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L’Obsédé : Le Silence de l’agneau

Quand William Wyler réalise L’Obsédé, le cinéaste américain a déjà derrière lui une carrière impressionnante et n’a dans l’absolu plus grand chose à prouver. Six ans plus tôt, il a mis tout le monde d’accord avec Ben-Hur qui restera sans aucun doute le film à jamais associé à son blase, un peu  à l’instar d’un Mankiewicz avec Cléopâtre. Deux ans plus tard, en 1961, il réalise La Rumeur, un petit bijou éprouvant qui n’a rien perdu encore aujourd’hui de son côté malsain et révoltant. Pour autant, L’Obsédé qui suit en 1965 est sans conteste une réussite encore plus aboutie, un film majeur mais surtout matriciel d’un nouveau sous-genre cinématographique que Jonathan Demme consacrera quelques 26 ans plus tard avec Le Silence des agneaux.

L'Obsédé-Affiche française

L’Obsédé n’est pas forcément un titre qui reflète la personnalité du film. Par contre il est évident qu’il est plus « accrocheur » que Le Collectionneur, traduction littérale de The Collector. Et pourtant. Adapté du livre de John Fowles au titre éponyme (en anglais comme en français), le film raconte l’histoire d’un psychopathe qui séquestre une jeune femme de la même façon qu’il attrape des papillons pour sa collection. On comprend très vite que son but n’est pas d’abuser de sa ravissante captive mais plutôt de la rendre heureuse tout en la maintenant en cage. Le film creuse dès lors une double ambivalence. Celle du geôlier qui cherche à se faire aimer de sa prisonnière sans que pour autant il ne veuille jamais en faire autre chose qu’un objet d’admiration passive. Celle de la prisonnière qui joue finalement le jeu de cette séduction morbide avec cet écueil de sombrer à un moment ou à un autre dans la folie.

La mise en scène de Wyler accentue ce double jeu sans cesse en mutation en maintenant sciemment sa caméra toujours à distance des sujets que lui aussi il étudie tel un collectionneur voyeur dont il nous fait son complice. Rien que de très normal en fait quand il s’agit de mise en abîme cinématographique. Sauf que là, au lieu d’avoir le nez écrasé contre un aquarium pour mieux voir, Wyler s’ingénie avec perversité pour toujours nous laisser quelque peu en dehors. En effet, à l’exception de toute la séquence de l’enlèvement et de sa minutieuse préparation, le cinéaste compose des plans d’ensemble où les deux protagonistes se meuvent tels des félins s’observant, se reniflant pour mieux s’extirper des griffes de l’un ou de l’autre.

C’est en effet l’autre force du film. Brouiller toujours plus les pistes non pour oublier qui a enfermé qui mais bien pour comprendre que l’on a face à nous deux prisonniers à perpétuité. Wyler amène cela savamment, inexorablement et d’une manière définitive lors d’une séquence en milieu de film où la belle kidnappée découvre au cours d’une « liberté provisoire », la collection de papillons de son gardien. Comme pour mieux saisir la morbidité de l’instant, la photo accentue les contrastes et la densité des couleurs (via un Technicolor savamment restauré soit dit au passage) pour ne plus jamais redescendre par la suite. Comme s’il fallait à tout prix cacher la blancheur des visages déjà inertes à la façon d’un employé des pompes-funèbres maquillant le récent défunt avant son exposition. La forme embaume alors littéralement quand le fond reste vivant et exacerbé.

Pour cela Wyler s’appuie sur un duo d’acteur hors-pair. Samantha Eggar d’abord dont on sait aujourd’hui qu’elle n’apprécia que très moyennement le sort à la limite du supportable que lui réserva le réalisateur. Elle soutient pourtant avec force et une extrême conviction la présence magnétique et le regard inquiétant de Terence Stamp à qui il fut aussi demandé d’être extrêmement désagréable envers sa partenaire en dehors des sessions de tournage. Wyler ne voulait pas que la tension redescende mais surtout que ses deux quasi jeunes premiers ne tombent amoureux. Résultat, un double prix d’interprétation à Cannes.

L’Obsédé est un film de laborantin où la perversité du réalisateur est totale dans sa propension à expérimenter sans relâche avec à l’arrivée une greffe cinématographique qui prend magistralement et que beaucoup reprendront par la suite à commencer par Richard Fleischer et son perturbant Étrangleur de Boston (The Boston Strangler) sorti trois ans plus tard.

Ps : On précisera qu’il existe un DVD édité par WildSide dans la collection Les Introuvables où l’on pourra y trouver en bonus une excellente interview de Terence Stamp. En attendant sa ressortie en Blu-ray avec la reprise de ce magnifique master restauré.

L’Obsédé – Version restaurée 50ème Anniversaire de William Wyler – 1er avril 2015 (Park Circus). Première date de sortie – 3 septembre 1965.

Un jeune employé de bureau, Freddie Clegg, collectionneur de papillons, nourrit une passion éperdue pour une jolie étudiante, Miranda Grey. Tels les papillons, il la prend en filature et finit par l’enlever en la chloroformant. Il la séquestre dans une maison isolée et annonce à sa victime qu’aucun mal ne lui sera fait. Il la garde seulement pour lui.

Note : 4,5/5

2 réflexions sur « L’Obsédé : Le Silence de l’agneau »

  1. Note : un Blu Ray existe aux USA chez Image depuis Nov 2011, mais zoné A et avec STA uniquement. Très belle image.

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