Starship Troopers (1997) de Paul Verhoeven

Starship Troopers en Blu-ray : Engagez-vous qu’ils disaient !

Dix ans après le magistral RoboCop (1987), Paul Verhoeven réitérait un second coup de maître avec un long-métrage, descendu en flammes de toutes parts par la presse de l’époque et désormais considéré comme le summum de sa carrière : le bien nommé Starship Troopers (1997).

NB : À l’exception des comparatifs en fin d’article entre le Blu-ray français et américain et de la galerie de captures, toutes les autres illustrations de cet article sont issues du making of Death from Above présent au sein des bonus du Blu-ray américain de Starship Troopers.

« Tenter d’être ironique a peut-être été une erreur »

C’est ce que déclare le producteur Jon Davison dans l’excellent making of Death from above apparu pour la première fois sur le DVD américain de Starship Troopers en 2002 (et inédit en France), tout en précisant : « il aurait peut-être fallu jouer cartes sur table pour que tout le monde comprenne bien que le but n’était pas de refaire Le Triomphe de la volonté ». De son côté, Jost Vacano, directeur de la photographie qui collabora sur de nombreux longs-métrages de Verhoeven au cours des années 80/90, précise : « il est très facile de comprendre le film de travers car il faut avoir une bonne connaissance de l’histoire du monde pour en cerner toute la portée ». C’est précisément ce qui se produisit lors de la sortie en salles de Starship Troopers qui, non content de s’être fait incendié par la presse américaine (quoi de plus normal après tout pour un long-métrage qui torpille le consortium militaro-gouvernemental yankee ?), subit le même sort en Europe comme le rappelle Paul Verhoeven : « Quand le film a débarqué sur le vieux continent, notamment en Allemagne, en France et en Italie, il s’est fait traiter de fasciste ». C’est au tournant du millénaire que la réhabilitation de Starship Troopers surviendra, même si, comme le précise le cinéaste, il sera assez difficile de faire évoluer sa perception quand a été affiché en une de tous les journaux « Paul Verhoeven = film fasciste ».

Quelques uns des artisans en coulisses de Starship Troopers

« Un film comme Starship Troopers ne pourra plus jamais être fait »

Mais alors, comment, un demi-siècle après la chute du IIIe Reich, une satire socio-politico-militaire comme Starship Troopers a-t-elle bien pu passer entre les mailles du filet de la production hollywoodienne ? À la base, comme nous le rappelle là-encore le making of, il y a la passion depuis le plus jeune âge de Ed Neumeier (scénariste et déjà auteur du script de RoboCop) pour le roman éponyme de Robert A. Heinlein (paru en France sous le titre Étoiles, garde-à-vous !) ; soit l’un des ouvrages phares de la littérature dite de « SF militaire » aux côtés de La Guerre éternelle de Joe Haldeman. La suite du processus créatif, c’est Paul Verhoeven qui nous l’a rappelée au cours de sa leçon de cinéma enregistrée à la Cinémathèque Française le 6 février 2016. Déjà présent derrière La Chair et le sang et RoboCop via sa société Orion Pictures, Mike Medavoy, alors patron de TriStar Pictures, donnera son feu vert pour Starship Troopers. Mais durant les deux années de production du film, pas moins de cinq directeurs se succéderont à la tête du studio. De fait, n’occupant le poste guère plus que quelques mois chacun, aucun ne prendra jamais la peine de se pencher en détails sur le projet. Au final, ce qui devait arriver arriva : les pontes du studio furent littéralement sidérés face au résultat final mais ne pouvaient plus faire machine arrière sinon sortir ce film à forte connotation fasciste en l’état.

Paul Verhoeven : De son enfance (sous les bombardements de la WWII) à la mise en scène, en passant par la marine dans les années 60

Starship Troopers : Un rêve d’enfant

Une approche que Paul Verhoeven assume d’ailleurs pleinement, reconnaissant bien volontiers s’être inspiré de toute l’iconographie du Triomphe de la volonté, le film de Leni Riefenstahl, l’une des cinéastes allemandes figures de proue de la propagande nazie sous le IIIe Reich. Pour ceux qui en douteraient encore, il suffit à nouveau de se tourner vers le making of qui met en parallèle des séquences de Starship Troopers (costumes, débarquements, bombardements, etc.) et des images du film de Riefenstahl mais aussi, plus généralement, de la Seconde Guerre Mondiale. L’Histoire et la destinée de Paul Verhoeven était-elle appelée à se rejoindre sur Starship Troopers ? Rappelons en effet à toutes fins utiles que le cinéaste vit le jour la veille du conflit en 1938 et vécut une partie de son enfance sous les bombardements (dans l’extraordinaire commentaire audio, il raconte d’ailleurs comment l’un de ces bombardements tombé à proximité de là où il habitait avec ses parents souffla une partie du quartier) avant de faire un petit détour par la marine dans les années 60. Ce n’est donc pas un hasard s’il qualifie le projet de « sorte de rêve d’enfant », couplé à l’opportunité de (re)travailler avec Phil Tippett (c’est lui en effet qui s’était chargé des séquences en stop-motion du ED-209 dans RoboCop).

Paul Verhoeven sur le tournage de Starship Troopers : Tout doit marcher à coups de balai (et de storyboards) !

Un message politique subversif

Pour les besoins de Starship Troopers, Verhoeven conservera le même style visuel très « bande dessinée » (« comic bookish » en anglais) déjà employé sur RoboCop et Total Recall. Une approche que le cinéaste justifie par le fait que de telles histoires sont irréelles et presque absurdes, et ne peuvent donc être traitées au premier degré. Le choix des interprètes se portera quant à lui sur des inconnus dans leur prime vingtaine, à un âge où ils sont encore dépourvus de personnalité véritable, et ressemblant à une certaine idée du « proto-fascisme » tout en leur faisant réciter des dialogues à consonance « années 50 » dans cette société très pure qui n’autorise aucune dérive. S’ajouteront ensuite les partitions de Basil Poledouris (lui aussi déjà à l’œuvre sur RoboCop) qui, dès la scène d’ouverture, revêtent une tonalité à la fois militaire et enjouée, à la limite du jingle, presque « débile » comme les qualifient lui-même le compositeur qui évoque également l’influence d’un certain Stravinsky. De cette approche ironique, et de toute évidence totalement incomprise à sa sortie, résulte l’une des charges socio-politico-militaires les plus magistrales et subversives qu’il ait été donnée de voir au cinéma. Car, comme le précise Verhoeven, si l’action du film se situe à Buenos Aires, c’est bel et bien des États-Unis d’Amérique dont il est question ici.

À gauche des images de Starship Troopers. À droite des images d’archives de la Seconde Guerre Mondiale et de la propagande nazie

Un signal d’alarme contre le fascisme

Toujours dans le making of, le producteur Jon Davison et le scénariste Ed Neumeier précisent que le film nous parle des États-Unis d’Amérique du XXe siècle, d’un pays où les citoyens sont contrôlés par leur gouvernement et les militaires avant d’ajouter un peu plus loin que la guerre engendre des fascistes. Et ce même Neumeier d’enfoncer le clou dans le commentaire audio en déclarant que « Starship Troopers est un signal d’alarme qui nous dit ne croyez pas qu’après 1945 ou encore la chute du mur de Berlin en 1989, le fascisme n’existe plus. Nous sommes toujours à deux doigts de le voir resurgir ». Un commentaire aux côtés du réalisateur qui reste à date l’un des must en la matière. C’est bien simple, si vous ne devez écouter qu’un seul commentaire audio dans toute votre vie, écoutez celui de Starship Troopers en compagnie de Paul Verhoeven et de Ed Neumeier. Non content de nous décortiquer avec moult détails tous les secrets de fabrication (il faut les entendre nous expliquer l’anthologique attaque façon Fort Alamo à base de storyboards multi-couleurs !), les propos des deux hommes prennent systématiquement une tournure oh combien vertigineuse où sont évoqués pèle-mêle la politique, la religion, les armes, la propagande, sans oublier bien sûr les nombreux parallèles avec l’Histoire (la révolution iranienne, le IIIe Reich, l’opération Tempête du désert, la crise des missiles de Cuba, etc.). On en ressort, si besoin était, avec une toute autre vision que cette approche a priori « débile / bande dessinée » ne le laisserait supposer de prime abord et on n’a plus alors qu’une seule envie : regarder à nouveau Starship Troopers pour déceler tous ces petits détails, visuels ou sonores, nichés au cœur d’un film autrement plus subversif et intelligent qu’on aurait bien voulu le croire ; à l’image des paroles en apparence anodines de cette chanson lors du bal de promo, là aussi pointées du doigt dans le commentaire audio, pour évoquer la perte de l’innocence.

Les réactions de la presse américaine lors de la sortie de Starship Troopers. Furax Verhoeven ? Non, Paulo préfère en rire !

Starship Troopers : Deux Blu-ray sinon rien !

Un commentaire qu’il sera hélas impossible de trouver sur le Blu-ray français édité sous bannière Touchstone (propriété de Disney) en 2007. Un comble quand on pense que le DVD paru quelques années plus tôt proposait bel et bien le commentaire en question. Le Blu-ray français est d’ailleurs relativement insipide sur le plan interactif avec quelques scènes coupées, pour la plupart en présence de Carmen et Rico (dont un final beaucoup plus « happy end » raccourci au montage et mentionné par Verhoeven dans le commentaire audio), des bouts d’essai en compagnie des deux mêmes acteurs, un petit making of plus proche de la featurette promo qu’autre chose ainsi qu’une poignée de secrets de fabrication avec commentaire du réalisateur.

Si l’on se tourne à présent du côté du Blu-ray américain édité par Sony un an plus tard (en 2008 donc), on retrouve bien tous ces bonus mais accompagnés cette fois d’une cohorte d’autres suppléments bien plus réjouissants. Outre le making of Death from above et l’incontournable commentaire audio, tous deux déjà mentionnés ci-dessus, l’édition en question propose également un second commentaire en compagnie de Paul Verhoeven et des acteurs Casper Van Dien, Dina Meyer et Neil Patrick Harris (Denise Richards n’est malheureusement pas de la partie). Forcément moins captivant que celui en compagnie du réalisateur et du scénariste, il n’en demeure pas moins suffisamment plaisant et intéressant dans sa propension à nous relater moult anecdotes de tournage. On trouve également plusieurs petites featurettes intitulés Know your foe qui reviennent sur la confection des différentes créatures avec là encore plusieurs parallèles avec la Seconde Guerre Mondiale ainsi que des indications de Verhoeven comme par exemple pour le cerveau des arachnides qui devait ressembler au choix à un vagin ou un anus ! Des comparatifs (en mode picture-in-picture) sont également présents entre le film achevé et les storyboards ou encore les effets spéciaux. S’y ajoutent des options (qui ont désormais quasiment disparues des éditions Blu-ray) Blu-wizard et BD-Live (requérant une connexion internet) ainsi qu’un petit jeu sous forme de questions / réponses intitulé Recruitment test. Enfin, last but not least comme le disent les anglo-saxons, le Fednet mode permet de découvrir en cours de visionnage différentes vidéos sur les coulisses du tournage en mode picture-in-picture.

Point de différence à relever en revanche du côté des prestations techniques, à tout le moins en ce qui concerne l’image, rigoureusement identique entre les deux éditions Blu-ray (cf. nos captures comparatives ci-dessous) sinon une différence de codec sans la moindre incidente sur le résultat à l’écran (VC-1 pour le Blu-ray français vs AVC pour le Blu-ray américain). Mais n’escomptez pas pour autant un rendu vidéo à la hauteur de la maestria du long-métrage à proprement parlé. En effet, après vérification, toutes les éditions DVD parues à ce jour aussi bien en France qu’aux États-Unis présentent les mêmes défauts de copie aux mêmes endroits, preuve que le master de départ est identique dans tous les cas. Entre autres exemples : les innombrables défauts sur le plan du ballon à 11min 59s, l’énorme tache noire à droite de l’image dans l’épaisse fumée bleue à 62min 50s ou encore, toujours à droite de l’image, le joli scratch dans l’épaisse fumée blanche à 73min 36s (temps relevés sur l’édition Blu-ray). De plus, et bien que tiré d’un master haute définition si l’on s’en réfère aux indications mentionnées au dos des jaquettes DVD, ledit master présente d’assez singulières et désagréables variations en termes de granulosité de la pellicule avec certains passages laissant apparaître un recours au DNR assez significatif. Tout n’est pas à jeter pour autant car le gain qualitatif entre l’image HD des Blu-ray et les précédentes parutions DVD est tout de même plus que probant avec un rendu des couleurs et une précision de l’image bien supérieurs. Pour autant, un véritable travail de restauration ne serait pas du luxe.

Côté son en revanche, il y a clairement une différence et c’est d’ailleurs bien là le seul point sur lequel le Blu-ray français écrase son concurrent américain. Et pour cause, la VO y est proposée en PCM 5.1 (encodée à un débit constant de 4,5Mb/s). De telles pistes non compressées n’ont désormais plus cours en matière de parutions Blu-ray (qui ont à présent systématiquement recours à des flux HD Dolby ou DTS) mais dirent que dans le cas de Starship Troopers, cette piste PCM constitue un véritable top démo serait un doux euphémisme. En comparaison, la VO Dolby TrueHD 5.1 du Blu-ray américain encodée à un débit environ deux fois moins élevé ne démérite pas mais ne peut rivaliser avec la piste PCM qui la surclasse dans tous les domaines : puissance, basses fréquences, dynamisme, spatialisation des effets, etc. Le Blu-ray US propose également une VF Dolby TrueHD 5.1 mais il s’agit là d’un doublage québécois. Pour trouver un doublage hexagonal, il faudra se tourner vers le Blu-ray français qui propose une VF DTS 5.1 plein débit (1,5Mb/s) qui s’en sort avec les honneurs mais ne peut là encore rivaliser avec la VO PCM.

« Nous sommes des tueurs »

In fine, le choix sera pour le moins cornélien pour mettre la main sur la meilleure édition Blu-ray de Starship Troopers pour la simple et bonne raison que celle-ci n’existe pas (encore). Plusieurs solutions existent cependant en fonction de vos priorités. Si vous n’avez que faire des bonus, optez pour le Blu-ray français dont la VO PCM reste la meilleure expérience acoustique qui soit. En revanche, si vous recherchez l’interactivité la plus fournie et accessoirement le tout meilleur commentaire audio ayant jamais vu le jour (oui, on en rajoute une couche mais vous pouvez nous faire confiance sur ce point, vous n’avez jamais entendu un tel commentaire audio de toute votre vie !), alors foncez sur l’édition Blu-ray américaine. Il vous faudra toutefois maîtriser à minima la langue de Shakespeare puisque tous les bonus sont proposés uniquement en VO sans le moindre sous-titre. En revanche, si vous voulez le beurre et l’argent du beurre, à savoir l’interactivité et la meilleure qualité audio-vidéo, il n’y aura pas vraiment de miracle possible et dans ce cas, il vous faudra passer deux fois en caisse : une fois pour le Blu-ray français et une seconde fois pour le Blu-ray américain, sachant toutefois que l’image (identique sur les deux éditions) reste à améliorer. Pourquoi pas à l’occasion d’une petite réédition pour le vingtième anniversaire du film en 2017 ? Quoiqu’il en soit, une chose est sûre : vingt ans après sa sortie, Starship Troopers reste un véritable morceau de bravoure assumé mais qui restera malheureusement accidentel en ces hauteurs hollywoodiennes où l’air se fait rare. C’est aussi une œuvre que d’aucuns pourraient considérer comme parfaitement représentative de l’espèce humaine. En effet, si Paul Verhoeven referme le commentaire audio avec un très ironique « Engagez-vous ! », il n’en déclare pas moins en guise de conclusion au making of précité : « En regardant toute la noirceur, la criminalité, les guerres, on ne peut pas vraiment dire que nous soyons une espèce bienveillante. Nous sommes des tueurs ! ».

Notes (Blu-ray français) :
– Image : 3,5/5
– Son : 5/5
– Bonus : 1,5/5

Notes (Blu-ray américain) :
– Image : 3,5/5
– Son : 4/5
– Bonus : 4,5/5

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Starship Troopers (1997) de Paul Verhoeven - Packshot Blu-rayStarship Troopers de Paul Verhoeven (USA – 1997) – Touchstone Home Vidéo – Sortie le 14 août 2007

24ème siècle. Une Fédération musclée fait régner l’ordre sur Terre en exhortant la jeunesse au sacrifice de soi. Quand, des confins de la galaxie, une armée d’arachnides s’apprête à envahir la planète, des milliers de candidats affluent pour défendre leur monde. Pleins d’ardeur et de courage, ils sont loin de se douter de ce qui les attend.

Spécifications techniques :

  • Image : 1.85:1 encodée en VC-1 1080/24p
  • Langues : Anglais PCM 5.1 & DD 5.1, Français DTS 5.1 (plein débit) & DD5.1
  • Sous-titres : Anglais, Français
  • Durée : 2h 09min 37s

Bonus (VOSTF) :

  • 5 scènes coupées (7min 56s)
  • Secrets de fabrication avec commentaire audio du réalisateur (8min 41s)
  • Making of (7min 48s)
  • Johnny & Carmen : Bouts d’essai (3min 39s)
  • Préfilm-annonce (1min 49s)

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