La Charge des Tuniques Bleues en Blu-ray chez Sidonis

Certes, La Charge des Tuniques Bleues n’a pas le pedigree des cinq westerns qu’Anthony Mann réalisa avec James Stewart dont le dernier, L’Homme de la plaine disponible lui aussi en Blu-ray chez Sidonis, le précède tout juste. Il s’agissait là d’une association juste miraculeuse qui permit aux deux hommes d’asseoir le genre dans quelque chose de pérenne et de définitif de la même manière qu’un Hawks ou un Ford à la même époque. Il n’empêche que The Last Frontier (titre en VO bien plus éloquent et explicite que le titre français complètement à côté de la plaque) recèle bon nombre des thématiques chères au cinéaste tout en continuant à s’approprier un Cinémascope qui ne perd rien de sa superbe. Et puis on est en présence aussi d’un western qui prend fait et cause pour les indiens (ici les Sioux) leur opposant la civilisation de l’homme blanc dont on se demande bien au final qui est la plus évoluée des deux.

La Charge des Tuniques Bleues - Affiche France

Nous sommes en 1861. La Guerre de Sécession vient juste d’éclater. La plupart des soldats de l’Union ont été réquisitionnés. Dans l’État de l’Oregon ne reste plus que des « misfits » (des soldats à la marge, peu à même d’aller se battre). Mais il faut pourtant bien assurer la sécurité de deux forts qui viennent de se construire en plein territoire Sioux. Chose que vont découvrir à leur dépens trois trappeurs revenus des montagnes après plus d’un an de chasse. En effet, les Sioux avec à leur tête le chef Red Cloud, furieux de cette ingérence soldatesque, les interceptent et les dépossèdent de l’ensemble de leurs biens en contrepartie de leur vie sauve. Voici nos trois hommes bien obligés de trouver refuge dans l’un des forts avec dans l’idée d’y réclamer une compensation financière.

La Charge des Tuniques Bleues - Photo d'exploitation

En lieu et place de quoi ils vont se retrouver éclaireurs (scoots en anglais) pour l’armée. L’occasion dès lors pour Mann de se livrer à l’un de ses jeux favoris. Confronter deux univers totalement opposés et voir ce que cela donne. D’un côté trois hommes à demi sauvages ayant vécu la plupart du temps dans la nature et de l’autre les codes stricts de la vie militaire, antichambre de la civilisation. Et forcément, ce ne sont pas ceux que l’on pense qui sont les plus civilisés. À la tête des trappeurs il y a Jed Cooper joué par un Victor Mature totalement animal. Sa prestation donne littéralement le la du film et sa découverte de ce monde qui jusqu’ici lui était inconnu constitue son fil rouge. Pour autant, Mann et son scénariste Philip Yordan (déjà crédité sur L’Homme de la plaine) n’en font pas un personnage à sens unique. Son côté rustre est en effet compensé par sa connaissance extrême du terrain qui le mène à toujours prendre les bonnes décisions qui font suite à des analyses pertinentes. Le fait qu’il tombe aussi amoureux de la femme du colonel le met face à certaines des contradictions de sa condition humaine. Entre s’approprier la femme tel un animal de compagnie ou jouer le jeu des convenances. Car en face, on a justement ce colonel qui délaisse sa femme, trop occupé à regagner un honneur perdu lors d’une des premières batailles de la Guerre de Sécession où la recherche d’une gloire personnelle avait pris le pas sur la préservation, entre autre, de la vie de ses soldats.

La Charge des Tuniques Bleues - Affiche

Forcément, l’antagonisme entre les deux hommes ne pourra aller que crescendo d’autant que sa femme a de plus en plus de mal à résister aux charmes sauvages de Victor Mature dont les conseils et le bon sens ne sont jamais pris en compte. Ajouté à cela la menace de plus en plus prégnante des Sioux qui va culminer sur une bataille finale en tout point anti spectaculaire mais qui montre l’intelligence des indiens sur l’homme blanc, surtout quand il a à sa tête un officier aveuglé par sa condition forcément supérieure. On pointera du doigt ici la remarquable interprétation de tout ce bestiaire, à commencer par les seconds rôles sans oublier Anne Bancroft en femme d’officier dont le cœur est à prendre. Et puis la mise en scène de Mann n’est pas en reste avec quelques morceaux de bravoure comme ce long panoramique qui suit au loin un des éclaireurs à découvert devançant la colonne de soldats prêt à en découdre avec Red Cloud et ses hommes. La caméra s’élève alors et l’on découvre de dos Victor Mature grimper à un arbre en même temps que devant lui des centaines d’indiens en embuscade prêt à fondre sur les tuniques blues. Le Cinémascope n’a jamais semblé aussi à son aise et pertinent qu’ici.

La Charge des Tuniques Bleues - Photo d'exploitation

The Last Frontier s’inscrit donc sans problème dans la filmographie de Mann dominée alors par des westerns âpres à la psychologie redoutable et sans concessions. Il lui manque toutefois ce quelque chose qui l’aurait inscrit au Panthéon des cinq chefs-d’œuvre cités plus haut avec James Stewart. En cause surtout cette fin ratée en forme de happy end mais apparemment imposée par la Columbia qui vient en totale contradiction de tout ce qui a été montré et développé jusqu’ici. Le personnage joué par Victor Mature penchant alors définitivement vers le naïf à tendance benêt, ce que tout le film avait pris soin de contrer (idem pour tous les autres protagonistes d’ailleurs) en jouant plutôt sur la partition de la subtilité et de l’anti manichéisme à tout crin. Cinq dernières minutes qui viennent aussi brouiller les enjeux d’un film voulant montrer ce qu’est la civilisation vue par le prisme d’un « sauvage ».

La Charge des Tuniques Bleues - Photo d'exploitation

C’est toutefois une vision de l’Ouest bien amère que nous propose une nouvelle fois Anthony Mann. Si le Cinémascope est bien là pour magnifier les décors en extérieur et exalter les émotions des protagonistes, il n’en reste pas moins un film peu amène et à la violence psychologique indéniable qui renvoie d’ailleurs directement aux propos du réalisateur que l’on entend dans l’extraordinaire document d’archive que nous propose en guise de bonus l’éditeur. Il s’agit en fait d’une interview d’Anthony Mann réalisée à Londres pour la BBC en 1967 alors qu’il était en plein tournage de Maldonne pour un espion. Film qu’il ne terminera pas d’ailleurs car victime d’une crise cardiaque quelques jours après. 17 minutes qui prennent du coup une valeur indéniable où le cinéaste revient sur ses influences cinématographiques dont surnagent surtout l’expressionnisme allemand et un cinéaste comme Murnau. Il revient aussi sur ses westerns où il a toujours privilégié les tournages en extérieur et autant que faire se peut le format Scope qui permet de travailler la profondeur de champ. Voilà un document rare et précieux.

La Charge des Tuniques Bleues - Anthony Mann

Sidonis y adjoint, comme c’est le cas systématiquement, une intervention de Sieur Brion qui en 1/4 d’heure contextualise le film (1955 est une riche année en matière de westerns) pour ensuite mettre en avant son scénario peu conventionnel et le jeu des acteurs comme toujours parfait chez Mann.

Quelques lignes enfin sur la partie technique de ce Blu-ray qui exhume d’abord une image loin d’être imperméable à la critique. À commencer par un master qui ne semble pas avoir bougé depuis 2005 et l’édition DVD paru chez feu Columbia Tristar Home Vidéo (devenu depuis Sony Pictures). Ce qui donne à l’écran des couleurs à dominance marron pour ne pas dire monochromes ou terreuses, sans oublier de mentionner les bords cadres qui laissent voir des aberrations chromatiques tirant tantôt vers le vert ou le rouge. On trouve aussi des arrières-plans assez bouchés surtout lors des scènes de nuit sans parler de l’étalonnage pas toujours maîtrisé. Heureusement, par rapport au DVD, on gagne en définition et en stabilité grâce à un encodage qui tient bien la route sachant tirer le meilleur d’une copie qui fait montre du temps passé avec ses quelques griffures et nombreux points blancs ou noirs. Mais voilà un gap au final assez maigre. Il faudra donc attendre une hypothétique restauration opérée par Sony Pictures pour avoir la chance de (re)découvrir The Last Frontier dans des conditions dignes du médium Blu-ray.

On sera moins pusillanime pour la partie sonore qui fait le job comme on dit. Les dialogues sont clairs et la musique signée Leigh Harline est assez bien mise en avant.  On ne vous parlera pas de la VF car on évite la plupart du temps de se faire mal aux oreilles. Ceci dit, on devrait être moins arrogant en la matière. Du genre un film ne s’écoute qu’en version originale. Mais mon con tu as oublié comment tu regardais les films étant gosse ? Tu l’écoutes comment Retour vers le futur ou Commando toi ? Voilà, c’est dit.

Notes :

  • Image : 2,5/5
  • Son : 3,5/5
  • Bonus : 3,5/5

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

La Charge des Tuniques Bleues - Jaquette Blu-ray 3DLa Charge des Tuniques Bleues (The Last Frontier) – Édition Blu-ray – de Anthony Mann (USA – 1955) – Sidonis Calysta – Sortie le 21 novembre 2016

Trois trappeurs, Jed Cooper, Gus et Mango sont dépouillés par les Indiens. Ils vont au Fort Shallan et demandent à être remboursés par l’armée qu’ils rendent responsable. Le capitaine Riordan refuse mais propose aux trois hommes de les engager comme guides, ce qu’ils acceptent. Le retour du colonel Frank Marston, célèbre pour avoir causé pendant la guerre de Sécession le massacre de ses hommes, augmente rapidement la tension qui règne à l’intérieur du fort. Marston exige de prendre le commandement à la place de Riordan et Jed Cooper s’éprend de Corinna, la femme de Marston. Jed apprend à Marston une future attaque des Indiens et lui conseille de défendre le fort…

Spécifications techniques :

  • Image : 2.35:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langues : anglais et français DTS-HD Master Audio 2.0 mono
  • Sous-titres : français
  • Durée : 1h38
  • 1 BD-50

Bonus :

  • Entretien avec Anthony Mann (16min39s, SD)
  • Présentation du film par Patrick Brion (13min22s, HD)
  • Galerie photos (1min05s)
  • Bande annonce (3min09s, VO, HD)

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