Jason Bourne (2016)

Jason Bourne : L’actualité dans la peau

À la fin de La Vengeance dans la peau (The Bourne Ultimatum, 2007), Jason Bourne avait enfin recouvré la mémoire en même temps que sa véritable identité : celle d’un certain David Webb. Mais qui se cache vraiment derrière ce patronyme ? Et surtout comment et pourquoi David Webb est-il devenu Jason Bourne ? C’est là toute la question à laquelle va tenter de répondre ce nouvel opus.

Commençons d’entrée de jeu par traiter le cas de toutes ces mauvaises langues qui, à la décennie dernière, encensaient les films Jason Bourne, et tombent aujourd’hui à bras raccourcis sur ce quatrième opus, arguant que la trilogie originelle se suffisaient à elle-même, que le troisième opus sus-cité bouclait la boucle, et que ce nouveau Jason Bourne ne fait rien d’autre que du recyclage. Sur tous ces points, on pourra, éventuellement, leur donner raison, à tout le moins partiellement. Rappelons ici-même qu’à l’issue du tournage de La Vengeance dans la peau, Paul Greengrass déclarait qu’il en avait terminé avec cette saga tandis que de son côté Matt Damon refuserait de rempiler sans la présence du réalisateur. Quelques années plus tard, la demande de la part du public, chiffres au box-office à l’appui aidant, tout le monde est visiblement tombé d’accord (avec sans doute de bien jolies chèques à l’appui) pour remettre le couvert. Et dans les faits, en survolant à la va-vite le cahier des charges de ce nouveau Jason Bourne, celui-ci semble a priori correspondre à celui de ses prédécesseurs : un nouveau boss de la CIA en la personne de Tommy Lee Jones, des personnages féminins transpositions des figures passées (Julia Stiles et Alicia Vikander enfilent les jeans et autres tailleurs portés jadis par Franka Potente et Joan Allen). Même constat du côté des scènes d’action avec l’immanquable course-poursuite en deux roues (dans les rues d’Athènes en lieu et place de Tanger), celle en voiture (dans les rues de Las Vegas en lieu et place de New York), sans oublier l’indispensable mano a mano entre Jason Bourne et le nouvel agent lancé à ses trousses (Vincent Cassel). Check, check et re-check. Pas de problème tout est bel et bien présent. Y compris les différents flashbacks dans le passé de Jason Bourne.

Jason Bourne - Affiche France

Oui mais voilà, à y regarder de plus près ce carnet de vol (qui nous emmène une nouvelle fois de Londres à Berlin en passant par Las Vegas), on constate pas mal de petits changements, à priori insignifiants, en coulisses mais qui trouvent toute leur importance dans des tas de petits détails à l’écran. Pour peu que l’on prenne la peine d’y prêter attention. Matt Damon et Paul Greengrass sont à présent crédités en tant que producteurs et de fait ont désormais les coudées-franches pour orienter le film un peu plus comme bon leur semble tandis que le cinéaste cosigne le scénario du film en compagnie de Christopher Rouse, son monteur attitré depuis La Mort dans la peau (The Bourne Supremacy, 2004). Un poste qu’il n’avait pas officiellement occupé depuis Vol 93 (Flight 93, 2006) et avant cela sur Bloody Sunday (2002). Parti jouer les urgentistes auprès de Rogue One : A Star Wars Story, Tony Gilroy a donc cédé sa place de scénariste, poste qu’il occupait depuis le tout premier opus tout en réalisant dans l’entrefaite le spin-off Jason Bourne : L’héritage (The Bourne Legacy, 2012). Un second élément qui trouve son importance dans des indices qui s’accompagnaient jadis d’explications orales là où Paul Greengrass préfère désormais se passer de mots. Car à l’instar d’un George Miller, Greengrass est un cinéaste de l’image qui croit dans le pouvoir tant narratif que suggestif de ce dernier, estimant que le spectateur sera suffisamment intelligent pour comprendre par lui-même tous ces petits détails présents à l’écran et avec eux, tous les sous-entendus et autres métaphores qui en découlent : ici une carte d’accès ou encore une clé passée subrepticement de main en main, là une série de chiffres en bas d’un calepin, etc. Dans l’action comme dans la narration, le cinéma de Greengrass en passe donc par cette image dont le spectateur ne doit pas perdre une miette au risque de rater un élément.

Cette triple casquette de producteur – scénariste – réalisateur qu’occupe désormais Paul Greengrass sur ce nouveau Jason Bourne se retrouve également dans un autre aspect de ce documentariste de formation : un cinéma de l’instantanéité et du contemporain. Une arme à double tranchant car seul le re-visionnage ultérieur de ses films permettra de dire s’ils résistent (ou non) à l’épreuve du temps. Mais en l’état et depuis le début du millénaire, force est de constater que son cinéma frappe toujours juste, fusse-t-il parfois empreint de certaines lourdeurs / maladresses (dans le cas présent une insistance sur les flashbacks père-fils). Dans le cas de Jason Bourne, impossible de ne pas voir dans cette scène d’ouverture en pleine manif sur fond de crise grecque comme une résurgence de son Bloody Sunday ou encore dans ses petits arrangements en coulisses entre l’establishment et la Silicon Valley comme un parallèle dans l’affaire qui opposa récemment Apple au FBI tout en tendant une perche au futur Snowden (évoqué là encore subrepticement au début) d’Oliver Stone attendu en salles pour la fin d’année. C’est cette somme de petits détails égrainés en guise de fil rouge narratif sur fond de traque CIA – Jason Bourne, en sus de scènes d’action toujours aussi vertigineuses et moyennant quelques « facilités » sur lesquelles on passera bien volontiers l’éponge, qui font de ce nouveau Jason Bourne un film pleinement en phase avec l’actualité ; le tout n’oubliant pas de questionner cette notion de patriotisme post-11 septembre qui vit quantité de personnes s’engager bile-en-tête pour le bien de la sureté (inter)nationale et qui, aujourd’hui, remettent en cause leurs propres convictions à l’aune de simili-terroristes parfois fabriqués de toutes pièces.

Jason Bourne, le film de trop, lourdingue et qui ne fait que recycler tous les ingrédients des opus précédents ? Certes mais assemblé avec un tel brio au cœur d’un actionner beaucoup moins décérébré que ne le laisserait supposer sa mise en scène abrupte mais toujours aussi lisible, nous, on signe de suite pour les prochains épisodes. Car à la fin, à l’instar de Jason Bourne, voici une franchise qui ne prend pas ses spectateurs (que) pour des pigeons.

Jason Bourne de Paul Greengrass – 2h03 (Universal Pictures International France) – 10 août 2016

Résumé : Il y a maintenant presque 20 ans, après l’annonce de l’assassinat de son père par un groupe terroriste, un jeune et brillant soldat se portait volontaire dans un programme expérimental des Forces Spéciales. Le but de l’opération était de lui permettre de venger son père et de défendre son pays, en augmentant au-delà de l’imaginable des capacités physiques et intellectuelles pourtant déjà impressionnantes. Tout ceci n’était qu’un mensonge.

Note : 4/5

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