Tom Clancy’s Rainbow Six Siege, l’opus 2015 s’inscrit, comme son nom l’indique, dans la première des franchises Tom Clancy qui vit le jour en 1998. Depuis cette date, on dénombre pas moins de quarante jeux au total pour ces trois licences. Pour ceux qui auraient un peu de mal avec les maths, cela représente une moyenne supérieure à deux sorties annuelles. Avec une telle profusion, ne frise-t-on pas l’overdose, une qualité en déclin et un manque de renouvellement ? Et surtout, question primordiale : peut-on y comprendre quelque chose en n’ayant jamais posé ses grosses pognes sur l’un des opus précédents ?

Tom Clancy’s Rainbow Six Siege

Tom Clancy’s Rainbow Six Siege : FPS spécialisé en BTP

Il est parfaitement possible de pointer le bout de son gilet pare-balles dans Rainbow Six Siege sans avoir jamais joué à aucun des jeux précédents labellisés « Tom Clancy ». Deux raisons à cela. La première, c’est qu’à l’instar d’un Star Wars Battlefront sorti quinze jours plus tôt, Rainbow Six Siege ne propose aucun mode campagne, le label « Tom Clancy » servant uniquement de toile de fond au jeu. L’histoire ? Elle tient sur le dixième d’une feuille de papier à cigarettes : de (très) courtes vidéo introductives où Angela Basset nous précise que des terroristes ont mis la main sur des produits chimiques extrêmement dangereux, menacent de faire exploser une bombe ou bien ont pris telle ou telle personne en otage. En clair, si vous escomptiez une quelconque teneur scénaristique, vous pouvez passer votre chemin. Dans Rainbow Six Siege, on vient là pour flinguer l’équipe adverse, et accessoirement sauver la malheureuse victime. Point barre ! Du FPS pur jus en somme. La filiation avec l’univers originel qui fit la renommée de Tom Clancy est donc assez mince.

Tom Clancy’s Rainbow Six Siege

Faut-il pour autant passer son chemin devant ce Rainbow Six Siege ? Non car, là encore à l’instar de Star Wars Battlefront, pour peu que l’on se donne la peine de se familiariser avec le titre, il ne sera pas interdit d’y prendre assez vite un certain plaisir. Car, et c’est là la deuxième raison évoquée ci-dessus, les créateurs ont prévu un minimum de prise en main. Soit des missions solos baptisées Situations dont n’auront que faire les vétérans qui consomment du FPS à tous les repas mais que les bleus-bites ou les moins aguerris au genre (tel votre humble serviteur, véritable quiche en matière de FPS, capable de louper un éléphant dans un couloir de deux mètres de large) apprécieront à leur juste valeur. Vous y apprendrez ainsi à vous familiariser avec les rudiments du gameplay : utiliser les petits drones de reconnaissance pour repérer les lieux et localiser ainsi les emplacements où vos adversaires vous attendent embusqués, maîtriser l’emploi de la corde de rappel, aussi bien pour monter que pour descendre, sans oublier bien sûr appréhender le maniement des armes mais aussi et surtout l’art de fortifier ou défoncer les murs et autres planchers / plafonds.

Tom Clancy’s Rainbow Six Siege

Car c’est là que se trouve sans conteste la véritable valeur ajoutée de Rainbow Six Siege : son moteur de destruction. À quelques exceptions près (murs fortifiés justement ou bien construits avec certains matériaux), il est virtuellement possible de faire des trous dans toutes les surfaces, à grands coups de crosse, de chevrotine ou bien d’explosif. Des orifices plus ou moins proéminents selon que le but recherché est de passer au travers pour rejoindre la pièce adjacente ou plus simplement se dégager une ligne de tir afin de plomber une tête qui dépasse de l’autre côté. La finalité de Rainbow Six Siege n’est donc ni plus ni moins qu’un gigantesque jeu de cache-cache. Chaque nouvelle partie se déroule sur le même schéma : vous choisissez l’opérateur que vous souhaitez incarner, chacun étant spécialisé dans un domaine précis (drone, barricade, soins, etc.) puis vous disposez d’une poignée de secondes que les assiégés emploieront à fortifier leurs positions et les assaillants à tenter de localiser leurs adversaires.

Ensuite, c’est parti pour la foire d’empoigne : par le toit, le sol, les fenêtres (avec option « rappel » via la corde suscitée), les portes (méthode « civilisée ») ou bien les murs, planchers et plafonds (méthode « démolition et BTP »). Dans les grandes lignes, deux modes de jeu sont proposés (avec quelques variantes : otage, bombe, etc.) : le bon vieux « gendarmes contre voleurs » baptisé Chasse aux terroristes qui, comme son nom l’indique, oppose des terroristes aux gentils, et le mode où deux équipes de good guys s’affrontent. Les équipes en question sont à choisir parmi le SAS (UK), le FBI SWAT (USA), le GIGN (France), le GSG 9 (Allemagne) et le Spetsnaz (Russie). Le concept est intéressant même si on ignorait que de telles unités d’élite internationales s’amusaient à se tirer dans les miches ! Ce n’est toutefois là que la moindre des incongruités qui vous attend au sein de Rainbow Six Siege.

Tom Clancy’s Rainbow Six Siege

Parmi les autres constats, on retiendra des graphismes un cran en deçà de la concurrence récente (Call of Duty : Black Ops III, Star Wars Battlefront) et une spatialisation acoustique 5.1 plaisante aux bruitages toutefois un peu trop prononcés dans telle ou telle enceinte par endroits. Mais l’aspect le plus déconcertant est sans contexte le temps passé au sein des menus en amont de chaque partie avec notamment au programme une foire d’empoigne (avant même la vraie bataille) pour choisir son personnage puisque la règle impose en effet un seul opérateur de chaque « type » par équipe. Corollaire d’un tel énoncé : premier arrivé, premier servi. Et tant pis pour vous si vous aviez passé de longues heures à améliorer l’un de ces opérateurs à grand renfort de points d’XP chèrement acquis, à la sueur de vos petites pognes ou de votre porte-monnaie puisque Rainbow Six Siege emprunte au modèle économique du Free to play la possibilité d’acheter lesdits points d’XP au sein même du jeu contre votre joli numéro de CB. Faute d’avoir été assez rapide, il sera toujours possible de se rabattre sur une simple recrue, auquel cas bye bye les capacités spéciales de l’opérateur. Pour finir, signalons également une difficulté un cran au dessus de la concurrence suscitée, votre personnage supportant assez mal de se prendre trop de plombs dans les fesses. Un aspect que les puristes du genre apprécieront mais qui nécessitera davantage d’abnégation pour les brêles du FPS tel votre humble serviteur. Enfin, comme bien souvent en matière de FPS multi-joueurs en ligne et là encore à l’instar de Star Wars Battlefront, le contenu se révélera assez vite étriqué sitôt connus les moindres recoins des différentes maps proposés au départ. Merci les DLC…

Tom Clancy’s Rainbow Six Siege

Nous nous garderons bien également d’aborder le sujet, oh combien épineux, de la sortie d’un jeu tel que Rainbow Six Siege mettant en scène des terroristes au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 ; Ubisoft ayant eu la décence, tout comme Activision pour Call of Duty : Black Ops III, de suspendre la campagne promotionnelle de son jeu. Tout comme nous nous garderons bien de vous resservir ici le couplé sur la non incompatibilité de jouer à un tel jeu en de telles circonstances (cf. notre chronique de Call of Duty : Black Ops III).

In fine, si Rainbow Six Siege ne présente plus qu’un lien ténu avec l’univers originel du techno-thriller qui valut sa renommée internationale à Tom Clancy et aura dû faire face à une concurrence relevée pour la fin d’année 2015, il n’en demeure pas moins une proposition intéressante de FPS multi-joueurs, les aspects positifs (gameplay exigeant, moteur de destruction) contrebalançant les points négatifs (temps passé dans les menus, règle du « premier arrivé premier servi »). On attend toutefois avec impatience le prochain titre, Tom Clancy’s The Division prévu pour mars 2016 puisque la toile de fond s’annonce déjà plus ambitieuse : rien moins que rebâtir la civilisation dans un New York post-apocalyptique. Cette fois-ci, il n’y sera pas seulement question de destruction mais avant tout et surtout de reconstruction. Rendez-vous en mars prochain…

Tom Clancy’s Rainbow Six Siege est disponible depuis le 1er décembre 2015 sur PlayStation 4, Xbox One et PC.

Testé sur PlayStation 4 à partir d’une version éditeur
Testé en version : 1.02
Taille occupée sur le disque dur : 18,40Go

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