Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven

Basic Instinct : Carton X pour Blu-ray qui bande mou

Si Basic Instinct a eu très tôt les honneurs d’une parution Blu-ray, conséquence sans doute de la notoriété du film auprès du grand public, il n’en demeure pas moins vrai que la seule et unique édition disponible à ce jour sur le support en France est très loin d’être à la hauteur de ce thriller aussi brillant que sulfureux signé Paul Verhoeven.

Basic Instinct : Un Blu-ray qui bande mou

Commençons donc par expurger ce point pour le moins fâcheux, à savoir une édition indigne du film de Verhoeven mais aussi et surtout du support, de surcroît au regard des précédentes parutions. En effet, le Blu-ray français édité par Studio Canal en 2008, soit aux toutes premières heures du support HD, est issu d’un master de toute évidence upgradé du DVD n’aboutissant par conséquent à rien de très probant en matière de rendu vidéo. Proposée au format respecté 2.35:1 encodée en VC-1 1080/24p, l’image est au mieux correcte au pire laisse apparaître des couleurs délavées et/ou à la précision toute relative d’une séquence à l’autre, voire même d’un plan à l’autre. Même refrain côté son puisque si la VO DTS-HD Master Audio 5.1 et la VF DTS-HD High Resolution Audio 5.1 restituent avec un panache certain les compositions signées Jerry Goldsmith, ceci dès la scène d’ouverture, l’ensemble n’en reste pas moins sans véritable nuance ni subtilité aucune quant à l’explication multicanale. Pas de quoi s’exciter donc quant aux qualités techniques intrinsèques de cette édition Blu-ray de Basic Instinct.

Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven - Édition 2008 - Capture Blu-ray

Mais là où le home-cinéphile amateur de bonne chair (non, il n’y a pas de faute d’orthographe, il s’agit bien ici du mot « chair ») et accessoirement du cinoche oh combien provoc de Verhoeven en sera pour ses frais, c’est en matière d’interactivité. Quid en effet des passionnants suppléments présents sur l’édition DVD parue en 2004 qui comportait, entre autres, un commentaire du duo Paul Verhoeven / Jan de Bont (directeur photo), un petit making of ainsi qu’une longue interview du cinéaste ? Rien ! Que dalle ! Nada ! L’édition Blu-ray française de Basic Instinct ne propose même pas une malheureuse petite bande-annonce ! C’est dire si l’on est tombé bien bas. Si vous voulez une édition Blu-ray avec un tant soit peu de suppléments, il faudra donc se tourner vers celle sortie Outre-Atlantique en 2007 mais hélas zonée A, nécessitant de fait un lecteur ad hoc ou bien dézonné. À noter cependant que les qualités audio/vidéo sont identiques au Blu-ray français, c’est-à-dire pas très bandantes. Soit tout le contraire du film qui, 25 ans après, n’a rien perdu de son pouvoir de séduction.

Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven - Édition 2008 - Capture Blu-ray

Basic Instinct : Sueurs froides version hard

Comme le rappelle Paul Verhoeven lui-même à maintes reprises au cours de l’excellent commentaire audio (issu du DVD donc), l’influence du maître du suspense Alfred Hitchcock est plus que manifeste sur Basic Instinct. À commencer par celle de Sueurs Froides, film de chevet s’il en est du cinéaste hollandais mais sans pour autant verser dans l’hommage trop appuyé à l’original comme le fit au hasard Brian De Palma avec Obsession (1976). Une source d’influence donc qui se retrouve à l’image (les incontournables plans sur le Golden Gate), dans la musique, dans son script roublard en forme de whodunit et jusque dans le personnage féminin interprété par Sharon Stone qui, par endroits, ressemble à celui campé par Kim Novak. À tout le moins physiquement comme en atteste cette scène d’interrogatoire où la suspecte toute de blanc vêtue et chevelure blonde ramenée en chignon fait tourner toutes les têtes… mais pas que(ues) !

Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven - Édition 2008 - Capture Blu-ray

Parodiée à l’envie, et ce dès La Cité de la peur (1994), cette séquence, devenue instantanément culte mais aussi l’une des plus mythiques du Septième Art, est également en soit représentative du cinéma de Verhoeven tant elle recèle en son sein des thématiques bien plus profondément enfouies que les apparences faussement provocatrices ne voudraient bien le laisser croire. Comme le déclare en effet la critique féministe dans l’autre commentaire audio (disponible celui-ci uniquement sur les éditions DVD et Blu-ray américaines), ce plan de croisement / décroisement de jambes démontre l’incroyable pouvoir des femmes sur les hommes, ce « centre de la vie » (dans le texte) capable de réduire à néant un homme. Pour la petite histoire (bien connue de tous désormais parmi tant d’autres), ce plan, qui ne figurait pas dans le script original, preuve supplémentaire si besoin était de la roublardise faussement provoc du réalisateur, engendra quelques démêlées en coulisses entre Sharon Stone et Paul Verhoeven, la comédienne arguant que le cinéaste lui avait assurée qu’on ne verrait rien de son anatomie intime et ne découvrit le pot aux roses qu’une fois le film achevé.

Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven - Édition 2008 - Capture Blu-ray

De là à dire que Basic Instinct, tout comme le mésestimé Showgirls (à l’époque tout du moins), sont en réalité des figures représentatives de ce même pouvoir séculaire que suscite le beau sexe sur le monde, il n’y a qu’un pas. Et qu’importe en définitive le whodunit, à commencer par cette théorie autour d’un « clan de meurtrières ». Ce plan final d’un pic à glace dissimulé sous le lit à même le sol ne nous apportera jamais la réponse et ce n’est pas plus mal car tout l’intérêt de Basic Instinct réside ailleurs. Et c’est sans l’ombre d’un doute cet approche, cette « patte verhoevienne » qui fait que, aujourd’hui encore, le film se revoit avec le même intérêt, la même intensité non éventée. Et cette même critique féministe de préciser d’ailleurs un peu plus loin combien refaire Basic Instinct aujourd’hui (le commentaire en question date de 2001) aboutirait à une version aseptisée et bourrée de stéréotypes. Que dire alors d’une nouvelle mouture aujourd’hui ? Il y a d’ailleurs bien eu une tentative en 2006 avec un Basic Instinct 2 ni fait ni à faire. Et si le cachet de Sharon Stone avait pour l’occasion littéralement flambé, passant de $500 000 pour le premier volet à $13,6M pour le second dixit la fiche IMDB de l’actrice, le film lui aura fait chou blanc dans les salles, rapportant à peine $6M de dollars au box-office US, $38M dans le monde et 535 000 entrées en France. À comparer aux $117M, $352M et 4,6M d’entrées respectifs engrangés par son prédécesseur.

Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven - Édition 2008 - Capture Blu-ray

Basic Instinct : Carton X

Un succès d’autant plus méritant en France où Basic Instinct sortit avec une interdiction aux moins de 16 ans. Soit le seul et unique long-métrage du cinéaste à avoir écopé d’un tel classement dans l’Hexagone, tous ses autres films ayant obtenu au maximum une interdiction aux moins de 12 ans. Ce qui n’en fait pas pour autant le plus gros succès dans les salles de l’Hexagone pour une interdiction aux moins de 16 ans mais seulement le septième d’un classement emmené par une certaine Emmanuelle (1974) avec un cumul à plus de 8,8M d’entrées. En pleine « révolution sexuelle », plusieurs autres longs-métrages issus de la même décennie et interdits aux moins de 16 ans complètent ce classement. On trouve ainsi de la deuxième à la cinquième place Orange Mécanique (1972 – 7,6M), Midnight Express (1978 – 5,9M), Les Valseuses (1974 – 5,7M) et Le Dernier tango à Paris (1972 – 5,1M) tandis que la sixième place est occupée par Touchez pas au grisbi (1954 – 4,7M). Derrière Basic Instinct, qui occupe donc la septième place, on trouve Les Liaisons dangereuses (1959 – 4,3M), Histoire d’O (1975 – 3,5M) et Le Silence des agneaux (1991 – 3,1M), le magistral thriller de Jonathan Demme adapté du roman éponyme de Thomas Harris étant le seul autre issu des années 1990 avec celui de Verhoeven a intégré ce top 10.

Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven - Édition 2008 - Capture Blu-ray

En étendant au top 50, l’analyse révèle d’ailleurs très clairement une prédominance des films issus des années 1970 (22 titres). Depuis, les succès pour cette catégorie s’étiole avec cinq longs-métrages au cours de la décennie suivante : Caligula (1980), Pulsions (1981), Un justicier dans la ville 2 (1982), Mad Max (qui date de 1979 mais qui ne sortira dans nos salles qu’en 1982 comme nous l’expliquions dans notre dossier consacré à la saga de George Miller) et Emmanuelle 4 (1984). Dans les années 1990, outre Basic Instinct et Le Silence des agneaux, quatre autres films se hissent au sein de ce top 50 : Trainspotting (1996), Scream (1997), Fight Club (1999) et Payback (1999). Enfin, depuis le tournant du millénaire, seuls deux longs-métrages sont parvenus à se hisser dans ce classement : Dragon Rouge (2002) et Kill Bill : Volume 1 (2003). Les scores sont toutefois sans communes mesures avec ceux issus des années 1970 puisque, en dehors du Paul Verhoeven et du Jonathan Demme, deux autres films seulement sont parvenus à franchir la barre des 2M depuis le Midnight Express d’Alan Parker en 1978 : Mad Max et Scream avec respectivement 2,5M et 2,2M d’entrées.

Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven - Édition 2008 - Capture Blu-ray

L’évolution des mœurs mais aussi une certaine forme d’autocensure de la part des artisans en coulisses expliquent sans aucun doute, en grande partie, cette disparition progressive de tels longs-métrages dans les plus hautes cimes du box-office hexagonal. Ainsi, bien que plusieurs dizaines de longs-métrages interdits aux moins de 16 ans aient été exploités en salles depuis le début des années 2000, plus aucun, à l’exception des films de Brett Ratner et de Quentin Tarantino, ne sont parvenus à franchir la barre symbolique du million d’entrées. Et pour cause ! Rares sont désormais les exploitants qui acceptent de programmer de telles œuvres dans leurs salles, quand ce ne sont pas les associations type Promouvoir qui s’insurgent face à de telles sorties, prenant alors la relève d’un certain Code Hays. En 1992, Paul Verhoeven adressait déjà un bon gros doigt bien placé à tous ces codes de moralité et autres associations puritaines bien pensantes pour nous livrer un Basic Instinct qui, aujourd’hui encore, s’avère diablement efficace et doublé d’un coefficient érectile frisant le 20/20 ! Et si l’on ne pourra en dire autant de la seule édition Blu-ray actuellement disponible en France, tout juste peut-on espérer voir débarquer prochainement une réédition à la hauteur, voire même une parution en Blu-ray 4K UHD. À l’occasion du 25e anniversaire du film en 2017 ? Edit 21/08/2021 : Le Blu-ray 4K tant attendu est chroniqué ici.

Un grand merci à Laurent Coudurier du site CBO pour nous avoir communiqué le box office français des longs-métrages interdits aux moins de 16 ans.

Notes :
– Image : 3,5/5
– Son : 3,5/5
– Bonus : 0/5
Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven - Édition 2008 - Packshot Blu-rayBasic Instinct de Paul Verhoeven (USA – 1992) – Studio Canal – Sortie le 23 septembre 2008

L’ancien chanteur de rock Johnny Baz a été frappé de 31 coups de pic à glace par une femme avec laquelle il faisait l’amour. Les soupçons de l’inspecteur Nick Curran s’orientent rapidement vers la dernière fréquentation de la victime, la romancière Catherine Tramell, auteur de polars à succès dans lesquelles elle décrit des meurtres identiques à la réalité…

Spécifications techniques :

  • Image : 2.35:1 encodée en VC-1 1080/24p
  • Langues : Anglais DTS-HD MA 5.1, Français DTS-HD HRA 5.1
  • Sous-titres : Français
  • Durée : 2h 08min 12s

Bonus :

  • Aucun

Une réflexion sur « Basic Instinct : Carton X pour Blu-ray qui bande mou »

  1. Précision historique : une bonne partie des films mentionnés étaient INTERDITS AUX MOINS DE 18 ans au moment de leur sortie en exclusivité. C’est bien des années plus tard que ces INT.-18 ans ont été transformés en INT.-16 ans.
    En revanche, il a existé, jusque dans les années 1960 et encore au début des années 1970 trois interdictions distinctes : INT.-13 ans, INT.-16 ans, INT.-18 ans.

    Pour mémoire, j’ai eu entre les mains l’édition collector 3 DVD (ou 2 DVD + 1 CD de la musique de Jerry Goldsmith) Studio Canal de BASIC INSTINCT : je garde un bon souvenir de l’image chimique de la copie utilisée, un bon souvenir du master vidéo lui-même.

  Lâchez-vous !

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *