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Good Kill : Ultimate American Sniper

Avec Good Kill, Andrew Niccol réalise sans doute là son film le plus personnel à ce jour. Personnel quant au traitement de ses thèmes de prédilection qu’il radicalise encore par sa mise en image proche de l’épure. Ce qui donne une œuvre adulte, denrée rare par les temps qui courent, exposant ses positions d’une manière frontale  tout en s’appuyant sur une dialectique qui n’est pas sans rappeler celle du Nouvel Hollywood dont l’un des moteurs à ses débuts était le désastre de la guerre du Vietnam.

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Pour autant, Good Kill n’est pas un chef-d’œuvre. Il est un brûlot politique qui pose de multiples questions passionnantes, il est une saillie anti-militariste revigorante, Il est sans doute aussi la représentation la plus fidèle de la guerre dite moderne, il est enfin la somme de tout cela vue par le prisme d’un homme qui, à l’image des drones qu’il met en scène, a cette vision d’ensemble immersive lui donnant sans conteste aujourd’hui l’avantage sur tous les autres. Il lui manque juste une fin cohérente. Certes, Andrew Niccol s’en défend dans l’interview qu’il a bien voulue nous accorder, il n’empêche qu’elle nous semble appuyer inutilement des propos jusque là magnifiquement illustrés. Difficile en effet de donner une fin à quelque chose partie pour durer. L’actualité nous le rappelle d’ailleurs sans cesse avec dernièrement la mort de deux otages occidentaux causés par l’action d’un drone de l’armé américaine. Au point que le Président Obama s’en est excusé publiquement.

C’est d’ailleurs l’un des points polémiques que le film soulève par ricochet. L’implication du gouvernement Obama dans le développement à outrance du programme Drones censé faire reculer le nombre de soldats américains tués au combat. Avec pour conséquence des conflits qui n’en finissent plus. Good Kill, c’est la terminologie employée quand l’action d’un drone est couronnée de succès. Mais ce que l’histoire ne dit pas et que le film dénonce sans ambages, sont les dommages collatéraux provoqués consciemment ou non. Ces victimes pour la plupart civiles qui se prennent la deuxième frappe quand ils ne sont là que pour sauver les victimes de la première. Pour la CIA, il y a forcément dans le lot un ou deux terroristes qu’il faut supprimer. Comme on dit, on ne fait pas d’omelettes sans… C’est aussi le cas lors de l’enterrement d’un terroriste où l’occasion est trop belle pour ne pas faire un carton… quitte à aussi éradiquer femmes et enfants. Good Kill entend-on alors.

Le « good killer » c’est Ethan Hawke.  À l’évidence, il est le reflet composite d’une nouvelle frange de l’armée que l’on pourrait brocarder comme les ultimate American Sniper dont Andrew Niccol souligne les nouvelles névroses. Ce que l’on appelle les « post traumatic war stress disorder ». À la différence qu’ici le soldat rentre chez lui tous les soirs pour coucher ses enfants et faire éventuellement l’amour à sa femme. Il n’y a plus de sas de décompression. On part tuer du taliban comme d’autres vont mettre à jour quotidiennement leur tableau Excel de reporting pour leur hiérarchie. C’est dans cet équilibre fragile qu’Andrew Niccol se surpasse. Dans cette zone grise où tout est à fleur de peau sans que rien ne doive transpirer. Sa mise en scène est sèche, sans mouvements de caméra superflus et pourtant l’introspection est réelle, palpable, limite insoutenable. On est même heureux, tout comme le « héros », de revenir au taf pour surveiller ces terroristes vus du ciel et d’appliquer ensuite cette forme de justice immanente.

On ne sait si Ethan Hawke était le choix le plus judicieux pour interpréter ce pilote de chasse cloué au sol pour manier du joystick, mais il est l’acteur fétiche du cinéaste qui ne pensait qu’à lui en écrivant le scénar. Le fait est que son jeu minimaliste et minéral colle étonnamment à ce que veut sous-tendre Andrew Niccol. À savoir comprendre cette violence sourde et obsessionnelle qui finit par mettre en danger jusqu’à l’iconique American Way of Life. L’implosion est en effet toute proche et Andrew Niccol d’en mesurer déjà la portée. En ce sens, Good Kill fera date. Il expose cette guerre clinique et « Wikileaks » à la façon d’un rapport du Pentagone. Bienvenu chez le faucon Andrew Niccol.

Good Kill – d’Andrew Niccol – 22 avril 2015 (La Belle Company).

Le Commandant Tommy Egan, pilote de chasse reconverti en pilote de drone, combat douze heures par jour les Talibans derrière sa télécommande, depuis sa base, à Las Vegas. De retour chez lui, il passe l’autre moitié de la journée à se quereller avec sa femme, Molly et ses enfants. Tommy remet cependant sa mission en question. Ne serait-il pas en train de générer davantage de terroristes qu’il n’en extermine ? L’histoire d’un soldat, une épopée lourde de conséquences.

Note : 3,5/5

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