I Come Icare

La reco couch potato du week-end : I… Comme Icare

Profil 1 : Vous n’avez pas envie de bouger. Vous êtes là, assis sur votre canapé à faire votre couch potato. Vous vous demandez quoi regarder à la télé. Vous disposez de 150 chaînes dont une vingtaine dédiée au cinéma. Vous zappez. Mais que choisir ?

Profil 2 : Vous êtes toujours aussi flémard. Vous disposez d’une connexion fibre ou ADSL +, vous êtes abonné à une ou plusieurs plateformes VOD légales ou vous avez l’habitude de passer votre temps sur des sites pas trop halal à télécharger comme un porc… Bref l’un dans l’autre le choix est pléthorique et là encore vous ne savez quoi choisir.

Profil 3 : Le canapé est toujours autant votre ami. Vous avez une collection de Blu-ray / DVD qui gonfle votre compagne ou compagnon tellement il y en a partout. Vous aimez posséder mais devant de tels gratte-ciels de boîtiers il vous faut la soirée pour prendre une décision et le temps de revenir, votre moitié s’est bien entendu endormi(e).

Bref, on est tous passé par là. Et ce rendez-vous pas forcément hebdo est là pour vous enlever cette terrible épine du pied qui se résume en une seule et unique question : on regarde quoi ce soir ?

Ô, on ne cherche pas à faire dans l’original mais on va essayer pour le coup de parler de films qui nous causent, qui nous ont marqués ou qui mériteraient d’être (re)vus sans pour autant chercher à faire dans de la cinéphilie de comptoir où le lever du coude est aussi important que de débiter des théories de cinéma fumeuses dans une langue devenue pâteuse.

L’idée est donc de vous conseiller un ou deux films à se mater seul ou en couple, entre potes ou en famille le temps d’un week-end ou plus si affinité. On va aussi essayer de vous guider quant à la meilleure façon de le (re)voir tant en DVD, en téléchargement légale ou illégale (on n’est pas sectaire à DC) ou s’il devait y avoir un passage en téloche. Vous pouvez aussi vous garder cette reco (pour recommandation, un terme de marketeux qui fait florès chez les distributeurs de films branchouilles de la capitale) pour vous la mettre derrière l’oreille et la fumer pour plus tard (oui, la chute n’est pas terrible mais on n’a pas trouvé mieux).

Ce week-end on vous propose de (re)découvrir

I Comme Icare... - AfficheLe film

Dans un pays imaginaire, à la suite de l’assassinat du chef de l’État, une commission d’enquête est mise en place. Le rapport final établit la culpabilité du seul tireur, Karl Erich Daslow. Mais le procureur Henri Volney écarte cette conclusion et décide de reprendre l’instruction. Le magistrat découvre alors que des témoins essentiels sont décédés avant même d’avoir été entendus.

I… Comme Icare ne s’inscrit au sein d’aucune véritable tradition du cinéma français. Il s’agit certes d’un thriller, mais d’un thriller politique. Denrée très rare chez nous s’il en est que seul un Yves Boisset a su travailler tout au long de sa riche filmographie. Au-delà de cet aspect déjà passionnant, I… Comme Icare se révèle être aussi une réflexion sur la manipulation des masses qui découle de leur soumission endémique à partir du moment où l’autorité est légitime ou acceptée comme telle. À ce titre, on trouve au cœur de I… Comme Icare une séquence devenue mythique inspirée des expériences de Stanley Milgram. Sur près de 15 minutes, elle démontre l’axiome énoncée deux lignes plus hautes et illustre  le fameux concept de la Banalité du mal énoncé par Hannah Arendt lors du procès d’Adolf Heichmann à Jérusalem.

Film politique, film engagé, film lucide, I… Comme Icare raconte en fait une enquête. Celle d’un Procureur qui veut faire la lumière sur l’assassinat du Président d’un pays fictif qui rappelle toutefois fortement celui de JFK aux États-Unis. Celui-ci, joué par un Yves Montand au sommet de sa carrière, n’accepte pas les conclusions du coupable solitaire. Avec son équipe (pléiade de seconds rôles tous géniaux), il va tenter de retrouver la trace de différents témoins qui ont regardé ailleurs et ont vu autre chose que la thèse officielle. Henri Verneuil réussit alors le tour de force de nous embringuer dans une sorte de labyrinthe fait de faux-semblants attendus que la marche forcée de sa mise en scène et la superbe composition musicale de Morricone (nommée aux César) finissent de transformer en un terrain de jeux aussi brillant que tragique. La légende d’Icare qui se brûle les ailes pour s’être trop approché du soleil prend alors tout son sens.

Plus que jamais aujourd’hui, I… Comme Icare reste un film efficace, troublant pour ne pas dire plus et absolument pas ancré dans son époque. Cette fin des années 70 où la France du cinéma s’autorisait bien plus de libertés et prenait bien plus de risques en une année que celle d’aujourd’hui en une décennie. Ce pourquoi I… Comme Icare est un film précieux. Un de ceux qui a su allier avec maestria œuvre pour le grand public sans jamais le prendre pour un con. Une denrée devenue extrêmement rare au sein de la production actuelle.

I Comme Icare

Le réalisateur

Dans la foulée, Henri Verneuil réalisera un autre film dans la même veine avec Mille milliards de dollars où Patrick Dewaere jouait le rôle d’un journaliste qui démasquait les actions troubles d’une organisation secrète au sein d’une Multinationale. Ce sera d’ailleurs son dernier très grand film au sein d’une filmo caractérisée que par des succès au box office, ou presque. Selon Wikipédia, il est le réalisateur français qui a rassemblé le plus de spectateurs au cours de sa carrière. Avec ses 34 films, il a atteint 91,58 millions d’entrées au total, et en moyenne il a réalisé 2,69 millions d’entrées par film. On lui doit en effet l’un des plus gros succès de notre Bébel national en solo avec Peur sur la ville (3 948 746 entrées), l’un des plus gros succès français de tous les temps avec La Vache et le prisonnier (8 844 199 entrée) et une pléthore de films qui sont restés dans la conscience populaire.

Au hasard Week-end à Zuydcoote sur la déroute des forces armées anglaises et françaises qui finissent par atterrir sur les plages de Dunkerque avec un trio  Belmondo / Marielle / Mondy extraordinaire. Le Clan des Siciliens où un autre trio composé de Delon / Gabin / Ventura affoleraient toujours autant les compteurs aujourd’hui. Ou encore Mélodie en sous-sol que le grand Gabin rend à lui tout seul indémodable et indépassable. Il faut dire que Verneuil avait le chic pour ne jamais balancer les mêmes recettes. Sa seule récurrence face au succès est une propension à ne jamais lâcher son spectateur au sein d’histoires éprouvées avec à chaque fois une prise de risque maximale. Alors certes, le bonhomme n’a pas toujours réalisé que des bons films. Il s’est même parfois fourvoyé. Mais encore une fois, sans jamais laisser le spectateur sur le carreau. Ce pourquoi celui-ci ne l’a jamais lâché. Une histoire d’amour au long cours que peu de cinéastes français peuvent se targuer d’afficher à leur palmarès. Même pas Gérard Oury.

I Come Icare - Jaquette DVD fantasméeJaquette DVD fantasmée

Comment le voir

C’est en fait un vrai problème. C’est d’ailleurs même pour cela qu’on a voulu en parler au sein de cette rubrique tant la chose est ubuesque. Il existe trois DVD dans le commerce. Deux en Allemagne et un en Italie. Nous n’avons pas eu l’occasion de les tester mais il est à parier que ce ne sera pas meilleur niveau image que ce que l’on trouve en streaming sur Youtube par exemple ou en téléchargement pur porc. En France il n’y a rien. Que cela soit en VOD ou en DVD. Quant aux diff TV, elles se font de plus en plus rares et uniquement sur la TNT dorénavant. C’est Roissy Films, dont le catalogue a été récemment acquis par EuropaCorp, qui en détient les droits. Nous leur avons demandé si une édition DVD et pourquoi pas Blu-ray étaient prévues. Aucune réponse. Il faut croire que tout a été pompé pour la production pharaonique de Valérian. Henri Verneuil en aurait fait certainement un film. On vit une époque vraiment formidable.

Edit 14 janvier 2017 : Une diff TV est prévue sur Arte le 15 janvier. L’occasion de l’enregistrer comme au bon vieux temps d’autant qu’Olivier Père annonce que le film a été pour l’occasion restauré  en haute définition. On s’explique encore moins qu’il n’existe toujours pas d’éditions DVD et Blu-ray.

Edit 7 juin 2017 : Alléluia, on vient d’apprendre que c’est l’éditeur LCJ qui va le sortir en DVD et… oui Mesdames et Messieurs en Blu-ray. Et la date de sortie est annoncée pour le 30 août 2017. On est déjà sur les starting-block.

Edit 18 septembre 2017 : Et voici le test du Blu-ray.

Edit 7 juin 2022 : Gaumont ayant racheté le catalogue Roissy Films à EuropaCorp, il a donc décidé de sortir le film en Blu-ray pour le 29 juin avec, nous l’espérons, la correction des défauts constatés sur l’édition LCJ.

Une réflexion sur « La reco couch potato du week-end : I… Comme Icare »

  1. Bonjour et merci pour cet excellent article qui va jusqu’à proposer une (très belle) jaquette d’un DVD fantasmé puis renvoyer sur le test technique du blu-ray disponible en France. Bravo pour le texte documenté et l’avis clair et passionné. Encore merci.

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