Silence - Image Une Critique

Silence : La Dernière tentation du Priest

On le sait, Martin Scorsese aurait pu devenir prêtre. C’était d’ailleurs comme une forme de Destinée manifeste lui qui côtoyait dans sa Litle Italy natale Hommes d’Église et Mafiosi qui se saluaient mutuellement et avec respect quand ils se croisaient sur le même trottoir. Si l’homme est tombé dans la marmite cinéma, tous ses films sont empreints d’une même thématique centrale. Celle de la rédemption avec l’ombre de Dieu à ses côtés. Scorsese est donc un croyant. De celui qui peut se passer de l’Église pour s’approprier la parole de Dieu en direct. La Dernière tentation du Christ ne disait d’ailleurs rien d’autre. Si le film fut une source de polémiques sans fin c’est bien parce que Scorsese y balayait les enseignements des Saintes Écritures pour se rapprocher au plus près de l’homme et de ses tentations avant d’être le fils de Dieu. Avec Silence, la démarche est la même à la différence que l’on est face à des prêtres missionnaires qui, pour se rapprocher de la parole de Dieu, doivent faire face à son silence assourdissant.

Silence - Affiche

Nous sommes en 1640. Le Japon, après avoir accueilli le catholicisme et ses prêtres missionnaires à bras ouverts, a décrété cette nouvelle religion comme illégale car finalement dangereuse. Les jésuites sont depuis exterminés et ceux qui ont embrassé l’Église et ses préceptes persécutés. Deux jésuites portugais veulent pourtant s’y rendre pour prêcher certes la bonne parole divine mais surtout pour retrouver leur ancien maître, le père Ferreira, qui aurait abjuré sa foi. On précisera à ce stade que Silence est l’adaptation du roman au titre éponyme écrit en 1966 par Shūsaku Endō, un écrivain catholique japonais dont la représentation de Dieu a à l’évidence totalement conquis Scorsese. Et pour cause, son Dieu est maternel et se révèle dans la personne de Jésus. Comme un prolongement de La Dernière tentation de Jésus Christ en fait.

Dans un pays soumis aux persécutions systématiques, les deux prêtres (Andrew Garfield et Adam Driver plutôt convaincants) sont vite rattrapés par leur destin. Mais au lieu de les exécuter, les autorités japonaises, fort de leur succès auprès du prêtre Ferreira (Liam Neeson qui n’a pour une fois pas de grenades cachées au sein de son kimono), forcent leurs prisonniers à être témoin des tortures qu’ils infligent à leurs ouailles. En abjurant leur foi, ils peuvent y mettre fin. C’est ici tout le cœur du film. Souffrir pour sa propre foi est une chose, c’est même dans l’ordre des choses. Mais refuser une abjuration semble cruelle et à l’encontre des préceptes du christianisme s’il s’agit de mettre fin aux souffrances d’autrui. C’est même pendant plus de 2h le combat intérieur du prêtre interprété par Andrew Garfield. Alors on pourra arguer que c’est long et un tantinet répétitif. On pourra aussi dire que ce n’est pas très subtil, surtout derrière la caméra d’un homme comme Scorsese.

Mais qui a dit que Scorsese était un cinéaste de la subtilité ? Ses films sont toujours dans la démonstration plutôt rentre-dedans. Scorsese ne fait jamais dans la finesse. C’est juste que ses histoires sont souvent très riches avec cette propension à tenir en haleine le spectateur de bout en bout. Prenez Raging Bull, sous son vernis glacé en noir et blanc du plus bel effet, le film raconte avec violence et sans détours la vie d’un boxeur déchu avant même de monter pour la première fois sur un ring. Le problème avec Silence, c’est que si Scorsese fait du Scorsese, avec cette maestria et cette fougue qu’on lui connaît, l’histoire qu’il nous raconte est plutôt plate, pour ne pas dire redondante. Alors on peut y adhérer sans problème et ne pas voir les 2h40 passer mais on peut aussi entendre que voilà un film qui tourne rapidement en rond sinon dans son dernier quart d’heure qui fera dire aux esprits les plus chagrins : Tout ça pour ça…

Et pourtant Scorsese va bien jusqu’au bout de sa démonstration et de ses obsessions. Il y donne encore une fois sa version de la croyance en Dieu. Celle d’un dialogue en direct qui passe par son fils car c’est bien lui qui a compris les tourments des Hommes, leurs turpitudes, leurs tentations… C’est lui qui peut rompre le silence comme il le fait ici au moment crucial et qui permet au prêtre Rodrigues d’aller au-delà de son enseignement religieux et de faire finalement le même parcours que Jésus. Un chemin de croix subit par Scorsese au détour de chacun de ses films et qui s’il semble ici beaucoup plus frontal que d’habitude n’en reste pas moins un émouvant témoignage de la foi d’un homme en son Art.

Silence (2016) de Martin Scorsese – 2h41 (Metropolitan FilmExport) – 8 février 2017

Résumé : XVIIème siècle, deux prêtres jésuites se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira, disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme. Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves.

Note : 3/5

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