Commando – Blu-ray Director’s cut

Les [nombreux] fans français de Commando attendaient depuis presque dix ans que 20th Century Fox se décide à sortir le « director’s cut » du film, proposé depuis 2007 en DVD aux États-Unis. C’est chose faite depuis le 1er juin 2015, puisque le film vient de réapparaître dans les bacs de vos revendeurs Blu-ray, dans une nouvelle édition certes décevante d’un pur point de vue technique, mais qui permettra aux français de découvrir enfin le montage du réalisateur et les bonus de l’édition collector américaine sans avoir à passer par la case import. Et puis voila une bonne occasion pour Digital Ciné de revenir sur un film étrange et mystérieux, dont on ne sait pas – et la question restera sans réponse probablement encore longtemps – s’il s’agit réellement d’une comédie décalée et moqueuse ou une diatribe premier degré destinée aux ennemis de l’Oncle Sam…

Commando - Affiche France

Années 80 : Des héros « Bigger than life »

Le cinéma d’action des années 80 n’a eu de cesse, dés le début de la décennie, de nous proposer des actioners décomplexés, dont les héros avaient la particularité d’être « bigger than life ». Avant que John McTiernan et Bruce Willis ne recentrent le débat en 1990 avec le chef d’œuvre Piège de cristal en « humanisant » leur tête d’affiche, le héros de film d’action des années 80 était à l’image du Chuck Norris fantasmé présent dans l’inconscient collectif de tout un chacun : un gentil beauf quasiment invincible, à qui tout réussit, affrontant à lui-seul des armées de bad guys sans une égratignure, tombant les filles, domptant les chiens et les enfants d’un seul sourire, puis s’en allant nettoyer sa banlieue ou la jungle peuplée de cocos et autres ennemis du drapeau étoilé au fusil d’assaut, avant de finir le boulot au lance-missile, en présentant son plan d’action avec autant de détachement que s’il s’agissait de détailler les caractéristiques de son nouveau taille-haies.

En 1981 aux États-Unis, avec l’élection de Ronald Reagan, les républicains se sentent pousser des ailes : comme pour appuyer la politique ultra-sécuritaire prônée par le gouvernement, la mode est alors aux films mettant en scène soit des vigilantes parcourant le ghetto bazooka à la pogne afin de faire la chasse au crime et aux petits loubards, soit des surhommes invincibles luttant contre tout le vice et la décadence de la société : « Oubliez ce qui est légal, faites ce qui est juste ! » Ainsi, Chuck Norris éradiquait à lui-seul la délinquance des rues de Hong Kong dans L’Exécuteur de Hong Kong, avant de sauver les U.S.A. de terroristes de tous bords (Invasion U.S.A., Delta force). Papi Bronson dézinguait la moitié du Bronx dans Le Justicier de New York et asséchait sous les douilles chaudes et les roquettes fumantes l’approvisionnement en drogues de tout Los Angeles dans Le Justicier braque les dealers, Sylvester Stallone et Chuck Norris (toujours lui) se refaisaient le Vietnam victorieux dans Rambo II et la saga Portés disparus… Le héros de film d’action estampillé 80’s était donc un américain triomphant, qu’aucun obstacle n’empêcherait de mener à bien sa croisade contre les ennemis de la liberté que pouvaient être les cocos, les pédés, les blackos, les dealers, les niakoués, les violeurs…

Invasion USA - Affiche France

Autre temps, autres mœurs : avec le recul, la grande majorité des films tournés à cette époque (on pense par exemple aux films produits par la Cannon, auxquels le film Electric Boogaloo rend un vibrant hommage testostéroné) prête naturellement à sourire. La nature nauséabonde des idéaux Reaganiens de l’époque, largement raillés via une parabole christique dans le superbe RoboCop de Paul Verhoeven, n’empêchera certainement pas le spectateur contemporain de rire franchement devant le spectacle de ces surhommes auxquels rien ne fait peur. Prenant place dans des environnements présentés comme des zones de non-droit proches de la SF post-nuke (jungles hostiles, terrains vagues dévastés, où règnent en seuls maîtres des truands de toutes sortes, des motards et autres gangs punkoïdes tout droit sortis de Mad Max 2), ces bandes décomplexées paraissent aujourd’hui si énormes, tellement exagérées que l’on ne peut que les prendre à la légère, comme de grosses pantalonnades outrancières et politiquement incorrectes. Une chose est sûre : certains réalisateurs croyaient dur comme fer à la nature sérieuse (prophétique ?) de leurs œuvres ; Michael Winner en est l’exemple le plus flagrant. Aussi énorme que cela puisse paraître, quand au détour d’une séquence du Justicier de New York, les « bonnes gens » applaudissaient à tout rompre un Bronson tirant des bastos pour éléphants dans le dos des loubards ou perpétrant un véritable massacre de masse dans une optique de nettoyage de la ville, c’était probablement du premier degré. Mais il est permis de se demander si le contexte n’aurait pas permis à d’autres de tourner des films d’avantage orientés vers le ride 100% fun et rigolard, se moquant gentiment de l’époque et de ses héros de pacotille.

Le cas « Commando »

Alors, sérieux ou pas sérieux ? Le doute est permis quand on aborde le tout premier film produit par Joel Silver, Commando. Dix ans avant Last Action Hero, est-il envisageable qu’un film remette en question le genre qu’il aborde, en proposant une relecture des films d’action de l’époque sur le mode parodique ? Si l’auteur de ces lignes a toujours été convaincu que c’était le cas, l’analyse du contexte devrait logiquement nous pousser à demeurer d’avantage nuancé quant à la réponse.

Que Commando soit le chef d’œuvre de la carrière de Mark Lester, c’est un fait. Que le film propose plusieurs niveaux de lecture est également une certitude ; que Lester et son équipe (parmi lesquels le brillant scénariste de comics Jeph Loeb) en aient été conscients à l’époque du tournage est en revanche moins sûr. Cela dit, le film est très éloigné d’un actioner hardcore et badass à la sauce Le Contrat par exemple : bourrin pour de rire, riche en gags (le personnage campé par Rae Dawn Chong amène notamment un contrepoint humoristique sur beaucoup de situations), Commando possède bel et bien une dimension « énorme » – si ce n’est parodique, donc – qui fonctionne d’ailleurs très bien.

Commando - Arnold Schwarzenegger

Le film de Lester élève l’exagération au rang d’Art, déploie un scénario volontiers stupide et simpliste, dont les ellipses s’avèrent souvent amusantes, nous propose toute une collection de plans iconiques à la gloire de son héros (Schwarzie déplace des troncs d’arbres d’un seul bras, arrache une chaine par la seule force de ses poings, survit à un tir de roquette ou encore nourrit une biche en pleine forêt avec sa fille…) et surtout, Commando s’avère un véritable festival de punchlines destructrices, tellement nombreuses et excellentes qu’on n’aurait pas la place de toutes les citer ici. Ne quittant jamais réellement les rails du premier degré (pas de gags non-sensiques à la Hot Shots ! 2), mais se permettant également des clins d’yeux appuyés à la carrière passée de Schwarzie via des répliques telles que « I’ll be back », nous proposant un méchant trèèèèèès méchant et savoureux (Vernon Wells en mode 100% gay, sosie baraqué et huilé de Freddie Mercury), ce cartoon live entretient donc le doute, semant la discorde au sein de la petite communauté des amateurs d’action, puisqu’il se verra considéré comme un nanar nauséabond et crétin par les uns, et comme un pur plaisir de gosse, régressif et hilarant, pour les autres. Une chose est sure néanmoins : Commando n’a décidément pas pris une ride, et continue toujours, 30 ans après sa sortie, à faire parler de lui.

Un Blu-ray « Director’s cut »

Déjà sorti en 2008 dans une édition vierge de tout supplément, Commando s’offre une nouvelle édition, estampillée « director’s cut » (+ 2 minutes de plans craspec), sous les couleurs de 20th Century Fox. En ce qui concerne les modifications apportées par le fameux remontage du film, on citera ci-dessous un article signé Stéphane Argentin, rédigé à l’occasion de la sortie du DVD Director’s cut aux USA en 2007.

B-Movie déjà culte en l’état, Commando vient de se bonifier à l’occasion de la sortie en DVD d’une version Director’s cut du film. Quatre scènes en tout se voient impactées par cette nouvelle version pour une durée totale qui passe de 1h 30min 10s (version cinéma) à 1h 31min 46s (director’s cut). La première altération, quasi-invisible, concerne une simple réplique qui, d’un charmant « Smash your face in » initial se transforme désormais en un beaucoup plus crû « Kick your ass ». On devine bien volontiers qu’au pays de l’Oncle Sam, un tel juron eut fait désordre dans la bouche d’une midinette (Alyssa Milano, 13 ans en 1985).

Les deux suivantes concernent des scènes ajoutées de parlote entre Cindy (Rae Dawn Chong) et John Matrix (Schwarzy). Outre le fait, comme précisé par endroits dans le commentaire audio, que la diction anglaise du comédien autrichien n’était pas encore tout à fait au point à l’époque (d’où le peu de lignes de dialogues dans ses films d’alors), on devine également bien volontiers que les antécédents militaires du personnage, et notamment plusieurs black ops peu avouables, n’eurent guère été politiquement corrects en pleine ère Reaganienne. Une situation bien différente aujourd’hui à l’heure du trouble géo-politico-militaire international et, à fortiori, américain.

Mais trêve de considérations dont le film n’avait sans doute que faire, Commando est avant tout connu pour ses punchlines légendaires et surtout son anthologique séquence finale de vingt minutes d’action non-stop qui recèle en son sein l’une des perles du genre : la fameuse scène dite « du cabanon de jardin ». Où quand Schwarzy donne un tout nouveau sens aux ustensiles de jardinage. À l’heure où les films d’horreur n’hésitent plus à déverser l’hémoglobine par hectolitres entiers, la séquence en question retrouve désormais elle aussi tout son saignant originel.

Pour ceux qui le désireraient, l’intégralité des modifications est consultable en images sur le site de référence Movie Censorship.

Voila pour les différences propres aux deux montages du film, mais qu’en est-il du Blu-ray, me demanderez-vous. Le master de cette nouvelle édition enterre-t-il le précédent ?

Comparaison entre l’édition 2008 et l’édition 2015

Comme vous pouvez le constater en regardant les captures ci-dessus et ci-dessous, l’image n’a pas bénéficié d’une restauration manifeste ; si la nouvelle édition est globalement un poil au dessus de la précédente, le rendu de l’image est à peu de choses près le même que sur l’édition précédente, et reste donc très perfectible. En fonction des séquences, le grain cinéma varie un peu, l’image semble avoir été légèrement bidouillée numériquement, un peu lissée sur certains plans, et les contrastes semblent un poil trop accentués (signe d’une utilisation quelque peu abusive de la fonction « edge enhancement ») ; comme sur le Blu-ray de Predator sorti il y a quelques années, les puristes trouveront probablement matière à récriminations, mais cela dit, l’ensemble affiche une belle pêche. Côté son, seule la VO est mixée en DTS-HD Master Audio 5.1, mais manque de toutes façons nettement de relief ; on lui préférera la classique et cultissime version française, qui doit certes se contenter d’un DTS 5.1 mais s’avère toutefois plus immersive et dynamique que sa grande sœur. Les « surrounds » se font entendre, le caisson de basses se déchaîne, en particulier durant le dernier tiers du film, et l’insupportable musique de James Horner est moins mise en avant que sur la version originale.

Comparaison entre l’édition 2008 et l’édition 2015

Dans la section suppléments, vide sur la galette de 2008, on trouvera donc la version « director’s cut » du film jusqu’ici inédite en France, un passionnant commentaire audio du réalisateur Mark L. Lester (VOST), qui ne s’avère pas avare en anecdotes. Un making of rétrospectif, astucieusement intitulé « Relâcher la pression » comme un clin d’œil à la mort du bad guy dans le film, donne la parole aux acteurs, producteurs et au réalisateur du film (à l’exception notable d’Arnold Schwarzenegger), qui s’amusent de son côté fun et décomplexé, et sont entrecoupés d’images du tournage. Le module intitulé « Pure action » complète le making of en revenant tout particulièrement sur la réception du film par le public et la critique. Trois scènes coupées et quelques punchlines alternatives, ainsi que la traditionnelle bande-annonce du film, complètent le tour du propriétaire.

Image : 3,5/5
Son : 4/5
Bonus : 3/5

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Commando - Cover Blu-rayCommando – Édition Blu-ray Director’s Cut

Après avoir mené de nombreuses missions périlleuses, le colonel John Matrix, un ancien combattant d’élite, coule des jours heureux avec sa fille Jenny, âgée de 12 ans. Mais le général Arius, dictateur déchu, fait kidnapper celle-ci et charge Matrix d’assassiner l’actuel Président du Valverde. Ce qui n’est pas dans les plans de notre héros…

Éditeur : 20th Century Fox
Date de sortie : 1er juin 2015

 

Spécifications techniques :
– Image : 1.85:1 encodée en AVC 1080/24p
– Langues : Anglais DTS-HD MA 5.1 et Français DTS 5.1
– Sous-titres : Français
– Durée : Version Director’s Cut (92min, scènes supplémentaires en VOST) et Version cinéma (90min)
– 1 BD-50

Bonus (VOST) :
– Commentaire audio du réalisateur Mark L. Lester
– 3 scènes inédites (3min)
– Documentaire : « Pure action » (15min)
– Documentaire : « Relâcher la pression » (7min)
– Bande-annonce

 

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