Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick - Image une test Blu-ray

Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick

David O’Selznick avait été producteur à la Paramount (1928-1931), à la RKO (1931-1933) et à la MGM (1926-1928 et 1933-1935). Il avait créé son propre studio indépendant en 1935 en appliquant exactement les méthodes des majors. Le producteur était considéré comme le véritable créateur du film, le réalisateur n’étant qu’un exécutant talentueux, soumis à sa volonté sur tous les plans. Il inspira en partie le personnage du producteur Jonathan Shields joué par Kirk Douglas dans Les Ensorcelés [The Bad and the Beautiful] (USA 1952) de Vincente Minnelli. La crise financière de 1929 qui avait sévèrement frappé les studios anglais, le désir d’Alfred Hitchcock de s’expatrier à Hollywood pour disposer de plus gros moyens matériels, le désir de Selznick d’avoir dans son écurie celui qui était alors considéré comme le meilleur cinéaste anglais : tels sont les éléments historiques déterminants de leur rencontre. Selznick proposa à Hitchcock un contrat non exclusif courant sur une période de 10 ans, de 1938 à 1948. Voici les quatre films qui sortirent de leur collaboration, parfois orageuse mais toujours originale et, thématiquement comme esthétiquement, toujours riche.

Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick (Rebecca)Photo australienne : reprise 1946 (Collection Francis Moury)

Rebecca est historiquement important (c’est le premier film américain de Hitchcock), plastiquement très beau (notamment les gros plans et les plans d’ensemble, spectaculaires) mais le scénario, adapté d’un roman de Daphné du Maurier paru en 1938 et qui avait été un colossal succès d’édition, est inégal. Les deux premiers tiers sont remarquables, le dernier tiers n’est pas sauvé par un final spectaculaire. Peu importe : Hitchcock estimait que la psychologie des protagonistes était davantage celle d’un roman victorien du XIXè siècle que celle d’un roman de 1938 et ce qui l’intéressait était surtout l’exercice de style. On sourit en lisant le mémorandum de Selznick expliquant à Hitchcock que les personnages de la sœur de Max et de son beau-frère sont « très intéressants » dans le roman original et ne doivent surtout pas être négligés lorsqu’on voit ce qu’il en reste à l’écran : des baudruches caricaturales. Le traitement du sujet est, indépendamment de la question du respect de l’œuvre romanesque originale, fondamentalement décevant pour l’amoureux du cinéma fantastique. Hitchcock le frôle à plusieurs reprises et lorsqu’il le fait, très consciemment, on obtient alors les meilleures séquences : celles des relations masochistes du personnage très bien joué par Joan Fontaine avec la gouvernante incarnée par la géniale Judith Anderson qui endosse là le rôle d’une fascinante psychopathe.

Rebecca - Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick

L’histoire du cinéma étant aussi faite de cinéastes allant voir les films de leur rivaux lorsqu’ils sortent au cinéma, on peut aujourd’hui se demander si les travellings mémoriels aboutissant à Manderley n’ont pas inspiré le début du Citizen Kane (USA 1941) d’Orson Welles ? En revanche Roger Corman s’est, à l’évidence, souvenu pour le final de La Chute de la maison Usher [House of Usher / The Fall of the House of Usher] (USA 1960), de la scène finale flamboyante de Rebecca. Robert Wise s’est, de son côté, probablement souvenu – consciemment ou non ? – de Manderley lorsqu’il plaça son actrice Julie Harris dans les ténèbres et les vertiges du château maudit de Hill House, dans La Maison du diable [The Haunting] (USA 1963). Même un film de série B, moins ambitieux mais très soigné, comme Le Spectre maudit [The Black Torment) (GB 1964) de Robert Hartford-Davis, reprend un peu la même structure dramaturgique. À noter que Joan Fontaine (qui était la sœur de l’actrice Olivia de Havilland, aussi talentueuses l’une que l’autre) aura l’occasion de tourner dans des films plus franchement fantastiques encore que Rebecca tels que Le Sous-marin de l’Apocalypse [Voyage To the Bottom of the Sea] (USA 1961) d’Irwin Allen ou Les Sorcières [The Witches] (GB Hammer films 1965) de Cyril Fraenkel.

Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick (Spellbound)(Collection Francis Moury)

La Maison du Dr. Edwardes [Spellbound], adapté d’un roman anglais de Francis Beeding, The House of Dr. Edwardes (1927), est le plus ambitieux des quatre titres de ce coffret sur le plan intellectuel puisque son générique s’ouvre sous les auspices littéraires d’une citation du Jules César (acte I, scène 2) de William Shakespeare et sous ceux de la psychanalyse de Freud. C’est aussi le plus ambitieux sur le plan plastique car des séquences de rêves furent conçues avec la contribution spectaculaire du peintre surréaliste Salvador Dali. Spellbound tient dans la filmographie d’Hitchcock, la place que tenait en 1926 dans celle de G.W. Pabst Les Mystères d’une âme / Les Secrets d’une âme [Geheimnisse einer seele] puisqu’il se présente au générique d’ouverture, tout comme son prédécesseur allemand, comme une illustration explicite de la psychanalyse freudienne, ici mélangée à un suspense policier. Hitchcock illustre une de ses idées esthétiques favorites : la logique de l’œuvre d’art et celle du rêve (ou du cauchemar) sont proches. Idée elle-même assez psychanalytique qui avait été approfondie par Freud dans ses Essais de psychanalyse appliquée et certains autres textes, sans oublier certains essais de Karl Abraham qui avait d’ailleurs été conseiller technique sur le film de Pabst, en son temps. Selznick soutenait l’idée d’Hitchcock d’embaucher le peintre surréaliste Salvador Dali pour créer la fameuse séquence du rêve. Hitchcock souhaitait filmer ce rêve en extérieurs naturels et en plein jour, afin de pouvoir reproduire certains effets plastiques qu’il aimait chez les peintres Giorgio de Chirico et Dali. Mais Selznick jugea l’idée trop coûteuse.

La Maison du docteur Edwardes - Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick

La Maison du docteur Edwardes rapporta un oscar de la meilleure musique à son compositeur Miklos Rozsa et de nombreuses nominations à l’Oscar, notamment celle du meilleur film produit pour Selznick. Ingrid Bergman fut, en outre, élue meilleure actrice de l’année par la critique new-yorkaise pour ce film-ci et pour son rôle dans Les Cloches de Sainte-Marie (USA 1945) de Leo McCarey. Et c’était la première apparition créditée de la belle actrice Rhonda Fleming. Leo G. Carroll trouve ici son rôle majeur, en dépit de la brièveté relative de sa prestation, alors qu’il sera co-vedette dans Tarantula ! (USA 1955) de Jack Arnold. Autres effets techniques célèbres (mais où Dali ne fut pas partie prenante) : les séquences du rasoir et du verre de lait dont Hitchcock était très satisfait sans oublier une fin « subjective » très impressionnante où un plan en Technicolor (sanglant) d’une durée de 1/12ème de seconde aurait été introduit. Le film coûta 2 millions de dollars et en rapporta 8 millions dès sa sortie.

Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick (Notorious)(Collection Francis Moury)

Les Enchaînés [Notorious]  (USA 1946) d’Alfred Hitchcock est à l’origine le moins ambitieux des quatre titres produits par Selznick mais s’avère être, sans l’ombre d’un doute, le meilleur des quatre titres réunis au sein de ce coffret. À cela plusieurs raisons.

D’abord parce que Selznick, à cause des problèmes financiers qu’il rencontrait alors, revendit le projet à la RKO et laissa les coudées nettement plus franches à son réalisateur. Cette relative liberté d’écriture, de mise en scène, de décors, de casting (géniales interprétations d’Ingrid Bergman, de Leopoldine Konstantin et de Claude Rains dominant le restant du casting pourtant déjà remarquable) et surtout de montage car Selznick ne le supervisa pas, fut mise à profit.

Ensuite parce que, à partir d’un sujet de série B, Hitchcock et son scénariste Ben Hecht livrent un film A qui devient régulièrement et toujours davantage un film fantastique frôlant à plusieurs reprises l’épouvante, par-delà son anecdote relevant du cinéma d’espionnage. Il faut noter en passant que, contrairement à ce qu’on a souvent lu et qu’on peut encore lire à présent en France, le sujet de Notorious était l’un des plus actuels et des plus pertinents au moment de sa production. Son anecdote n’est, en 1946, nullement gratuite ni purement simplement fonctionnelle puisqu’il y avait eu une bataille de l’eau lourde durant la Seconde guerre mondiale et puisque des colonies d’expatriés allemands nazis s’étaient créées dans certains pays d’Amérique du Sud au lendemain de la défaite de l’Allemagne hitlérienne. À partir d’une simple nouvelle écrite vingt ans plus tôt, Hitchcock et Ben Hecht mettent au point un mécanisme implacable qu’on a souvent assimilé, avec raison, à une vampirisation progressive, doublée de la révélation d’une relation œdipienne mère-fils qui démultiplie le suspense dans deux directions à la fois, unifiées in extremis dans une des scènes finales les plus hallucinantes jamais filmées dans l’histoire du cinéma mondial, qu’on ne se lasse pas de revoir.

Les Enchaînés - Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick

Enfin à cause des prouesses techniques que Hitchcock met cette fois-ci au service de l’histoire au lieu que l’histoire soit à leurs services. Ici, on retrouve certes le formalisme luxueux de Rebecca (la villa de Sébastian, au baroque surchargé, fait d’ailleurs bien plus peur, filmée en intérieurs ou en extérieurs nuits, que le château de Manderley). On retrouve aussi un certain formalisme psychanalytique issu en droite ligne de Spellbound. Mais ni l’un ni l’autre ne sont visés d’abord pour eux-mêmes : ils sont mis au service de l’histoire à laquelle Hitchcock et son scénariste Ben Hecht crurent en profondeur. Hitchcock avait d’ailleurs eu ce mot admirable que Sébastian est, selon lui, plus amoureux d’Alicia que Devlin ne l’est : son drame personnel constituant de facto un film dans le film. Sur le plan technique, il faut noter, outre les prouesses déjà souvent relevées (transparences durant la sortie nocturne en voiture conduite par Alicia ivre, plan-séquence du balcon à Rio suivant le couple amoureux jusqu’à un téléphone, travelling en plongée sur la clé cachée dans la main d’Ingrid Bergman, plan-séquence de l’évasion finale), une prouesse plus rarement relevée : celle de la première rencontre entre Alicia et madame Sébastian qui descend l’escalier pour venir à sa rencontre. Terence Fisher s’en est peut-être inspiré (consciemment ? Il faudrait approfondir la question) pour filmer sans plan de coupe et en une seule prise la descente de l’escalier par Dracula lors de sa première rencontre avec Jonathan Harker au début de Le Cauchemar de Dracula [Dracula / Horror of Dracula] (GB 1958).

Notorious fut d’abord, et très bizarrement lorsqu’on y réfléchit, tenu pour un bel objet formaliste dénué de contenu, de vérité et de vraisemblance : lire la critique d’Eric Rohmer dans la Revue du cinéma de 1948 (la sortie Paris fut décalée de deux ans par rapport à la sortie américaine). Ensuite les choses se compliquèrent mais ne s’éclaircirent pas. Il était facile d’écrire, comme l’écrivait Pascal Bonitzer dans un n° de Cahiers du cinéma de mars 1980 avec la tranquillité rétrospective que confère la connaissance d’une filmographie achevée (Hitchcock meurt un mois après la parution de cet article) que Notorious préfigure Psychose. Ce n’est pas parce qu’il y a, dans les deux titres, une descente interdite dans une cave, que celui-ci préfigure, de fait, celui-là. Cet argument formel architectural est purement sémiologique, à la manière dont Demonsablon croit faire œuvre utile en publiant en 1956 un « lexique mythologique » de l’œuvre d’Hitchcock. Ce n’est pas non plus parce qu’il y aurait une « inquiétante étrangeté » parfois clairement à l’œuvre dans la représentation, dans la manière de filmer le quotidien préfigurant les purs instants fantastiques de terreur. Cela Hitchcock sait l’introduire dès que le mal s’immisce dans l’histoire et il y a histoire précisément parce qu’il s’y introduit : Chabrol et Truffaut, jeune critiques, l’avaient bien noté et surent l’appliquer à leurs tours dans leurs meilleurs films français. Rien de tout cela n’est donc in fine probant.

Les Enchaînés - Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick

En réalité, si Notorious préfigure vraiment Psychose, c’est parce qu’on trouve dans les deux histoires un rapport psychopathologique entre mère et fils et que rapport détermine en profondeur la direction de l’histoire. Ce n’est d’ailleurs pas tant pour Alicia et Devlin qu’il était dangereux de descendre à la cave que pour Sébastian car il y trouve l’amorce de sa chute et l’histoire y trouve du même coup son second souffle, frôlant alors la démence et l’épouvante régulièrement jusqu’au paroxysme final, à couper le souffle en raison de la précision de l’écriture de Hecht et de la virtuosité de la mise en scène et du montage. La parenté entre Psychose et Notorious est donc bien d’abord de fond avant d’être formelle. La séquence de Notorious où Alicia écoute la conversation invisible entre Sébastian et sa mère concernant le jeu de clés qu’elle désire se faire remettre, annonce la conversation lointaine dans Psychose que surprendra Marion entre Bates et sa mère.

Ceux qui jugèrent Notorious comme pur objet formel (François Truffaut admirant sa photo N&B, Eric Rohmer jugeant que les prouesses techniques étaient disproportionnées par rapport à la pauvreté du contenu) ne l’ont évidemment pas compris. Ceux qui tentèrent de le juger sur le fond, alors qu’ils avaient en main toutes les cartes pour le faire (la pitoyable notice écrite en 1965 par Georges Sadoul, le texte bien plus ambitieux et fin de Pascal Bonitzer en 1980) n’y réussirent bizarrement pas davantage. En psychanalyse, on dirait qu’il y a eu « résistance ». Hecht et Hitchcock avaient pourtant tenu à équilibrer cette relation terrifiante par la relation non moins atroce, mais posée presque in abstracto, entre Alicia et un père renié : entre ces deux groupes pathologiques, Devlin apparaît comme un médiateur auquel le spectateur ne peut que s’identifier. Le suspense repose ainsi, d’une manière encore démultipliée d’un troisième cran, sur la possibilité physique de la médiation ultime de Devlin qu’on ne peut ici dévoiler sans dévoiler excessivement l’histoire.

Les deux cinéastes contemporains auxquels on peut le plus penser lorsqu’on visionne Notorious sont Fritz Lang et Orson Welles dont la mise en scène de Hitchcock constitue, ici, un fascinant alliage. C’est le premier du genre : il y en aura d’autres.

Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick (Le Procès Paradine) (Collection Francis Moury)

Le Procès Paradine [The Paradine Case]  (USA 1947), adapté d’un roman de Robert Hichens, est mésestimé par son propre réalisateur Alfred Hitchcock, par son acteur principal Gregory Peck (qui y est pourtant, comme d’habitude, remarquable) et il est généralement tenu par la critique française pour le moins bon des quatre titres tournés par Hitchcok pour Selznick. À tort car il est remarquable. Le scénario de Selznick est certes un peu bavard mais qu’importe ! Sa ligne directrice est d’un pessimisme brûlant, faisant appel à un romantisme parfois proche du fantastique (ce qui constitue son lien thématique et plastique, dans la filmographie de Hitchcock, avec Rebecca mais le scénario du Procès Paradine est plus rigoureux que celui de Rebecca) parfaitement servi techniquement par Hitchcock avec de très gros moyens matériels. Il y a même quelque chose du personnage de Heathcliff chez le Latour admirablement interprété par Louis Jourdan, bien que ni Selznick ni Hitchcock ne revendiquent une filiation quelconque avec le roman de Emily Bronte, Les Hauts de Hurlevent / Hurlemont (Wuthering Heights). Et Alida Valli compose une très impressionnante beauté fatale que l’on dirait tout droit sortie d’un poème de Charles Baudelaire, éclairée par le grand directeur de la photographie Lee Garmes dont c’est l’un des meilleurs N&B.

Le Procès Paradine - Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick

Ann Todd, contrairement à ce que disait Hitchcock, n’est absolument pas trop froide dans le rôle de l’épouse de l’avocat, consciente que son couple risque la séparation et que son époux risque sa réputation professionnelle : elle annonce au contraire ici, par sa vivacité et son énergie, le grand rôle qu’elle tiendra dans Hurler de peur [Taste of Fear / Scream of Fear] (GB Hammer film 1961) de Seth Holt. Enfin Charles Laughton compose un juge sadien tout à fait étonnant et inoubliable (son regard brutal sur l’épaule nue de Ann Todd, la peur que sa perversion provoque chez son épouse âgée jouée par Ethel Barrymore) : c’est surtout lui (et la manière dont Hitchcock l’utilise pour augmenter la tension et le malaise) qui confère au Procès paradine une dimension sinon franchement fantastique du moins particulièrement noire, presque pré-fishérienne.

Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick - Blu-ray ouvert

Aspects techniques du coffret

Nouveaux masters restaurés au format 1.37 original N&B respecté pour les 4 titres, encodés en Full HD, AVC en 1080 / 23.98p pour le coffret Blu-ray, en PAL MPEG-2 pour le coffret DVD. Les suppléments vidéo sont en HD sur le coffret Blu-ray. Son Mono VOSTF  + VF d’époque pour les 4 titres, encodés en DTS-Master audio 1.0 en Blu-ray, en Dolby Digital 1.0 sur les DVD. La meilleure image chimique est celle, sans surprise car c’est la plus récente, du Procès Paradine. Celle des Enchaînés [Notorious] nous a procuré une légère déception : sur le plan strictement chimique, on pourrait lui préférer le matériel exploité sur le DVD Aventi en 2004 mais sur le plan numérique, la HD image et son apportée par le Blu-ray Carlotta en fait automatiquement l’image de référence actuelle. À noter que l’édition DVD Aventi présentait le générique français d’exploitation des Enchaînés sur les deux versions sonores alors que cette édition Carlotta présente le générique américain original. L’idéal aurait été d’avoir le premier sur la VF d’époque, le second sur la VOSTF : peut-être un jour un éditeur s’avisera-t-il de cette évidence même si l’on peut comprendre que cela représente un travail de recherche local doublé d’un surcoût économique non négligeable (trouver le meilleur master possible français et le restaurer).  Les VF d’époque ont été remarquablement nettoyées et restaurées mais, là encore, celle de Les Enchaînés [Notorious] est parfois dans un état technique un cran inférieur à celui des trois autres VF. Mais mis à part ces quelques menus constats, ce coffret nous fournit donc les éditions françaises de référence en Full HD pour ces 4 titres.

Concernant la très riche interactivité, elle se compose de suppléments vidéos exclusifs et d’un livre édité en collaboration avec les Cahiers du cinéma.

Une précision historique préalable : la période ainsi dénommée pourrait laisser croire que Hitchcock ne travailla que pour Selznick de 1938 à 1948 mais, ainsi que cela est expliqué aussi bien dans le livre que dans les suppléments, durant la période de ce contrat non-exclusif, Hitchcock tourna pour d’autres producteurs américains. Si on avait rajouté au livre une filmographie mentionnant les producteurs et les firmes de distribution de chaque titre, on aurait pu immédiatement le visualiser. Mais le lecteur déjà cinéphile le sait bien : Nous écrivons donc cette remarque à l’attention du novice souhaitant le devenir.

Un mot sur la complémentarité des suppléments car elle illustre aussi la relative complémentarité de Hitchcock et Selznick durant cette période. En écoutant le fils de Selznick raconter la genèse de Spellbound dans le supplément vidéo et en lisant le chapitre consacré à ce titre dans le livre, on hésite à attribuer la paternité du sujet : est-ce Hitchcock ou bien Selznick qui tint  le premier à faire un film reposant sur la psychanalyse de Freud ? En fait l’hésitation peut se résoudre facilement car la vidéo et le chapitre du livre se complètent : on apprend que Selznick avait personnellement eu recours comme patient à la psychanalyse, que Hitchcock lui proposa le sujet en 1944 (d’après un roman plus ancien) et que Selznick l’accepta, faisant finalement nommer sa propre analyste comme conseillère technique.

La Conquête de l'indépendance - Recto Livre - Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick

Le livre de 300 pages illustrées N&B, La Conquête de l’indépendance, étudie au moyen de documents de première main (en général traduits à partir de livres américains ou repris de livres français proposant déjà certaines traductions : les références sont soigneusement mentionnées) les relations entre le producteur David O’Selznick et le réalisateur Alfred Hitchcock qui fut sous contrat avec lui de 1938 à 1948. Édité en collaboration avec les Cahiers du cinéma, on y trouve sans surprise des critiques d’époque ou plus tardives, parues sur les 4 titres en question. On y trouve également des traductions (fragmentaires ou intégrales, selon les cas) des célèbres « mémorandum » rédigés par David O’Selznick à l’attention de son cinéaste, des fragments d’entretiens accordés par Hitchcock à des journaux anglais récapitulant son expérience hollywoodienne, un fragment d’un entretien de Hitchcock accordé à l’historien et cinéaste Peter Bogdanovich (qui a la main lourde lorsqu’il juge le cinéma anglais muet comme parlant mais qui pose de bonnes questions) et des analyses documentées de la genèse, de la production de l’esthétique et de la réception critique des 4 titres en question. Si vous souhaitez, par exemple, savoir qui est la mystérieuse actrice « Madame Konstantin » mentionnée au générique de Notorious, vous le découvrirez dans ce livre.

Nombreuses photos de tournage, photos de plateau, photos de production (la majorité en N&B mais certaines en couleurs : Gregory Peck et Alida Valli dans Le Procès Paradine, par exemple), la plus spectaculaire de toute étant peut-être bien celle du Procès Paradine où une foule de techniciens et un chaos de machine et d’éclairages font face à Charles Laughton dans le rôle du juge. Concernant Les Enchaînés, on peut y voir la célèbre photo de production montrant Claude Rains et Leopoldine Konstantin penchés au chevet d’Ingrid Bergman malade et couchée.

Plus de 5H30 de suppléments vidéo exclusifs ont été rassemblés et répartis sur les 4 disques des 4 films et sur un disque spécial dédié. On y trouve 4 entretiens avec Laurent Bouzereau (auteur de Hitchcock : pièces à convictions) qui sont soigneusement illustrés de photos de plateau et de photos de tournage, 4 entretiens enregistrés de Hitchcock avec François Truffaut (enregistrements qui aboutirent à un livre d’entretiens avec Hitchcock qui fit date mais qu’il faut manier avec précaution car les deux hommes y sont parfois excessivement injustes, par exemple envers Gregory Peck qui est, contrairement à ce qu’ils pensent, excellent dans Le Procès Paradine) et une traductrice (le son des enregistrements est très inégal mais on peut se reporter au livre final, en cas de doute) augmentés d’une postface du critique Nicolas Saada, un documentaire avec Claude Chabrol, Laura Truffaut, Patricia Hitchcock sur la genèse du livre de Truffaut et son influence sur la critique et les cinéastes contemporains de sa parution, un entretien exclusif avec Daniel O’Selznick (le fils de David O’Selznick) qui confirme ou complète les informations du livre, des « screen-tests » (état technique médiocre mais documents rares) de Vivian Leigh, Margareth Sullavan et Laurence Olivier pour Rebecca, un documentaire TV coproduit par Arte sur l’écrivain Daphné du Maurier (adaptée par Hitchcock à trois reprises dans sa filmographie :  La Taverne de la Jamaïque, Rebecca et surtout Les Oiseaux) sans oublier des petits « home movies » documentaires familiaux ou professionnels qui avaient filmé Hitchcock dans son intimité familiale ou pendant ses tournages, sur les plateaux ou en extérieurs naturels, sans oublier non plus les bandes-annonces originales (état chimique et numérique variable) des quatre titres.

Un seul regret  : qu’on ne dispose pas des reproductions des affiches ni, surtout, des magnifiques jeux intégraux américains originaux de photos d’exploitation (8 lobby cards colorisées par titre, numérotées de 1 à 8) ni des jeux français correspondants de première exploitation. Sans quoi l’ensemble méritait bien évidemment la note maximale.

Notes :

  • Image : 4,5/5
  • Son : 4,5/5
  • Bonus : 4,5/5

Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick - Recto jaquette Blu-ray 3DAlfred Hitchcock : les années Selznick – Coffret Blu-ray ou DVD Ultra Collector limitée et numérotée – Carlotta Films – Sortie le 22 novembre 2017

Rebecca – d’Alfred Hitchcock (USA – 1939) –  130 min en BRD, 125 min en DVD

Pourquoi le beau château anglais de Manderley est-il aujourd’hui en ruines ? Ce que va nous remémorer l’héroïne. Monte-Carlo : cette jeune femme modeste et douce, attachée comme dame de compagnie à une prétentieuse acariâtre, dissuade du suicide Maxime de Winter, un veuf  milliardaire séduisant mais rude et mélancolique. Ils tombent amoureux et Maxime la ramène en Angleterre, dans son château de Manderley. Là-bas, elle est confrontée au souvenir obsédant de Rebecca, l’épouse décédée de Winter. Décédée oui mais dans quelles circonstances ? Décédée oui mais… ne serait-elle pas toujours présente au château ? Elle le découvrira au péril de sa vie et de sa raison.

La Maison du Dr. Edwardes (Spellbound) d’Alfred Hitchcock (USA – 1945) – 111 min en BRD, 107 min en DVD

USA 1945 : le jeune Dr. Edwardes remplace le Dr. Murchison à la tête d’une clinique psychiatrique où on pratique aussi la psychanalyse freudienne. Amoureuse de lui, une collègue découvre qu’il est en réalité un patient souffrant d’un grave traumatisme et ayant usurpé l’identité d’Edwardes. Elle va tenter de le sauver mais « Edwardes » est persuadé qu’il est coupable d’un meurtre : le couple doit fuir. La vérité sera révélée grâce à La Science des rêves / L’Interprétation des rêves (Traumdeutung) de Freud… menaçant désormais le véritable meurtrier.

Les Enchaînés (Notorious)  d’Alfred Hitchcock (USA – 1946) – 101 min en BRD, 97 min en DVD

USA, Miami (Floride) puis Brésil (Rio et environs) en 1946 : Alicia, fille aisée d’un nazi condamné et qu’elle a renié, est recrutée par l’agent Devlin, pour le compte du contre-espionnage américain, afin de séduire Sébastian, un industriel allemand  vivant à Rio, qui fut amoureux d’elle autrefois et dont la propriété sert probablement de refuge à un groupe fanatique. Alicia, voulant prouver à Devlin, dont elle est amoureuse, qu’elle est digne de confiance, accepte de mener sa mission jusqu’au bout. Elle va jusqu’à épouser Sébastian pour mieux l’espionner. Suspectée par la mère de Sébastian. Alicia se retrouve bientôt, en dépit de toutes les précautions prises par Devlin, promise à la mort. Devlin pourra-t-il la sauver à temps ?

Le Procès Paradine (The Paradine Case)  d’Alfred Hitchcock (USA – 1947) – 114 min en BRD, 110 min en DVD

Londres 1947 : la police arrête la riche et belle veuve Maddalena Paradine. On la soupçonne du meurtre de son époux, un officier supérieur aveugle. L’avocat qu’on lui recommande tombe (presque) amoureux d’elle et décide d’enquêter sur le mystère de ce meurtre. Il se rend dans le manoir du Cumberland où résidaient le couple. Il rencontre Latour, l’homme de confiance de Paradine et le suspecte. Mais madame Paradine lui interdit formellement de mettre Latour en cause durant le procès. Le juge qui dirige les débats étant en outre un pervers prenant plaisir à condamner à mort, l’avocat se retrouve pris en tenaille, sa marge de manoeuvre diminuant à mesure que les débats progressent pour savoir qui a tué Paradine.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.37:1 encodée en AVC 1080/23.98p
  • Langues : Anglais et Français DTS-HD Master Audio 1.0
  • Sous-titres : Français

Bonus Blu-ray (HD et VOSTF) :

  • Quatre entretiens et analyses de Laurent Bouzereau, cinéaste et auteur de nombreux ouvrages, dont Hitchcock : Pièces à conviction. (20min / 16min / 14min / 16min)
  • Les quatre films décryptés par Hitchcock et Truffaut, augmentés d’une postface inédite de Nicolas Saada. (340imn / 23min / 30min / 24mni)
  • Les screen tests de Rebecca (9min)
    Margaret Sullavan, Vivien Leigh et Sir Laurence Olivier font des essais pour les premiers rôles du film.
  • Un entretien exclusif avec Daniel Selznick, fils de David O. Selznick (23min) Réalisé par Bertrand Tessier, un entretien exclusif avec Daniel Selznick, fils de David O. Selznick.
  • Monsieur Truffaut Meets Mr. Hitchcock : la genèse d’un livre de légende et d’une relation singulière (39min) La genèse d’un livre de légende et d’une relation singulière, avec les témoignages de Claude Chabrol, Laura Truffaut, Patricia Hitchcock et bien d’autres… Réalisé par Robert Fischer.
  • Le documentaire Daphné du Maurier sur les traces de Rebecca (57min)
  • Home movies (36min) Alfred Hitchcock comme vous ne l’aviez jamais vu. Instants en famille ou sur les plateaux de tournage.
  • Bandes-annonces

Le livre de 300 pages réalisé en association avec Les Cahiers du Cinéma : La Conquête de l’indépendance

Sommaire livre Hitchcock SelznickLe sommaire du livre

 

2 réflexions sur « Coffret Alfred Hitchcock : les années Selznick »

  1. Remarque addditionnelle d’histoire du cinéma :
    Concernant SPELLBOUND [La Maison du docteur Edwardes] (USA 1945) d’Alfred Hitchcock, il faut noter que l’année précédente, WOMAN IN THE WINDOW [La Femme au portrait] (USA 1944) de Fritz Lang s’ouvrait sur un amphithéâtre où un professeur de psychologie générale (joué par Edward G. Robinson) faisait un cours sur le meurtre dans l’histoire des mentalités et des civilisations. Au tableau noir derrière lui, le nom de Sigmund Freud est écrit tout en haut en majuscules. La construction du scénario de WOMAN IN THE WINDOW utilise précisément les thèses de Freud concernant la condensation, le déplacement, les modifications diverses apportées par le rêve (ici le cauchemar) à la réalité, telles qu’elles sont détaillées dans la TRAUMDEUTUNG (La Science des rêves / L’Interprétation des rêves) de Freud.
    Selznick et Hitchcock ne pouvaient l’ignorer. Il serait passionnant de comparer en détails les deux oeuvres.

  2. Note additionnelle d’histoire technique du cinéma
    Une discussion technique menée avec certains forumeurs de Dvdclassik (dans un climat assez délicat puisqu’il s’agissait pour moi de répondre à une attaque injustifiée, réponse qui, bien entendu, a déclenché d’autres attaques qui le sont encore moins, par une sorte d’emballement enfantin : règle du jeu de certains forums, conservés sans surprise dans le formol où ils baignaient dès leur origine) a permis néanmoins, grâce aux témoignages de « Holden » et de « Firmin » de dégager un point très intéressant : le célèbre « plan rouge » présenté sur le bluray n’est pas le plan original de la copie chimique 35mm originale argentique. Il a été, de toute évidence, retravaillé en numérique et ne présente plus du tout la même apparence que les sur les anciennes copies encore visibles sur les enregistrements magnétiques VHS lors de leurs télédiffusion.
    En revanche, une divergence (intéressante car c’est une divergence de sources historiques) subsiste sur le procédé couleurs utilisé et sa durée, concernant le plan original chimique argentique de 1945.

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