Alexandre le bienheureux

L’art du déséquilibre : Entretien avec Jérémie Imbert

En décembre 2005, j’avais eu l’opportunité de rencontrer Jérémie Imbert dont le documentaire L’art du déséquilibre consacré à la carrière de Pierre Richard qu’il avait co-réalisé avec son ami Yann Marchet venait tout juste d’être édité au sein des bonus du coffret DVD Pierre Richard – Réalisateur comprenant Le Distrait (inédit en Blu-ray à ce jour) et Les Malheurs d’Alfred (disponible en Blu-ray depuis depuis le 5 novembre 2014 et reprenant le doc sur un DVD à part).

Recto DVD - L'art du déséquilibre - Pierre Richard

Ce film de près d’une heure trente était surtout un cri d’amour sincère adressé à un acteur qui à l’époque commençait tout juste à sortir d’une certaine traversée du désert, bien aidé justement par une génération émergente qui avait grandi avec ses films. Depuis, Pierre Richard est devenu hype comme on dit et une lente mais certaine réhabilitation le positionne dorénavant non plus comme un simple comique populaire et burlesque mais aussi comme un auteur à l’univers poético-candide unique dans notre cinéma. Jérémie y est bien entendu pour beaucoup dans tout cela. Je me souviens que c’était avec passion mais aussi avec une certaine humilité toute « Pierre Richardienne » qu’il avait eu la gentillesse de répondre à mon invitation autour d’un café rue Daguerre dans le 14ème. Depuis, j’ai eu la chance qu’il devienne mon ami, comme lui est devenu un des compagnons de route des plus fidèles de Pierre Richard. En résulte d’ailleurs l’excellent livre basé sur des entretiens qu’il a eu avec lui et qui vient juste de paraître aux Éditions Flammarion. Son titre ? Je ne sais rien, mais je dirai tout que nous décryptons ici.

Séquence nostalgie

Peux-tu revenir sur l’aventure de ce documentaire ?
Février 2002 : Tout a commencé il y a trois ans. C’est venu d’une envie personnelle de Yann et moi. Un jour, on s’est mis à parler de Pierre Richard. On a cherché ce qui existait sur lui, à titre personnel au début. On n’a rien trouvé, et ça nous a paru bizarre. On a même trouvé cela injuste car Pierre Richard est un personnage important dans l’histoire du cinéma français. On s’est alors lancé un défi : faire quelque chose pour réhabiliter Pierre Richard. Mais à ce moment-là on ne savait pas encore quoi : documentaire, livre, ou bonus DVD ? C’est parti d’une démarche de fan. On voulait simplement en savoir plus sur son travail. On s’est rappelé que celui de Louis de Funès avait mis du temps à être reconnu. En France les comiques ne sont pas toujours bien considérés. Le problème, c’est que ça prend du temps pour que leur travail obtienne la reconnaissance des critiques, de l’ordre de 20 ans. Alors que Pierre Richard a su toucher le cœur du public depuis Alexandre, le Bienheureux jusqu’aux Fugitifs. C’était incroyable qu’il n’y ait encore rien sur lui. Ceci dit, très vite un documentaire nous a semblé être le média le plus adapté, car on pouvait jouer sur le montage et faire un travail de référence au burlesque.

Mai / juin 2002 : On s’est mis en un mois à regarder tous les films de Pierre Richard, et à tous les analyser, juste pour voir s’il y avait de la matière pour faire un documentaire. Le Distrait est à ce titre plein de petites choses très intéressantes sur lesquelles on pourrait gloser pendant des heures.

Septembre 2002 : De nos pages de notes, on a voulu faire un mini-scénario de cinq, six pages. On a alors voulu rencontrer Pierre Richard pour lui présenter notre projet.

Février 2003 : On a obtenu un rendez-vous avec Pierre Richard qui a duré 45 minutes. Au début, il était assez méfiant, mais il n’était pas réfractaire non plus. Il a pris le scénario, qu’il a essayé de glisser dans son imperméable. Et là tout son personnage s’est révélé, car il l’avait enfilé à l’envers et il essayait donc de rentrer notre dossier dans une poche qui ne se trouvait plus à sa place.

Mai 2003 : Notre deuxième rendez-vous a eu lieu chez lui. On lui a présenté un dossier plus élaboré. Il nous a alors offert un café avec une machine à dosette. Mais il a oublié de changer la capsule, du coup je me suis retrouvé avec une tasse d’eau (rires). À partir de ce moment, il a été vraiment intéressé par notre travail. Mais il partait jouer sa pièce de théâtre Détournement de mémoire. C’était la première fois qu’il se produisait seul sur scène. Donc il était stressé.

La Chèvre-Veber-DepardieuSur le tournage de la Chèvre (© Gaumont)

24 juillet 2003 : Lors de la première de sa pièce à Gruissan (près de Narbonne juste à côté de sa petite exploitation viticole), on était les seuls parisiens dans la salle. On était venu par nos propres moyens. À l’issue de son spectacle on a parlé un quart d’heure avec lui. Le lendemain, on l’a revu, et il était vraiment emballé par notre projet. On a alors décidé de le faire produire pour qu’il soit diffusé. C’est pourquoi on a convaincu Pierre Richard de faire une interview avec nous pour pouvoir proposer une bande démo aux producteurs.

Janvier 2004 : Pendant 2h30, on a interrogé Pierre Richard sur ses débuts. On en a tiré un montage de 5 minutes. Ensuite il n’était pas bien difficile de savoir que Gaumont possédait les droits de ses films les plus emblématiques et c’est donc tout naturellement vers eux que l’on s’est tourné.

Mars 2004 : On a envoyé notre bande-démo de 5 minutes à Nicolas de La Mothe, le Directeur de Gaumont Vidéo.

Juin 2004 : Après quelques péripéties, on a finalement réussi à obtenir un rendez-vous avec lui. À l’issue de notre entretien, il nous a dit qu’il était intéressé et que sa décision était motivée par le fait que l’on soit si passionnés par ce sujet. Du coup il nous a proposé de faire tous les bonus de la collection Pierre Richard qu’il envisageait de sortir en DVD en 2005. On a alors commencé les interviews avec Paul le Person (acteur génial que l’on a souvent vu en second couteau dans les films avec Pierre Richard, malheureusement décédé le 8 août 2005/ NDLR !) et André Ruellan (scénariste du Distrait et des Malheurs d’Alfred / NDLR)

Décembre 2004 : On a poursuivi nos entretiens avec Pierre Richard car il était en tourné avec sa pièce les mois précédents. Pas facile de trouver une date de libre. On a obtenu au total sept heures de rushes avec lui. Gaumont nous a laissé carte blanche tout en nous fournissant les extraits de films que l’on voulait ainsi que des images de tournage tirées de leurs archives. Le documentaire compte 15 minutes de ces extraits. Sans eux le projet n’était pas viable. Puis de février à juillet on s’est mis à rencontrer tous les autres intervenants du documentaire : de Francis Veber à Mireille Darc en passant par Jean-Pierre Dionnet, Valérie Mairesse, Henri Guybet et j’en passe.

Juillet / août 2005 : On a commencé par faire le montage des bonus du Grand blond pour se faire la main et parce que c’était le premier DVD qui allait sortir (Coffret Pierre Richard – Le grand blond / Et que l’on retrouve sur les Blu-ray du Grand Blond et du Retour du grand blond que nous chroniquions ici). Pour savoir ce qu’on allait y mettre, on s’est demandé ce que nous, en tant que spectateurs, on aimerait y voir. On est alors parti dans l’optique de faire des documentaires et non des bonus. On a remis notre travail à Gaumont et ils ont trouvé ça excellent. On s’est alors occupé de notre documentaire sur Pierre Richard. Au début, on devait faire un 52 minutes. Mais on avait 1h45, qu’on a réduit de nous-mêmes à 1h35. Après les remarques de Gaumont et de notre producteur Frédéric Corvez on est arrivé à une version finale d’1h20. Pour que le documentaire soit fluide il fallait effectivement faire des coupes. On a également conçu les bonus de La Carapate et du Coup du parapluie (Coffret DVD Gérard Oury / Pierre Richard – Acteur / Bonus là aussi repris au sein du Blu-ray sorti en septembre 2014 pour La Carapate dont nous vous en touchions également un mot ici. Par contre, Gaumont n’a pas jugé utile de reprendre le doc Saint-Tropez sur Seine au sein du Blu-ray Le Coup du Parapluie sorti en mai 2015). On a fini sur les rotules d’autant que Yann venait d’être papa.

Novembre 2005 : La Gaumont a été tellement emballée par notre travail qu’elle a organisé pour la presse des projections du documentaire, ce qui est rare. Un grand moment pour nous a été la projection du film à tous les participants : Francis Veber, Victor Lanoux, Clovic Cornillac, Georges Lautner, Valérie Mairesse. D’ailleurs, Victor Lanoux et Pierre Richard ne s’étaient pas revus depuis dix ans. Après la projection de notre documentaire, Pierre Richard a semblé ému malgré son extrême pudeur. Christophe Duthuron, le co-auteur de sa pièce également.

Menu DVD - L'art du déséquilibre - Pierre Richard

Du coup vous avez créé tout les deux le site internet www.pierre-richard.fr ?
On y pensait depuis longtemps en fait. En plein montage, on s’est dit qu’on pourrait mettre tout ce qu’on n’avait pas pu caser dans le documentaire sur un site internet : les affiches de ses films notamment. Il en existe en japonais, en espagnol. On se rend compte que le personnage de Pierre Richard est tout le temps reconnaissable à son image et à son physique Quel que soit le pays d’où vient l’affiche. Maintenant l’idée, c’est d’enrichir le plus possible ce site qui est parrainé par Pierre Richard. Il n’existe pas de site de fan, c’est le seul à ce jour. (Edit juin 2015 : une page FB existe aussi depuis avec plus de 108 000 fans au compteur. Elle est administrée par Jérémie)

L’image de Une est signée Georges Pierre

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