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La prochaine fois je viserai le coeur : Tueur d’élite

En partant d’un fait-divers survenu à la fin des années 70 connu sous la terminologie du « tueur de l’Oise », Cédric Anger semble vouloir explorer un cinéma plus authentique. Son traitement confirme au demeurant cette direction entre épure de la mise en scène et économie des dialogues à rebrousse poil de son verbeux, futile et précédent film, L’Avocat. On est d’ailleurs plus ici dans la filiation de son premier long, Le Tueur, qui avait pour lui une étrangeté passionnante et une aura visuelle indéniable. La prochaine fois je viserai le cœur va plus loin en y adjoignant enfin un corps qui donne au récit une valeur beaucoup plus marquante et durable.

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Gullaume Canet est ce corps qu’il veut ici monolithe. Son jeu qui s’apparente habituellement à une intervention permanente au botox l’y aide grandement et fait sens. Sa performance jamais « over the top » fait que l’on y croit immédiatement. Il est ce gendarme qui a perpétré ces meurtres de mai 1978 à avril 1979 sans que pour autant on ne puisse en comprendre les motivations. Il est une ombre que sa condition mentale asservie à la recherche obsessionnelle de sa prochaine victime. Cédric Anger ne le filme jamais avec empathie, sa caméra n’explique rien, elle se contente de capter des gestes, des actes et des tragédies humaines sur une terre qui ressemble à une description balzacienne.

Il y a aussi chez Canet une violence sourde qui ne demande qu’à exploser. Quelque chose que le simple acteur qu’il est ici semble puiser au plus profond de lui-même. Il donne à son interprétation une tessiture et une richesse très confortable pour un réalisateur qui sait s’en servir. Pour autant, le film ne repose pas que sur ses épaules. Son personnage de psychopathe est une forme d’abstraction qui veut accéder à la normalité. Celle-ci passe par les meurtres car enfin le voilà à sa place au sein de la société. Elle passe aussi par le couple et l’incandescente malgré elle Ana Girardot qui sert de révélateur et de détonateur de tous les conflits latents. Anger joue alors le rôle de la petite souris voyeuse. Pour cela pas de mouvements de caméra intempestifs. Les cadres sont claires, les coupes sont rares et le malaise est rampant.

Au passage on saura gré au réalisateur de savoir filmer la nuit et les phares jaunes des bagnoles. Dis ainsi, cela peut paraître grotesque mais à l’écran cela montre que cet ancien critique aux Cahiers du cinéma pense aux moindres détails qui donne à son film tout son cachet d’authenticité bienvenu. Une minutie qui a toutefois tendance de temps à autre à alourdir le propos. Ici en systématisant les gros plans, là en appuyant une écriture un peu lourde dans l’agencement de certaines scènes. Cédric Anger semble en effet fasciné par sa création et a parfois du mal à s’en détacher au point d’en oublier le spectateur.

La prochaine fois je viserai le cœur n’en demeure pas moins une proposition de cinéma passionnante qui ne semble pas avoir fait beaucoup de concessions à ses ambitions initiales malgré la noirceur et le jusqu’au-boutiste de son propos. Une démarche suffisamment rare au sein de notre cinéma pour aller le vérifier par soi-même.

La prochaine fois je viserai le cœur de Cédric Anger – 12 novembre 2014 (Mars Distribution)

RésuméPendant plusieurs mois, entre 1978 et 1979, les habitants de l’Oise se retrouvent plongés dans l’angoisse et la terreur : un maniaque sévit prenant pour cibles des jeunes femmes. Après avoir tenté d’en renverser plusieurs au volant de sa voiture, il finit par blesser et tuer des auto-stoppeuses choisies au hasard. L’homme est partout et nulle part, échappant aux pièges des enquêteurs et aux barrages. Il en réchappe d’autant plus facilement qu’il est en réalité un jeune et timide gendarme qui mène une vie banale et sans histoires au sein de sa brigade. Gendarme modèle, il est chargé d’enquêter sur ses propres crimes jusqu’à ce que les cartes de son périple meurtrier lui échappent.

Note : 3,5/5

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