L'Homme qui rétrécit - Image une test BRD

Jack Arnold, le géant de la peur : L’Homme qui rétrécit – Coffret Combo Blu-ray + DVD

L’Homme qui rétrécit [The Incredible Shrinking Man]  (USA 1957) de Jack Arnold, se situe dans sa filmographie sélective relevant du cinéma fantastique, entre Tarantula ! (USA 1955) et The Space Children (USA 1958) et Le Monstre des abîmes [Monster On the Campus] (USA 1958). On peut aujourd’hui, avec le recul, considérer que L’Homme qui rétrécit demeure le titre le plus original jamais signé par Jack Arnold (1916-1992). Il est, de fait, devenu un classique de la science-fiction au cinéma.

L'Homme qui rétrécit (The Incredible shrinking man)

Le mérite en revient évidemment d’abord à l’écrivain Richard Matheson (1926-2013) qui adapta son propre roman de 1956 pour la Universal et au producteur Albert Zugsmith à qui l’on doit, à cette époque, la production de titres aussi intéressants et variés que La Soif du mal [Touch of Evil] (1958) d’Orson Welles et Le Salaire du diable [Man In the Shadow / Pay the Devil] (USA 1957) de Jack Arnold. Le roman de Matheson adoptait une structure alternant temps présent vécu par Carey (déjà devenu minuscule et devant survivre seul, menacé par l’araignée) et souvenirs expliquant progressivement comment il en était arrivé là. La structure temporelle du scénario est simplifiée (à la demande de Universal) par Matheson puisqu’il se développe selon une progression linéaire. Le roman s’achevait sur l’idée d’une permanence de l’intelligence dans l’infiniment petit tandis que Universal fit ajouter au scénario l’affirmation en voix-off de la confiance finale du héros en Dieu.

L'Homme qui rétrécit - Affiche France

Sur le plan plus purement cinématographique, il est évident que Arnold y trouva l’occasion d’un accomplissement technique. Ne disposant au casting d’aucune vedette, il transforme cet inconvénient apparent en avantage : le récit est rendu d’autant plus crédible que les acteurs sont d’une sobriété neutre mais soigneusement dirigée. Leur quotidienneté renforce la puissance visuelle des trucages. Décors, transparences, superpositions furent magistralement exécutés par Arnold et Clifford Stine, son responsable des effets spéciaux photographiques. Ce serait pourtant une grossière erreur de réduire L’Homme qui rétrécit à ses trucages et à ses effets spéciaux. Ce n’est pas du côté de Docteur Cyclope (USA 1940) d’E. B. Schoedsack qu’il faut se tourner mais bien plutôt du côté du Voyage fantastique (USA 1966) de Richard Fleischer, si on veut absolument  identifier une lignée thématique analogue. Le gigantisme, contrairement à ce que laisserait croire le titre du coffret (« Jack Arnold géant de la peur ») n’intéresse pas Arnold comme tel : c’est un simple aspect contingent du thème général de la mutation, qui est le véritable thème arnoldien, sans oublier celui du chevauchement des dimensions spatiales. L’Homme qui rétrécit est donc un film de science-fiction qui, à partir du thème alors classique de la mutation (qu’elle soit radioactive ou provoquée par un concours de circonstances) si souvent traité par Arnold, aboutit ici à un cinéma expérimental à visée métaphysique. De même que Matheson expérimentait narrativement en écrivant son roman, Arnold expérimente visuellement mais tire simultanément les conséquences authentiquement philosophiques de chaque scène. La plus significative et la plus angoissante n’est pas, contrairement à ce qu’on pourrait croire, celle du chat ou celles de l’araignée – si spectaculaires et réussies fussent-elles ! – mais bien celle où une jeune femme naine ébauche une relation amicale qui pourrait devenir amoureuse avec le héros, relation vouée à l’avortement lorsqu’il constate qu’il devient encore plus petit qu’elle, qu’il continue de rétrécir. Hommage discret au Freaks (USA 1932) de Tod Browning, la fin de la scène fait basculer L’Homme qui rétrécit dans sa nouvelle dimension : dorénavant on sait que Carey sera seul à jamais, qu’il s’oriente vers une forme de vie inédite, fascinante et terrifiante à la fois, ouverte sur l’inconnu et le mystère.

L'Homme qui rétrécit

Par ailleurs, l’aspect documentaire animalier est captivant dans la mesure où il est transgressif : l’oiseau auquel donne à manger Carey est peut-être, en fin de compte, encore plus stupéfiant en raison du changement d’échelle, que le chat ou l’araignée. Il y a, enfin, quelque chose d’authentiquement pascalien (*) dans la séquence finale, monologue philosophique face à l’infini de l’espace, qui constitue un habile compromis entre la fin du roman de Matheson et la volonté d’Universal d’introduire une fin heureuse. La dernière phrase est franchement théologique, et l’introduction du mot « Dieu » aurait même été, selon Jean-Marie Sabatier (**) l’objet d’une dispute entre le producteur et l’auteur du roman. Curieusement, je ne retrouve aujourd’hui nulle part mention de ce fait dans les commentaires américains ou anglophones d’histoire du cinéma ni dans le livret français (pourtant relativement informé) qui accompagne le coffret. C’est un point d’histoire du cinéma qui est aussi un point d’histoire de la littérature, dans la mesure où Richard Matheson est concerné au premier chef, qu’il faudrait sérieusement éclaircir un jour.

L'Homme qui rétrécit

(*) Cf. la célèbre pensée n°72 sur l’homme entre deux infinis, l’infiniment grand et l’infiniment petit in Blaise Pascal, Pensées, édition de Ch. M. des Granges, édition Classiques Garnier, Paris 1964, page 87. L’édition du texte par des Granges chez Garnier conserve l’ordre et la numérotation des pensées, établis par Léon Brunschvicg dans son édition classique parue chez Hachette. Le monologue final y fait une allusion. D’autre part, la théorie spinoziste du « conatus » se confond parfois avec l’argument darwinien du « struggle for life » : les remarques du héros sur le parallélisme entre son combat pour la vie et celui que mène de son côté l’araignée, découlent un peu de ces deux théories.

(**) Jean-Marie Sabatier, Les Classiques du cinéma fantastique,  éditions Balland, Paris 1973.

L'Homme qui rétrécit

Aspects techniques

L’image est au format 1.85 N&B compatible 16/9. La copie chimique est en très bon état général. Excellente numérisation tant pour le DVD que le BRD, ce dernier en Full HD 1920x1080p. Cette édition Elephant est désormais l’édition de référence française.

Côté son, on a droit à une VOSTF et une VF d’époque en Dolby Mono d’origine 2.0 sur le DVD et en DTS HD Master audio 2.0. sur le BRD. La piste technique originale est en bon état et la VF d’époque aussi. Le doublage et le sous-titrage divergent parfois assez sérieusement : le monologue final n’est pas le même en VF d’époque et en VOSTF. Effets sonores bien restitués. Musique souvent remarquable, en partie composée par Hans J. Salter et Herman Stein, non crédités.

L'Homme qui rétrécit (The Incredible shrinking man)

Outre l’inévitable présentation de Jack Arnold d’une part, du film d’autre part par Jean-Pierre Dionnet, basique mais correcte dans les deux cas, on trouvera un livret illustré couvrant brièvement la carrière de Jack Arnold, la production de Tarantula ! et celle de L’Homme qui rétrécit (les deux titres réunis dans ce combo contenant 2 BRD + 2 DVD) et enfin sa filmographie. Sur ses 42 pages petit format, environ une quinzaine d’illustrations pleines pages (photos de plateau, affiches, publicités diverses) bien reproduites. Il mentionne certains détails techniques intéressants (qui étaient parfois connus, parfois moins ou uniquement par les anglophones) ainsi que quelques brefs extraits traduits d’entretiens avec Arnold. Quelques coquilles (« épiloge » à la p.36 au lieu de « épilogue ») et un style parfois relâché sont compensés par une passion sincère envers le cinéaste et son œuvre. À noter que la photo de la page 37 provient du Météore de la nuit. Deux bandes-annonces (celle de Tarantula ! est sur les disques de L’Homme qui rétrécit, celle de L’Homme qui rétrécit est sur les disques de Tarantula !) en état chimique moyen et une vingtaine de documents (photos de plateau, affiches) mais aucun jeu complet de photos d’exploitation (lobby cards) n’est reproduit : un peu décevant. Enfin d’autres bandes-annonces de la collection Cinéma Monster Club (composée des films fantastiques Universal de 1935 à 1955 environ y compris La Revanche de la créature de Jack Arnold) complètent ces documents d’histoire du cinéma. L’esthétique du coffret est épurée, originale et met en évidence le rapport symétrique entre les arguments des scénarios de Tarantula ! et de L’Homme qui rétrécit.

Notes :
– Image : 4/5
– Son : 4/5
– Bonus : 3,5/5

Coffret Jack Arnold - Jaquette 3DL’Homme qui rétrécit de Jack Arnold (USA – 1957) – Coffret Jack Arnold, le géant de la peur – Édition Combo Blu-ray + DVD – Elephant Films – Sortie le 11 juillet 2017

U.S.A. 1957 : après que son bateau a traversé un mystérieux nuage pendant une simple promenade en mer, Scott Carey est victime d’une réaction biologique. Il constate que sa taille et son poids diminuent sans cesse. La science ne pouvant rien pour lui, il est assez rapidement contraint de vivre dans une maison de poupée, protégé et nourri par son épouse. Mais leur chat tente de le dévorer, le forçant à fuir et provoquant sa chute dans la cave. Incapable d’ouvrir la porte qui s’est refermée, devenu trop petit pour être repéré, il est désormais menacé par une araignée tandis que les objets et les dimensions de son nouveau monde l’isolent pour toujours. Il accepte finalement son sort : rejoindre l’infiniment petit et s’en remettre à Dieu.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.85:1 encodée en AVC 1080/23.98p
  • Langues : Anglais et Français DTS-HD Master Audio 2.0
  • Sous-titres : Français
  • Durée : 1h 21min
  • 1 BD-25

Coffret Jack Arnold - Verso 2D

Bonus (en HD) :

  • Jack Arnold par Jean-Pierre Dionnet (10 min)
  • Le film par Jean-Pierre Dionnet (10 min)
  • Bandes annonces
  • Livret de 48 pages

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