Desperate Hours en Blu-ray chez Carlotta : Cimino Vs Wyler

Quand Michael Cimino réalise Desperate Hours en 1990, on peut affirmer avec le recul que ce titre un peu mortifère colle malheureusement trop bien à la peau d’une fin de filmographie (c’est son avant-dernier film à date) pour le moins indigente, surtout au regard de ce que le bonhomme a déjà laissé comme trace dans l’histoire du cinéma. Cimino sort du désastre Le Sicilien (qui au passage vient de sortir en Blu-ray aux States chez Kino) et réalisera 6 ans plus tard le totalement oubliable The Sunchaser. Desperate Hours est une commande Dino De Laurentiis qui revient donc chercher le cinéaste après leur collaboration artistiquement fructueuse sur L’Année du dragon mais beaucoup plus compliquée sur un plan économique. Il s’agit du remake d’un film au titre éponyme signé en 1955 par William Wyler (Les Plus belles années de notre vie, Ben-Hur, L’Obsédé…) avec Humphrey Bogart. Du coup, il nous a semblé pertinent de comparer un peu les deux films plutôt que de nous acharner sur la seule version de Cimino.

Desperate Hours - Affiche US 1955

La Maison des otages est à l’origine un roman signé Joseph Hayes qui fera d’ailleurs sa notoriété puisque devenant instantanément un best-seller. Par la suite, c’est lui qui adapte son récit au théâtre avec le même succès critique et public puis dans la foulée sous la forme d’un script pour le cinéma. Il sera à nouveau crédité au scénario pour le remake avec à ses côtés Lawrence Konner et Mark Rosenthal (un binôme à qui l’on doit aussi Superman IV / Sic !). La différence entre les deux versions est notable quant aux intentions. Pour William Wyler qui est aussi ici producteur, il y a une volonté évidente de bousculer cet American Way of Life post seconde guerre mondiale et guerre de Corée qui se réfugie derrière une soif de consommation effrénée. Wyler attaque de front les fondements d’une Amérique vent debout contre le communisme en violant ici ce qu’elle a de plus sacré, l’intimité de sa propriété où se réfugie une représentation de la famille idéale.

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Pour autant, cette volonté initiale ne va pas au bout de ses intentions. C’est que la démonstration reste un peu vaine et/ou superficielle avec un happy ending attendu doublée d’une réalisation atrocement classique. À l’inverse, le film de Cimino ne s’intéresse plus vraiment à cet aspect d’une société américaine qui depuis en a vu d’autres. Même s’il en constitue une forme de fil rouge un peu pervers, Desperate Hours 1990 essaye plutôt de renouer avec cette décennie « bénie » des années 50. La prise d’otages servant par exemple à rabibocher un couple sur le point de divorcer. Il s’agit là de tout un symbole. L’Amérique sort de huit années reaganiennes et prolonge son supplice avec un Bush père qui va les emmener en Irak et vers plus de libéralisme économique et plus de conservatisme social.

Le film de Cimino peut se voir dès lors comme le reflet d’une société en perte de repères dont il faut ramener les brebis galeuses au sein de l’enclos. C’est le cas de la femme qui veut s’émanciper de son rôle d’épouse et de mère modèle et qui se fait ainsi sèchement rappeler à l’ordre par un mari (hallucinant Anthony Hopkins qui semble jouer sous psychotropes) dont le simple fait d’avoir jeté sa maîtresse de 20 ans plus jeune que lui, doit lui permettre de rentrer au bercail. Mais avant il devra quand même faire ses preuves. D’une portée méta-sociale maladroite dans le film de Wyler, on tombe ici dans quelque chose d’ethnocentré où la solidarité a même du mal à exister au sein de la micro société familiale.

Dans les deux films, les preneurs d’otages sont donc les catalyseurs de la part sombre d’une Amérique qu’il faut combattre pour annihiler ses propres démons. Et à ce petit jeu c’est Bogart qui s’en sort le mieux tout de même. Dernier rôle de bad guy, déjà pas mal marqué par son alcoolisme, il personnifie à merveille cette engeance d’un pays qui recèle des zones franches où l’on se permet de battre en brèche l’ordre établi. Du côté de Mickey Rourke, il s’agit juste de cabotiner un personnage qui n’a aucune envergure. On sent par contre chez Bogart cette haine du bourgeois, cette lutte des classes, cette introduction au communisme à peine voilée mais qui ne s’assume cependant pas jusqu’au bout (les ravages du Maccarthysme sont encore dans toutes les mémoires).

Jean-Baptiste Thoret, en préface vidéo de cette édition plutôt épurée mais offrant un pedigree technique comme toujours au-dessus du lot chez Carlotta, rappelle que Cimino n’a finalement accepté de tourner ce film que pour ses quelques scènes en extérieur. Ce qui lui permet en effet de mettre à nouveau en application son sens incroyable du cadre et sa passion pour le western puisque les décors choisis sont ceux usuellement utilisés pour ces films. Mais cela ne suffit pas à faire passer la pilule tant sa mise en scène au sein du huit-clos de la maison sent le renfermé à plein nez et ce même si les mouvements de caméra sont fluides et par moment accrocheurs. Tout comme Mickey Rourke, Cimino est ailleurs. Il chevauche les grands espaces de l’Utah ou du Wyoming à la recherche de cette Frontière dont il a perdu totalement la trace.

De ces deux films un peu malades du fait de leurs intentions passionnantes résultent une forme de témoignage en accéléré d’un pays passé de la croyance naïve en des valeurs fondées sur du sable mouvant à un cynisme très noir animé par une société devenue fantoche.

Ps : Pour être complet, on précisera que la version de 1955 n’existe qu’en DVD chez Paramount. Pas de copie restaurée ici mais une image qui tient tout de même encore la route.

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Image : 4/5
Son : 4/5
Bonus : 1,5/5

Desperate HoursÉdition Blu-ray

Éditeur : Carlotta
Date de sortie : 9 mars 2016

Desperate Hours - Recto Blu-ray

Spécifications techniques Blu-ray :
– Image : 1:85:1 encodée en MPEG-4 AVC 1080/24p
– Langues : Anglais et Français DTS-HD MA 2.0 mono
– Sous-titres : Français
– Durée : 1h42
– 1 BD-50

Bonus :
– Préface par J.B. Thoret (7min52s, HD)

– Bande annonce (1min57s, HD, VOST)

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