La Chair et le sang (1985) de Paul Verhoeven - Édition Filmedia - Capture Blu-ray

La Chair et le sang : Un Blu-ray moyenâgeux

Après deux décennies de documentaires, séries télé et autres longs-métrages sur ses terres natales, Paul Verhoeven posait un premier orteil sur les terres de l’Oncle Sam avec La Chair et le sang (Flesh + Blood, 1985). Un premier long hollywoodien donc qui comportait déjà tout le soufre du cinoche saignant, charnel, déviant et politiquement incorrect mais non moins emblématique des futurs joyaux que le cinéaste hollandais allait mettre en boîte aux États-Unis jusqu’au tournant du millénaire.

La Chair et le sang : Couvrez ce sein que je ne saurais voir

Si La Chair et le sang constitue bel et bien en soi le premier long-métrage U.S. de Paul Verhoeven, celui-ci n’en conserve pas moins plus qu’un soupçon d’ADN européen. En effet, comme le rappelle le réalisateur au sein du remarquable commentaire audio, les $6,5M de budget du film furent financés à hauteur de $5M par feu la société Orion Pictures, le reste émanant de capitaux allemands et espagnols tandis que le tournage en lui-même se déroula en Espagne. Un commentaire dévolu au Blu-ray américain où Paulo fait une nouvelle fois preuve de cette formidable propension à nous expliquer sans la moindre langue de bois tout à la fois les coulisses du tournage, les démêlées de la production et ses propres appétences thématiques.

Ainsi apprend-t-on que le scénario originel de La Chair et le sang (rédigé à quatre mains par Verhoeven et son coscénariste de longue date Gerard Soeteman) devait se focaliser davantage sur la rivalité entre le capitaine (interprété par Jack Thompson) et Martin (Rutger Hauer) tandis que les pontes du studio Orion optèrent pour un recentrage de l’intrigue sur la triangulaire entre Martin, Agnès (Jennifer Jason Leigh) et Steven (Tom Burlinson). Et Verhoeven de confesser qu’il profita de ce réajustement pour pervertir le propos en une sorte de course à la survie « nietzschéenne » qui sonde tout autant qu’il montre frontalement des protagonistes à la moralité douteuse là où la plupart des longs-métrages préfèrent bien souvent mettre en avant des individus plus « moraux ». Cette approche ne sera toutefois nullement du goût de Rutger Hauer qui estimait qu’un tel rôle porterait préjudice à sa carrière hollywoodienne naissante, lui qui venait tout juste de tenir tête à Harrison Ford dans le chef-d’œuvre de Ridley Scott Blade Runner (1982) et de camper un preux chevalier dans le magnifique Ladyhawke (1985) de Richard Donner. Sur l’insistance de son agent, Hauer accepta malgré tout la proposition à contrecœur mais n’en fut pas moins très « difficile » sur le tournage aux dires de Verhoeven. Acteur fétiche du cinéaste du temps de leurs projets hollandais en commun, La Chair et le sang marquera ainsi leur cinquième et dernière collaboration. Un froid dans leur relation qui mettra dix bonnes années à se dissiper.

Ces frictions entre les deux hommes ne seront que l’un des nombreux problèmes auxquels devra faire face Paul Verhoeven (Hauer refusant de se plier aux injonctions du cinéaste, les autres acteurs se mirent à faire de même) ; le moindre n’étant pas ses premiers démêlés (mais pas les derniers comme il le déclare avec son humour acerbe si caractéristique) avec la MPAA. La célèbre commission de classification américaine ne voyait clairement pas d’un très bon œil la frontalité graphique du film, notamment la scène de viol collectif dont est victime Jennifer Jason Leigh. Et Verhoeven de devoir alors effectuer des coupes au montage afin d’obtenir l’absolution de la MPAA en vue de la sortie dans les salles américaines. Mais pas de panique toutefois, les Blu-ray tant U.S. que français proposent bel et bien la version non censurée et la séquence en question (parmi tant d’autres) dans son intégralité. Peu importe la version du film, La Chair et le sang n’en sous-tend pas moins une nouvelle charge acerbe politico-religieuse, le catholicisme devenant ici de fait un véritable instrument totalement perverti. Dans la petite featurette présente uniquement sur le Blu-ray américain, Basil Poledouris se souvient ainsi avoir reçu un appel de Mike Medavoy (co-fondateur d’Orion) afin de s’atteler aux musiques du film et que Verhoeven (très impressionné par la B.O. de Conan le barbare (1982), le joyau signé John Milius) avait donné pour consigne qu’on lui projette le film, seul dans une salle et dépourvu de la musique template qui avait été apposé afin de donner naissance à des partitions « spirituelles ». Un Poledouris avec lequel il retravaillera ensuite à deux reprises, sur RoboCop puis sur Starship Troopers, tandis que les musiques de ses autres films hollywoodiens seront confiées aux bons soins de Jerry Goldsmith (Total Recall, Basic Instinct, Hollow Man).

Des collaborations avec les deux compositeurs sur lesquelles revient Verhoeven dans le commentaire, au même titre que celles avec ses deux directeurs de la photo attitrés que sont Jan de Bont et Jost Vacano, profitant de l’occasion pour dresser un certain nombre de parallèles avec le reste de sa filmographie, aussi bien antérieure que postérieure à La Chair et le sang mais également, comme toujours de la part de ce cinéaste oh combien clairvoyant, avec certaines réalités socio-politiques passées et présentes. Et si Verhoeven ne manque pas une occasion de pointer du doigt le manque de cohérence de certains passages, tant sur le plan visuel que narratif, ce n’est toutefois que peu après la sortie du film qu’il se rendra compte que les accents des différents acteurs (hollandais, anglais, australien, espagnol) posèrent quelques soucis au public américain, les difficultés avec la langue anglaise sur le tournage aboutissant de fait à un film où tous les protagonistes crient à longueur de temps et semblent donner des ordres. Une observation qui ne dénature toutefois aucunement le propos et qui sied tout au contraire à ravir avec l’approche totalement excessive et si caractéristique de ce second degré faussement trompeur des longs-métrages signés Verhoeven. La Chair et le sang n’est certes pas le film le plus (re)connu du cinéaste mais il ne s’inscrit pas moins au sein d’une filmographie visuellement et thématiquement cohérente. Quant au constat de la barrière de la langue dressée par Paulo lui-même, celui-ci pèsera indubitablement sur sa décision de partir s’installer définitivement aux États-Unis afin de mieux « contrôler » la fabrication de ses longs-métrages suivants.

La Chair et le sang : Des Blu-ray saignants

Car comme le rappelle Paul Verhoeven dans l’interview dévolue au Blu-ray français cette fois, si Turkish délices (1973) et Le choix du destin (1977) connurent un immense succès public, ils n’en furent pas moins lynchés par la presse tandis que les scripts de ses longs-métrages suivants, Spetters (1980), Le Quatrième homme (1983) et La Chair et le sang (1985), furent tous refusés par la commission chargée d’octroyer les subventions cinématographiques en Hollande, jugeant ses films trop pervers, décadents, violents et sexués. Quoi de plus normal de la part d’un cinéaste qui évoque la chose sans le moindre tabou, précisant que le sexe permet d’exprimer des choses différentes du langage tandis que le pénis peut parfaitement être vu comme la métaphore d’une arme. Quant à son rapport à la religion, Verhoeven n’a toujours pas abandonné l’idée de faire son film sur Jésus pour « dénoncer les 2000 ans de mensonge de l’église catholique ». Pour l’heure, La Chair et le sang marqua donc son tout premier fait d’armes hollywoodien, aboutissant à un long-métrage où « personne n’est gentil ». Une vision finalement en phase avec celle du cinéaste qui conclut l’interview en affirmant à propos du genre humain que « nous sommes des singes mesquins ». Verhoeven se laissera ensuite définitivement convaincre par sa femme d’accepter les propositions d’Hollywood, et notamment un certain RoboCop en préparation. Un projet qu’il trouvait alors « ridicule » et qui découlera sur le chef-d’œuvre cinématographique que l’on sait.

Les deux autres bonus proposés sur le Blu-ray français sont forcément de moindre envergure comparées aux interventions de Paul Verhoeven, notamment du côté du commentaire audio, hélas uniquement disponible sur le Blu-ray américain qui est de surcroît zoné A, requérant de fait un lecteur ad hoc ou bien dézonné. L’interactivité est bien la seule distinction notable entre les deux éditions car, en matière de qualité audio-vidéo à proprement parlé, c’est du kif-kif comme on dit et pas forcément du bien transcendant. En termes d’image, le master employé, virtuellement identique dans les deux cas (cf. nos captures comparatives), est correct mais sans plus, laissant apparaître çà et là un certain nombre de scories plus ou moins visibles tandis que l’encodage appliqué laisse lui-aussi apparaître pas mal de défaillances ici et là. À l’arrivée, on se retrouve donc face à un rendu vidéo oscillant entre bruit vidéo, passages trop dégrainés et autres noirs bouchés. Côté son, le résultat n’est guère plus probant avec des pistes DTS-HD Master Audio 2.0 certes limpides mais qui manquent de punch pour restituer comme il se doit l’ampleur des combats. À noter que le Blu-ray américain ne propose que la VO accompagnée de sous-titres anglais. Notre préférence pencherait toutefois substantiellement en faveur de cette dernière pour deux raisons : d’une part la présence du commentaire audio de Paul Verhoeven et d’autre part un encodage de l’image en 1080/24p là où l’édition française propose celle-ci en 1080/25i avec le fameux phénomène de PAL speed-up qui en découle sur la VO. Quoi qu’il en soit et à l’instar de Basic Instinct ou encore Starship Troopers, un bon petit toilettage audio-vidéo ne serait pas du luxe afin de proposer une édition Blu-ray enfin digne de ce nom de La Chair et le sang.

Notes (Blu-ray français) :

  • Image : 3/5
  • Son : 3/5
  • Bonus : 2/5

Notes (Blu-ray américain) :

  • Image : 3/5
  • Son : 3/5
  • Bonus : 3/5

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

La Chair et le sang (1985) de Paul Verhoeven - Édition Filmedia - Packshot Blu-rayLa Chair et le sang de Paul Verhoeven (USA – 1985) – Filmedia – Sortie le 24 juillet 2013

Au Moyen Age, l’Europe est ravagée par la guerre, la peste, l’anarchie. Les bandes de mercenaires vendent leurs services aux plus offrants. Guerriers sans pitié, Martin et ses hommes sont engagés par un seigneur pour l’aider à reprendre le château qui lui avait été volé. Mais, une fois cette mission accomplie, leur employeur refuse de les payer. Le groupe de mercenaires se retourne contre lui, semant la terreur et la violence.

Édition Blu-ray française

Spécifications techniques :

  • Image : 2.35:1 encodée en AVC 1080/25i
  • Langues : Anglais & Français DTS-HD MA 2.0
  • Sous-titres : Français
  • Durée : 2h 02min 38s

Bonus (HD) :

  • Un brûlot entre deux mondes (13min 33s)
  • Les apocalypses du moyen-âge chez Paul Verhoeven (8min 20s)
  • Rencontre avec Paul Verhoeven (21min 43s, VOSTF)
  • Bande-annonce (2min 41s, SD)

Flesh + Blood - Jaquette Blu-ray USÉdition Blu-ray américaine (Kino Lorber : sortie le 16/09/2014)

Spécifications techniques :

  • Image : 2.35:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langues : Anglais DTS-HD MA 2.0
  • Sous-titres : Anglais
  • Durée : 2h 08min 01s

Bonus (HD et VO) :

  • Commentaire audio de Paul Verhoeven
  • Composing Flesh & Blood Featurette (12min 38s, SD)
  • Bande-annonce (2min 35s)

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