Dheepan

Dheepan : Palme d’or par défaut ?

Le nouveau Jacques Audiard nous arrive donc drapé de sa Palme d’or plutôt surprise reçue au dernier festival de Cannes. Et il faut bien admettre que Dheepan n’a pas la maestria d’Un prophète, ni même la sensualité de Sur mes lèvres, la démonstration complexe d’un De Battre mon cœur s’est arrêté ou encore la fulgurance de Regarde les hommes tomber. Disons qu’il est un peu le mix de tout cela (ce qui en soit est loin d’être une tare) sans que pour autant on n’arrive à complètement se détacher d’une impression de redite vaguement putassière.

Dheepan - Affiche

En fait Dheepan a peut-être contre mais aussi pour lui la simplicité d’un scénario naturaliste et rectiligne qui lorgne furieusement vers la fin du côté du « Vigilante Movie » et du western urbain. Un mélange des genres qui en soit n’est absolument pas rédhibitoire (bien au contraire), mais qui appliqué ici peut prêter le flanc à la critique ou à tout le moins l’incompréhension (voir pour cela ce qu’en disait Nicolas lors de son passage à Cannes). Flanqué de son binôme Thomas Bidegain avec qui il collabore pour la troisième fois après Un prophète et De rouille et d’os (et dont le premier film Les Cowboys fut aussi à Cannes cette année du côté de la Quinzaine), Audiard raconte en effet l’histoire d’un soldat issu des Tigres Tamouls au Sri Lanka qui voulant fuir la guerre civile  va trouver asile politique en France avec une femme et une fille qui ne sont pas les siennes. Bourlingué de foyers en foyers, on finit par lui trouver un job de gardien à la cité de la Coudraie à Poissy, dans les Yvelines, où pour l’anecdote Pierre Morel s’était fait dégager manu militari lorsqu’il tournait From Paris With Love. Là, il va tenter de refaire sa vie et accessoirement de se reconstruire une famille de toutes pièces.

Si l’on comprend assez vite où le cinéaste veut en venir, il faut bien avouer que rien n’est fait pour brouiller les pistes. Audiard n’est pas tant intéressé par la finalité de son film que par la façon d’y arriver. Et ce même tête baissée et au grand jour. Pour cela il utilise des acteurs non professionnels, prend le temps d’installer ses personnages dans un confort grisâtre où les barres d’immeuble servent de plaque tournante au trafic de drogue du coin. Pas de quoi affoler le soldat endurci Dheepan mais bien sa « famille » qui n’aspire qu’à partir pour l’Angleterre. Audiard filme quant à lui sereinement. Les plans d’extérieurs sont larges, les plans d’intérieurs sont serrés souvent au plus près des visages qui oscillent entre incompréhensions et fatalismes. La grammaire ne changera qu’à la fin. La caméra est alors à l’épaule et l’on suit difficilement Dheepan de dos un peu à la façon d’un Gus Van Sant qui se serait finalement par trop essoufflé à essayer de rattraper ses deux « héros » dans Elephant.

En fait, ce n’est pas ce climax final au demeurant attendu voire espéré qui pose problème. Après tout, Audiard n’investit jamais son film d’une quelconque portée sociale ni même politique que pourrait récupérer par exemple un Front National en manque d’idées. Dheepan n’a pas cette prétention et c’est d’ailleurs ce qui en fait sa réussite mineure. Non, ce qui fait tiquer est la toute toute fin qui fait montre là d’une véritable maladresse pour laquelle on a bien du mal à croire qu’elle est issue du réalisateur dont la réputation n’est plus à faire en termes de narration visuelle. Ces trois minutes de trop piquent les yeux et font bondir les sens. Le simplisme dans lequel elles fourvoient le film font tout simplement mal au cul tout en érigeant une sorte de morale hautaine que l’on préférera donc oublier. Mais p*** que c’est dur !

Dheepan de Jacques Audiard – 26 août 2015 (UGC Distribution)

Palme d’or Cannes 2015

Fuyant la guerre civile au Sri Lanka, un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer.

Note : 3/5

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