Rétrospective Kurosawa - Partie 2 - Image Une

Rétrospective Akira Kurosawa – Partie 2

Le 25 janvier 2017, Carlotta Films ressort au cinéma en copies numériques restaurées DCP (« Digital Cinema Package ») 8 films d’Akira Kurosawa dont deux titres inédits en France au cinéma. Cette deuxième vague fait suite à la vague 1 de l’année dernière, déjà examinée sur Digital Ciné et qui comprenait 9 titres. Au total, 17 titres de Kurosawa ont été restaurés en HD par la société japonaise de production Toho. Wild Side Vidéo, élément moteur de toute l’opération côté français, les édite en masters 2K (combo Blu-ray + DVD + livret collector) depuis octobre 2015.

Rétrospective Kurosawa - Partie 2 - Affiche

On peut les classer par genres japonais, ce qui nous donne 5 « gendai-geki » ou « films contemporains » [Le Plus dignement / Le Plus beau (1944 inédit), Un merveilleux dimanche (1947 inédit), L’Ange ivre (1948), Chien enragé (1949), Vivre (1952)] et 3 « jidai-geki » ou « films historiques » [La Forteresse cachée (1958), Sanjuro (1962), Barberousse (1965)]. Les voici examinés dans leur ordre chronologique de production :

Rétrospective Kurosawa - Partie 2 - Le Plus dignement - AfficheLe Plus dignement / Le Plus beau [Ichiban Utsukushiku] – 1944 – Japon – 87min – 1. 37 Noir&Blanc
Avec Takashi Shimura, Soji Kiyokawa, Ichiro Sugai, Takako Irie, Yoko Yaguchi

Pendant la Seconde guerre mondiale, alors que les combats font rage dans le Pacifique, un groupe de jeunes ouvrières volontaires japonaises travaillent dans une usine d’instruments optiques, assemblant et réglant des lunettes de visée pour armes légères et lourdes. Elles sacrifient leur vie privée et leur santé afin de dépasser le quota de la production exigée par leur directeur. Certaines (telles Watanabe) se comportent en héroïnes authentiques, provoquant l’admiration de leurs chefs.

Titre inédit en France. Il est connu, dans les filmographies, sous les titres alternatifs : Le plus doux ou Le plus beau. C’est d’ailleurs ce second titre qui est traduit dans les sous-titres français du DVD communiqué à la presse et qui est utilisé  par les filmographies anglo-saxonnes de Kurosawa. Cette production patriotique de la Toho est écrite et mise en scène d’une manière à la fois exaltée et humaniste : les actrices principales sont remarquablement dirigées. Kurosawa épousa Yoko Yaguchi (qui tient le rôle principal de « Watanabe ») en mai 1945. Le tournage eut lieu dans une véritable usine située à Hiratsuke et ses dortoirs furent occupés durant toute la durée du tournage par les acteurs et l’équipe technique. Formellement, esthétiquement, certaines idées plastiques (le montage alterné de la courbe graphique, par exemple) remontent au cinéma muet, par exemple au cinéma de propagande soviétique d’un S.M. Eisenstein. Exploité à Tokyo le 13 avril 1944 sans générique technique ni casting (afin d’économiser la pellicule), le titre est à présent muni par la Toho d’un générique final, ici traduit en VOSTF pour l’essentiel. Une lacune enfin comblée, donc : la période 1940-1945 du cinéma japonais fut, pour des raisons évidentes, mal distribuée chez nous mais sa connaissance demeure nécessaire à qui s’intéresse à son histoire comme à son esthétique.

Le Plus dignement - Rétrospective Kurosawa

Rétrospective Kurosawa - Partie 2 - Un merveilleux dimanche - AfficheUn merveilleux dimanche [Subarashiki Nichiyobi] – 1947 – Japon – 110min – 1.37 Noir&Blanc
Avec Isao Numasaki, Chieko Nakakita, Atsushi Watanabe, Ichiro Sugai

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la ville de Tokyo est sous les ruines. Le jeune couple formé par Yuzo et Masako a tout perdu pendant le conflit. Chacun est obligé de vivre séparément, lui chez un ami, elle chez sa sœur. Comme tous les dimanches, ils se retrouvent pour passer la journée ensemble, rêvant à de jours meilleurs. Mais Yuzo se sent de plus en plus accablé par cette situation. Masako, qui refuse de se laisser abattre, va tout faire pour redonner à son compagnon sa joie de vivre perdue…

Titre inédit en France. La Toho ayant été épurée en 1945 par l’occupant américain, les syndicats (à tendance réformiste parfois communiste) dirigèrent sa production de 1945 à 1948 : ils donnaient toute latitude au courant réaliste (dénommé dans les histoires du cinéma « courant idéologique » ou « courant social des années 1930 ») de s’exprimer à nouveau. Le scénario est inspiré par celui du Isn’t Life Wonderful ? (USA 1924) de D.W. Griffith, de l’aveu tardif de Kurosawa qui avait été impressionné, étant enfant, par la vision de ce long métrage muet qui dépeignait une famille polonaise immigrée en Allemagne, tentant de survivre à la crise sociale et financière allemande des années 1920. Un merveilleux dimanche connut, dit-on, un échec public aux USA comme au Japon, à cause de sa fin. On a pu évoquer à son sujet, rétrospectivement, un ton autant Nouvelle-vague française (par exemple le cinéma de François Truffaut) que fellinien (le Fellini néoréaliste des années 1950, celui de Les « Vitelloni » et du Cheick blanc, pas celui visionnaire et symboliste des années 1970, du Satiricon ni de Fellini Roma). Mais penser ainsi, c’est écrire l’histoire du cinéma à l’envers. En réalité, la tendance réaliste existait dans le cinéma japonais dès l’avant-guerre et bien avant qu’on n’inventât le néo-réalisme en Italie  : il suffit de visionner les comédies filmées par Ozu dans le Japon des années 1930 pour le constater. Ce titre de Kurosawa tient historiquement une place médiane entre les deux écoles esthétiques. Première partie assez bonne, montrant différents aspects de la vie sociale dans un Tokyo ruiné par la guerre. Seconde partie romantique mais pesante, lourde, ayant mal vieilli en dépit de ses recherches esthétiques occasionnelles.

Un merveilleux dimanche - Rétrospective Kurosawa

Rétrospective Kurosawa - Partie 2 - L'Ange ivre - AfficheL’Ange ivre [Yoidore Tenshi] – 1948 – Japon – 98min – 1.37 Noir&Blanc
Avec Toshiro Mifune, Takashi Shimura, Michiyo Kogure, Reizaburo Yamamoto, Chieko Nakakita

Tokyo 1948, un médecin alcoolique soigne la tuberculose d’un jeune gangster et tente de le faire changer de vie mais ce dernier est rattrapé par son passé violent, lorsque le chef de son clan sort de prison.

Drame psychologique néo-réaliste virant au film noir policier qui signe le début de la collaboration entre le réalisateur et l’acteur Toshiro Mifune (1920-1997) qui joua au total, par la suite, dans 16 films de Kurosawa. Scénario écrit à nouveau par Kurosawa et  Keinosuke Uekusa qui venait de signer une enquête sur les milieux de la drogue. Le premier aussi sur lequel le studio Toho lui laissa les coudées franches. À l’origine, le personnage principal était le médecin (inspiré par un véritable médecin rencontré par Kurosawa et son scénariste) mais Kurosawa fut si impressionné par le talent de Mifune qu’il ré-écrivit l’histoire de manière à partager à peu près l’action entre les deux personnages à l’écran. Les spectateurs japonais pensaient que le titre renvoyait au personnage de Mifune alors qu’il renvoyait, dans l’esprit du cinéaste, à celui du médecin joué par Takashi Shimura, ainsi que Kurosawa le confirma plus tard dans un entretien avec Donald Ritchie, publié en 1964. On chuchote qu’il en existerait une « director’s cut » de 150 minutes mais personne ne l’a jamais vue. Le film ressort, au total, autant du romantisme spiritualiste russe de Dostoïevski que du néoréalisme italien ou que du film noir américain : l’alliage japonais de l’ensemble, improbable, a pourtant bien vieilli et on ne s’ennuie pas un instant. Interprétation un peu trop appuyée des deux acteurs principaux, celle de Mifune semblant parfois très influencée par l’expressionnisme allemand. Le personnage joué par Shimura est un peu, filmographiquement, une ébauche du médecin qui sera joué par Mifune dans Barberousse, quinze ans plus tard, par Kurosawa.

L'Ange ivre - Rétrospective Kurosawa

Rétrospective Kurosawa - Partie 2 - Chien enragé - AfficheChien enragé [Norai Inu] – 1949 – Japon – 122min – 1.37 Noir&Blanc
Avec Toshiro Mifune, Takashi Shimura, Keiko awaji, Eiko Miyoshi, Noriko Sengoku

Tokyo été 1949, Un jeune inspecteur de police de la Brigade criminelle doit retrouver le voleur qui, avec l’aide d’une complice entraîneuse de bar, lui a dérobé son petit pistolet semi-automatique réglementaire Colt « 1908 Vest Pocket », calibre 25 ACP (chargé à pleine capacité de ses 7 cartouches) en profitant de sa fatigue après un entraînement, alors qu’il empruntait les transports en commun. Ce voleur utilise l’arme de service et devient un meurtrier aux abois, un « chien enragé » selon un inspecteur plus âgé avec qui le plus jeune doit faire équipe, l’affaire devenant une priorité.

Grand classique du film noir policier, et peut-être le meilleur de toute cette vague 2 de la rétrospective Kurosawa, produit par la ShinToho créée par des anciens de la Toho au lendemain de la guerre, écrit par Kurosawa sous l’influence revendiquée de Georges Simenon. Peinture noire, désespérée, souvent documentaire car tournée en extérieurs aussi souvent que possible, parfois presque hallucinée, du Tokyo d’après-guerre. La progression dramatique du scénario amène le héros à comprendre que le voleur est un peu son double qui aurait mal tourné. Toshiro Mifune débutant joue encore sobrement. Inoshiro Honda, cinéaste confirmé à la Toho et futur maître du cinéma fantastique de films de monstres (« Kaiju-eiga » de 1954 à 1970, genre apprécié par Kurosawa au point qu’il aurait souhaité, dit-on, réaliser lui-même un Godzilla), était assistant technique de Kurosawa sur Chien enragé : l’un des personnages porte d’ailleurs son nom, en signe de reconnaissance amicale. On doit notamment à Inoshiro Honda et à son opérateur Kazuo Yamada les images des séquences montrant Mifune arpenter les zones dangereuses de Tokyo, déguisé en soldat démobilisé, cherchant le contact avec les trafiquants d’armes. Leur montage est particulièrement sophistiqué. Une séquence saisissante : celle des danseuses demi-nues, épuisées par leur numéro de cabaret, qui montent se reposer à même le sol, les unes à côté des autres, haletantes, dans une pièce confinée. Chien enragé a pu être directement influencé par  Le Voleur de bicyclette [Ladri di biciclette ] (Italie, 1948) de Vittorio de Sica dont Kurosawa admirait la mise en scène et le propos mais aussi par La Cité sans voile [Naked City] (USA, 1948) de Jules Dassin, sorti au Japon en décembre 1948. il a d’ailleurs, par la suite, probablement influencé à son tour le film noir américain : les scènes spectaculaires du stade annoncent autant celles du Allô… Brigade spéciale [Experiment in Terror] (USA, 1962) de Blake Edwards que celles de Un tueur dans la foule [Two Minutes Warning] (USA 1976) de Larry Peerce.

Chien enragé - Kurosawa

Rétrospective Kurosawa - Partie 2 - Vivre - AfficheVivre [Ikiru] – 1952 – Japon – 143min – 1.37 Noir&Blanc
Avec Takashi Shimura, Shinichi Himori, Haruo Tanaka, Minoru Chiaki

Kanji Watanabe est chef de service du Bureau d’Accueil des Habitants depuis plus de vingt-cinq ans. Son travail consiste à tamponner des formulaires toute la journée. Le soir, il rentre chez lui auprès de son fils et sa bru qui n’attendent qu’une chose : la mort du vieil homme et l’héritage tant convoité. Lorsque Watanabe apprend qu’il est atteint d’un cancer de l’estomac incurable, il décide de changer son quotidien et de faire quelque chose d’utile, une fois dans sa vie…

Tourné après son adaptation de L’Idiot (1951) d’après le roman spiritualiste de Dostoïevski et juste avant Les 7 Samouraïs (1954), le drame psychologique Vivre (1952) est un film réaliste et humaniste qui marque une date dans la filmographie de Kurosawa. Son scénario partiellement inspiré par une nouvelle de Léon Tolstoï, La Mort d’Ivan Ilich (1880) fut récompensé par un Ours d’argent au festival de Berlin en 1954. Des titres de Kurosawa tournés entre 1948 (L’Ange ivre) et 1965 (Barberousse), c’est le seul duquel l’acteur Toshiro Mifune soit absent. C’est le grand Takashi Shimura qui lui ravit ici la vedette et c’est sans doute son rôle, encore aujourd’hui, le plus connu en Occident, d’ailleurs injustement car le registre de Shimura est très étendu et sa filmographie très ample. Kurosawa l’employa d’ailleurs davantage que Mifune puisque Shimura apparaît en vedette ou co-vedette au générique de 21 titres de sa filmographie. Mise en scène classique, souvent lourde et engoncée, mais parsemée de quelques recherches esthétiques : elle est influencée par le cinéma muet scandinave, russe, allemand, américain mais elle est évidemment régulièrement traversée d’une flamme japonaise originale, si caractéristique et parfois si étrange. La première partie est une sorte de phénoménologie de l’idée de la mort. La seconde partie adopte une structure à la Citizen Kane (1941) que Kurosawa avait déjà utilisée dans Rashomon (1950). L’ensemble, unifié de temps en temps par un commentaire en voix-off, forme un diptyque dont le premier volet est vu du point de vue du héros avant sa mort, le second vu du point de vue de ses familiers et de ses collègues après sa mort. Sa puissance mi-critique, mi-visionnaire, demeure intacte mais il faut lui laisser le temps de manifester sa sourde tension. Reste que le scénario comporte deux sujets concurrents (la mort d’une part et la critique de la bureaucratie d’autre part), ce qui peut apparaître comme une faiblesse de construction mais se résout si on considère que la bureaucratie est une sorte de mort permanente qui contrarie l’élan vital et social originel de l’État, de même que la mort physique contrarie l’élan vital individuel. Ce genre de dialectique pouvait, en 1952, toucher aussi bien les intellectuels communistes que les existentialistes.

Vivre - Kurosawa

Rétrospective Kurosawa - Partie 2 - La Fortesse cachée - Affiche La Forteresse cachée [Kakushi-toride no san-akunin] – 1958 – Japon – 139min – TohoScope 2.35 Noir&Blanc
Avec Toshiro Mifune, Misa Uehara, Minoru Chiaki, Kamatari Fujiwara

Japon, XVIe siècle. Le clan des Akizuki vient d’être vaincu par leur rival, les Yamana. Deux petits escrocs querelleurs, Matashishi et Tahei, vont se retrouver mêlés à cette guerre des clans en croisant sur leur route un homme puis une femme dont ils ignorent la véritable identité. Il s’agit du samouraï Rokurota, chargé de la protection de la princesse d’Akizuki. Attirés par le trésor qu’ils transportent avec eux, les deux compères vont les suivre jusqu’au royaume Hayakawa où ils pourront tous trouver refuge…

Après deux titres angoissants et tragiques qui n’avaient pas obtenu un grand succès public ni financier au Japon (Les Bas-fonds [1957] d’après la pièce théâtrale russe de Maxime Gorki et Le Château de l’araignée [1957] d’après La Tragédie de Macbeth de Shakespeare), Kurosawa était désireux de changer d’atmosphère. Il voulut tourner un film d’aventures distrayant, grand public, afin de récompenser la Toho d’avoir financé ses tentatives antérieures parfois réservées, en raison de leurs recherches stylistiques, à un public plus restreint, moins populaire, plus exigeant. Source d’inspiration majeure de La Guerre des étoiles [Star Wars] (U.S.A. 1977) de George Lucas qui confirme que les deux paysans et leurs intermèdes comiques, furent structurellement transposés sous les traits de R2D2 et C3P0. On peut très bien visionner La Forteresse cachée en ignorant ce détail savoureux mais anecdotique de l’histoire du cinéma. Lucas co-finança par la suite un autre film « jidai-geki » de Kurosawa : Kagemusha, l’ombre du guerrier (1980). Les clans Akizuki et Yamana ont bien existé mais celui de Hayakawa est une invention des scénaristes. Premier film tourné par Kurosawa en écran très large TohoScope 2.35 (la version Toho du CinemaScope américain) augmentant son effet spectaculaire. Anecdote : l’actrice Misa Uehara (qui joue la princesse) se souvient que durant sa première séquence de maquillage, Kurosawa vint dans sa loge avec une photo de la star américaine Elisabeth Taylor, afin de montrer aux maquilleurs ce qu’il voulait obtenir comme résultat.

La Fortesse cachée - Kurosawa

Rétrospective Kurosawa - Partie 2 - Sanjuro - AfficheSanjuro [Tsubaki Sanjuro] – 1962 – Japon – 96min – TohoScope 2.35 Noir&Blanc
Avec Toshiro Mifune, Tatsuya Nakadai, Takashi Shimura, Yuzo Kayama

Le samouraï « ronin » Tsubaki Sanjuro prend sous son aile une bande de jeunes guerriers inexpérimentés, afin de les aider à déjouer un complot contre le chambellan. Son art de la tactique et du combat fait merveille. Il combat finalement lui-même le redoutable Muroto, bras droit du chef ennemi.

Sujet historique classique et reprise du personnage de samouraï marginal joué par Mifune dans Yojimbo [Le Garde du corps] (1961) mais le scénario de Sanjuro est sans rapport avec celui du titre précédent de 1961 et on peut très bien visionner l’un sans avoir vu l’autre. On les définit parfois tous les deux comme des « comédies samouraïs » mais c’est une réduction générique injustifiée qui n’envisage qu’un aspect en négligeant les autres, bien réels. Le scénario se déploie comme une partie d’échecs où le metteur en scène organise l’espace d’une manière souvent exceptionnelle sur le plan formel : servi par la musique de Masaru Sato, Sanjuro est devenu un des classiques du « film de sabre » ou « chambara » : il se termine notamment par un des duels les plus inouïs du genre. Kurosawa déclarait : « Personnellement, je trouve ce film très différent de Yojimbo. Au Japon, le public pense de même. Les jeunes gens ont adoré Yojimbo mais ce sont les adultes qui ont aimé Sanjuro. Je pense qu’il leur a plu parce qu’il est le plus drôle et, en fait, le plus divertissant des deux ». Ils s’agit cependant de deux films mineurs, esthétiquement comme thématiquement, dans la filmographie purement jidai-geki de Kurosawa. On peut leur préférer, en s’en tenant à sa partie purement N&B, La Légende du grand Judo [Sugata Sanshiro] (1943), Rashomon (1950), Les 7 Samourais (1954), Sugata Sanshiro (1965 remake en TohoScope N&B produit, écrit et monté par Kurosawa).

Sanjuro - Kurosawa

Rétrospective Kurosawa - Partie 2 - Barberousse - AfficheBarberousse [Akahige] – 1965 – Japon – 185min – TohoScope 2.35 Noir&Blanc
Avec Toshiro Mifune, TYuzo Kayama, Tsutumo Yamazaki, Raiko Dan, Terumi Niki

Japon, début du XIXe siècle. Yasumoto vient de finir de brillantes études de médecine et se prépare à être affecté à un poste prestigieux. Contre toute attente, il est nommé dans un dispensaire d’un quartier défavorisé de la capitale. Se sentant rabaissé, Yasumoto refuse dans un premier temps d’exercer la médecine. Mais la personnalité du Dr Niide alias Barberousse, un homme à l’apparence sévère entièrement dévoué à ses patients, va lui ouvrir les yeux et remettre en question ses aspirations…

Dernier titre de Kurosawa tourné en N&B, aussi le dernier tourné avec Mifune. Film ambitieux, durant plus de 3 heures et doté de moyens matériels amples : on reproduisit presque à l’identique une vieille clinique construite en 1722 qui fut garnie de matériel médical authentique utilisé au début du dix-neuvième siècle. Le tournage s’étendit sur environ 2 ans. Le scénario prône un humanisme spiritualiste ; la mise en scène privilégie la syntaxe du long plan-séquence et utilise les saisons d’une manière symbolique. Dans la filmographie du maître, Barberousse (1965) constitue le second volet de sa « trilogie de la misère », entre Les Bas-fonds (1957) et Dodes’ Kaden (1970). Il fut l’occasion de la rupture entre le réalisateur et la vedette du film. Ce dernier avait refusé, contrairement à son habitude, tout autre rôle durant le tournage, afin d’être mieux pénétré par le personnage qu’il voulait interpréter à la perfection mais sa conception se heurta à celle du metteur en scène. Kurosawa déclara à ce sujet : «Je voulais pousser le personnage dans une certaine direction. Malheureusement Mifune ne voulut rien entendre. Il joua le personnage qu’il avait en tête : une sorte de héros sublime sans peur, sans reproche, donc fatalement aussi sans humanité. Son interprétation héroïque, granitique, austère, faussa le personnage. Je pris la décision de ne plus travailler avec lui  ».

Barberousse - Kurosawa

 

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