Call of Duty : Black Ops III

Call of Duty : Black Ops III – Entretien avec Dominique Drozdz (Directeur de l’animation)

Il est français et il est à la tête du département animation de l’un des jeux vidéo les plus attendus de cette fin d’année 2015 : Call of Duty : Black Ops III. À l’occasion de sa venue à la Paris Games Week, nous avons pu nous entretenir avec Dominique Drozdz pour évoquer avec lui son parcours et plus spécifiquement son travail sur l’une des sagas les plus emblématiques de l’univers vidéoludique.

À quand remonte votre toute première « rencontre » avec l’univers des jeux vidéo ?

C’était il y a vraiment très très longtemps. Je suis né au siècle dernier (rires). Je ne me souviens même plus du nom de la console. On jouait beaucoup avec mon frère. C’était avec des cartouches, le ping-pong de base, puis les jeux olympiques, avec des traits blancs sur un fond noir. Mais je n’ai jamais été un très grand joueur. J’ai dû attendre d’aller aux États-Unis pour commencer à être immergé dans le monde du jeu vidéo. Avant cela, j’avais fais une maîtrise de cinéma à la Sorbonne, que je n’ai pas complètement fini d’ailleurs (rires).

Qu’est-ce qui vous a amené à « basculer » dans le monde des jeux vidéo ?

J’avais toujours voulu vivre à l’étranger. Un rêve que je n’avais pas pu concrétiser étant étudiant où j’ai commencé à travailler assez jeune en tant que monteur. Et puis un jour, j’ai eu l’opportunité de partir en vacances aux États-Unis et de rencontrer quelqu’un qui travaillait dans un studio de jeu vidéo baptisé Zetrix où ils avaient comme projet de réaliser un long-métrage d’animation en 3D. C’était juste après la sortie de Toy Story (1995), un film qui m’a marqué tant sur le plan personnel que professionnel. En le découvrant la première fois, je me suis dit aussitôt : « C’est exactement ça que j’ai envie de faire dans la vie ». Au cours de cette rencontre, j’ai posé une tonne de questions. Ma curiosité les a intéressés et ils m’ont proposé de venir travailler pour eux. Sur le coup, je n’ai pas pris cette proposition très au sérieux. Puis, quelques mois plus tard, ils m’ont rappelé pour me dire qu’ils avaient du travail pour moi. À l’origine, c’était juste pour trois mois mais dix-neuf ans plus tard, j’y suis toujours (rires).

Call of Duty : Black Ops III

Ensuite, vous êtes arrivé chez Treyarch et vous avez pris part depuis à tous les Call of Duty : Black Ops.

J’ai effectivement pris part aux trois Black Ops. Mais avant cela, j’avais également travaillé sur World at War (2008), Call of Duty 3 (2006), Call of Duty 2 : Big Red One (2005) ainsi que sur La Grande Offensive (2004), un add on pack du tout premier Call of Duty.

En quoi consiste, dans les grandes lignes, le rôle d’un « directeur de l’animation » sur un jeu vidéo ?

Mon rôle, c’est de garantir la qualité des animations et de m’assurer qu’elles soient prêtes en temps et en heure. Je supervise une équipe de trente animateurs répartis en trois groupes. Le premier, le plus important en nombre de personnes car cela demande énormément de travail, s’occupe des cinématiques. Cet aspect survient généralement à la fin du projet. Les deux autres groupes s’occupent de l’intelligence artificielle et des mouvements du joueur.

Au moment de la sortie de Black Ops I en 2010, vous déclariez : « Nous avons appliqué la même technique que sur Avatar, le full motion capture qui consiste à enregistrer à la fois les mouvements de l’acteur mais aussi le texte ». Puis, lors de la sortie de Black Ops II en 2012, vous rajoutiez : « Avec Call of Duty : Black Ops 2, nous n’avons rien à envier au cinéma ». Est-ce que le matériel et le pipeline en matière de jeux vidéo sont véritablement identiques à ceux employés au cinéma ?

C’est très très similaire. Nous réalisons des scanners très haute résolution avec ensuite un rendu aussi réaliste que possible. Quelques différences subsistent bien sûr mais celles-ci tendent à s’amenuiser. D’autant plus avec les toutes dernières générations de consoles. Mais Call of Duty ne se résume pas à une expérience cinématique, c’est aussi un jeu vidéo avec d’autres contraintes. Nous pourrions obtenir encore de meilleurs rendus mais cela se ferait sans doute au détriment d’autres éléments. Si nous voulons maintenir du 60fps, il y a donc un compromis à trouver entre la qualité des graphismes et ce frame rate.

Call of Duty : Black Ops III dispose d’un casting assez impressionnant : Katee Sackhoff, Heather Graham, Ron Perlman, Neal McDonough, Jeff Goldblum, Christopher Meloni, etc. Comment se déroule le processus créatif avec ces comédiens ?

Nous disposons d’un studio de capture de très grande taille où nous enregistrons les mouvements du corps et du visage. Selon la disponibilité des comédiens, nous sommes parfois amenés à utiliser des doublures, auquel cas, nous recourions à des pantomimes. Mais nous essayons malgré tout d’avoir recours aux acteurs autant que possible. Les dialogues sont également enregistrés en amont.

Call of Duty : Black Ops III

Par rapport aux deux précédents Black Ops, quelles sont les nouveautés, aussi bien en termes de narration que de gameplay, apportées par ce troisième épisode ?

En termes de narration, nous avons imaginé une histoire avec de multiples niveaux d’interprétation qui ne répond pas à toutes les questions, laissant des blancs qui devront être comblés par les joueurs, leur permettant ainsi d’obtenir des expériences de jeu différentes. Il ne s’agit pas à proprement parlé d’embranchements narratifs mais plutôt d’indices laissés aux joueurs. Au niveau de la campagne, nous avons introduit le mode coop qui permet ainsi de jouer jusqu’à quatre en même temps.

La grande thématique de Black Ops III est la relation entre l’homme et la machine avec ses soldats « robotisés ». C’est une thématique qui remonte très loin, aussi bien au cinéma avec notamment Metropolis (1927) de Fritz Lang, Blade Runner (1982) de Ridley Scott ou dans la littérature avec le cycle des Robots de Isaac Asimov dans les années 1950. Dans une interview donnée par Hideo Kojima pour la sortie de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, il déclarait vouloir explorer des sujets sensibles et contemporains dans ses jeux vidéo. De con côté, Black Ops III se positionne-t-il comme un simple divertissement ou bien a-t-il également un rôle à jouer dans de tels débats ?

Après Black Ops II et maintenant Black Ops III, je pense qu’on touche effectivement à des sujets sensibles, notamment au niveau géopolitique. Sur Black Ops II, le scénario tournait à la catastrophe car les armées de drones avaient été piratées par le camp adversaire pour les retourner contre leurs créateurs. Black Ops III en est le prolongement. Il y a encore des drones sans pour autant qu’ils soient au cœur de l’intrigue qui se focalise désormais sur les améliorations cybernétiques. Les soldats ont été opérés et certaines parties de leur corps ont été remplacées par des machines. Ça n’a rien à voir avec des exosquelettes puisque la modification se situe à l’intérieur même du corps des soldats. Les recherches que nous avons menées et les spécialistes que nous avons rencontrés nous amènent à penser que c’est ça l’avenir.

Et précisément, ça n’est pas quelque part effrayant de se dire que l’homme va peu à peu se transformer en machine ?

C’est déjà en train d’arriver. Les gens se font remplacer les bras, on parvient à redonner la vue à des malvoyants, l’ouïe à des malentendants. On peut donc très bien imaginer que les soldats de demain auront des yeux, des oreilles et des bras plus performants. C’est donc tout à fait d’actualité.

Call of Duty : Black Ops III

Après avoir pris part à autant de Call of Duty et à trois Black Ops, est-ce que ça ne devient pas un peu rébarbatif ?

Nous sommes des joueurs avant tout et en tant que tel, on a envie de créer le jeu auquel on aimerait jouer. Concernant Black Ops, je pense que la série n’était pas encore terminée et qu’un nouveau numéro s’imposait. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de faire un Black Ops III. Quant à l’avenir, nous avons déjà quelques idées mais c’est encore trop tôt pour savoir ce que nous ferons par la suite.

Et ne craignez-vous pas qu’à un moment ou un autre, le public ne finisse par se lasser de voir tout le temps des suites, comme au cinéma où survient l’épisode de trop qui fait un flop ?

C’est toujours une possibilité et c’est la raison pour laquelle nous travaillons d’arrache-pied en vue d’aboutir au jeu le plus intéressant et le plus riche possible. Notre but est de faire un jeu que les gens aiment. J’espère qu’on a réussi. Nous verrons bien ce que ça donne.

Remerciements à Marjorie Lescure et à toute l’équipe du Public Système.

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