The Apartment (La Garçonnière) - Image une test Blu-ray

The Apartment (Arrow) Vs La Garçonnière (Rimini)

La Garçonnière constitue sinon un sommet dans la carrière de Billy Wilder, sinon LE sommet d’une filmographie qui, faut-il le souligner, n’en manque pourtant pas. Oscar du meilleur film en 1961 au sein d’une décennie où les membres de l’Académie n’adouberont quasiment que des grosses cylindrées, cet Apartment fait donc office avec le recul d’un délicieux intrus que l’on se doit de chérir encore plus aujourd’hui. D’autant que voici un film qui jusqu’ici était scandaleusement absent en Blu-ray chez nous. La réparation est d’importance et on la doit au nouveau venu Rimini qui a choisi, tel un clin d’œil marketing, les abords de la 90ème cérémonie des Oscars pour proposer une édition de La Garçonnière des plus honnêtes à défaut d’être définitive.

La Garçonnière - Affiche

Quand Wilder met en chantier La Garçonnière, cela fait un bail qu’il a eu l’idée de cette histoire où un employé au sein d’une grosse compagnie d’assurances prête régulièrement son appartement situé en plein New-York à quelques uns de ses supérieurs qui en profitent pour tromper assidûment leurs bourgeoises respectives. En contrepartie de quoi, notre pourvoyeur de « 5 à 7 » se voit offrir des avancements en veux-tu en voilà. Jusqu’au jour où il apprend que la femme dont il est secrètement épris fait partie du tableau de chasse de son n+1. En cette fin des années 50, la censure est plus laxiste, préfigurant il est vrai une libération des mœurs à la mesure du corsetage très stricte de l’après-guerre. Wilder comprend que c’est donc le moment pour donner libre cours à sa misanthropie de bon aloi qui lui permet de pointer du doigt une société hypocrite reposant sur des valeurs qui vacillent déjà. Lui, l’immigré autrichien, perpétue là une tradition dorénavant bien ancrée à Hollywood qui veut que ses plus illustres représentants, ceux qui ont pu s’épanouir totalement et le plus librement possible, sont aussi ceux qui ont porté le regard le plus acerbe mais aussi le plus juste envers cette main nourricière. L’apanage de toute démocratie qui ne se replie pas sur elle-même en quelque sorte.

Pas certain que de nos jours la chose soit encore possible. Ou tout simplement souhaitable au sein de nos sociétés progressivement scindées en de multiples strates communautaires qui ne font plus que se regarder en chiens de faïence. Jusqu’aux Oscars qui se font bon an mal an le reflet de tout cela. Qui hier se devait de mettre en avant des films issus et réalisés par sa minorité noire. Qui aujourd’hui doivent faire de même pour la femme (heureusement et pour l’instant prise dans son ensemble et pas encore morcelée en obédiences religieuses ou de couleur de peau. Mais cela viendra, c’est une certitude) dont il faut libérer la parole (jusqu’ici on est totalement d’accord) et pour laquelle il faut instaurer des quotas afin qu’elle soit représentée comme il se doit dans le métier (heuuu pardon, vous pouvez me répéter ?). Jusqu’au festival de Cannes qui en cette année de grâce 2018 se fait fort d’instaurer la parité homme-femme au sein de son jury de la sélection officielle avec de plus une certaine Cate Blanchett à sa tête. Et puis pouf, comme par hasard, voilà que ce même festival sélectionne La Garçonnière en 2018 du côté de Cannes Classics.

La Garçonnière

Comme si Frémaux voulait nous balancer un message qui en substance dit ceci : Notre XXIè siècle soit disant ultra connecté mais certainement pas pour (mieux) vivre ensemble aurait tout à gagner de (re)découvrir le film de Wilder tant il recèle en son sein la faconde d’une époque qui se perd dans la brume (admirez le clin d’œil) d’une Histoire que l’on n’ose plus raconter. Non que le grand Jack Lemmon qui interprète ici toute la veulerie de l’homme moyen issu d’une classe moyenne aujourd’hui disparue se doit d’être porté en exemple. Nope (encore que). Mais son parcours, ses traits de caractère et ses défauts en font ce personnage attachant que Wilder s’emploie non pas à juger mais à jauger à l’aune du futur proche.

En lui remettant son oscar, l’auteur dramatique Moss Hart lui avait soufflé à l’oreille « Il est temps d’arrêter Billy » (1). Il avait raison. Billy Wilder ne fera en effet plus jamais aussi bien. Comme si le mouvement qu’il avait perçu l’avait trop rapidement devancé, s’essoufflant alors à recoller aux wagons d’un train roulant à une vitesse de plus en plus folle. Mais on se prend quand même à rêver d’un film signé Billy Wilder qui raconterait sa « menschitude » (du yiddish Mensch, qui pourrait se traduire par « être humain ») en prise avec nos contradictions 2.0 actuelles et l’hypocrisie ambiante de plus en plus frénétique qui en découle. Qu’à cela ne tienne, sa Garçonnière est tellement abouti que le temps n’a en fait plus d’emprise sur lui. Son atemporalité, sans le momifier en film musée ou en simple témoin d’une époque révolue, se découvre à chaque nouvelle vision d’une acuité toujours plus forte et finalement rassurante.

La Garçonnière

Avanti Rimini !

Rimini, éditeur vidéo créé par un ancien de feu Filmédia et Opening, l’a de son côté très bien compris et le propose dans une édition Blu-ray qui mérite que l’on s’y attarde un tantinet. Tout d’abord parce qu’il répare une criante injustice puisque le film de Billy Wilder n’existait tout simplement pas chez nous dans ce format alors que MGM l’avait édité en 2012 aux États-Unis. Une édition au demeurant reprise en Angleterre et dans beaucoup de pays européens par la suite. C’est donc enfin à notre tour d’y avoir droit. Rimini reprend du coup le même master, la quasi totalité des bonus qui ont été pour la peine intégralement sous-titrés à l’exception de la bande annonce plus deux totalement inédits et spécifiquement produits pour cette édition. La VF encodée en DTS HD MA 2.0 mono est elle aussi bien présente mais Rimini va plus loin niveau VO puisqu’en plus du DTS HD MA 5.1 qui permet une belle spatialisation lors des passages musicaux, on trouve aussi sa consœur en mono pour le coup totalement inédite et que l’on aime beaucoup pour son « aspect » un peu old school totalement dans le ton du film.

Ceci étant dit, on ne peut passer sous silence l’arrivée fin 2017 en Angleterre d’une nouvelle édition non plus proposée par MGM qui, à l’instar de pratiquement tous les « grands » studios, a renoncé depuis un bail à éditer leurs films de catalogue en Blu-ray, mais par Arrow. Celui-ci a décidé de restaurer dans son coin et en 4K s’il vous plaît The Apartment. Il le jalouse tellement d’ailleurs, que ce n’est même pas ce master qui a été montré à Cannes. Autant dire que l’image proposée est juste phénoménale et enterre sans coup férir celle de MGM et donc de Rimini. Ce qui nous fait dire que l’on a donc attendu plus de cinq ans pour enfin disposer de ce film en Blu-ray mais avec le constat amer que cette édition est déjà obsolète sur cet aspect bien précis avant même sa commercialisation. On vous laisse juge de la différence ci-dessous avec notre nouvelle animation dont on est très fiers. Pour faire court, le nouveau master est immaculé alors que l’encodage propose des contrastes formidables permettant un vrai N&B alors que chez Rimini on est plus en N&Gris avec de surcroît une copie qui souffre de nombreuses pétouilles, de scories disgracieux et d’un télécinéma pas toujours ultra stable.

En haut : Blu-ray Arrow
En bas : Blu-ray Rimini

On est donc bien obligé de faire la fine bouche d’autant qu’une fois visionné ce nouveau master, revenir en arrière fait très mais alors très mal aux yeux. On ne sait si Rimini a tenté une approche financière auprès de Arrow pour pouvoir le récupérer. On va dire que c’est certainement le cas vu que l’on retrouve au sein des bonus deux compléments produits et présents au sein du Blu-ray Arrow. Donc, soit l’éditeur londonien a été trop gourmand sur le sujet, soit il a juste opposé une fin de non recevoir considérant sa restauration exclusive. Quant à la partie son, on est là aussi contraint de revoir notre jugement quant à la VO. Car quel que soit l’encodage proposé, c’est Byzance 2.0. Le plus détonnant n’étant in fine même pas le nouveau DTS HD MA 5.1 qui oui dépote niveau précision, clarté et spatialisation mais le PCM en 1.0 qui enterre le mono 2.0 entendu chez Rimini. C’est bien simple on touche là le Saint Graal de la chose. On adore l’aisance d’un flux qui ne subit aucune compression. Et même sur un canal, on est là au plus proche des intentions acoustiques originelles. Étant entendu que Wilder voulait tourner en mono alors qu’il avait la possibilité et les moyens d’enregistrer en stéréo. Le travail sur la frontalité récurrente de l’espace sonore, des à coups répétés du son urbain monocorde et lancinant, la richesse des différents timbres de voix… Bref ce que l’on entendait en 2.0, on le redécouvre en 1.0.

Quant aux bonus, Rimini a donc repris ceux que la MGM avait produit en 2008 pour l’édition collector DVD et que l’on retrouve sur son Blu-ray paru en 2012. Il y a là le toujours très bon making-of d’une demie heure ainsi que l’hommage de Jack Lemmon par son fils. Il manque toutefois le commentaire audio de l’historien du cinéma Bruce Block. Ce qui dans l’absolu n’est pas une perte tant celui-ci est assez redondant avec les infos que l’on peut glaner ailleurs sur les autres suppléments et surtout parce qu’il glisse très vite vers une analyse du film plutôt paresseuse en se contentant souvent de paraphraser le déroulé du film. Mais pour ceux qui voudraient quand même s’en faire une idée, il est repris chez Arrow.

On s’en consolera d’autant mieux que Rimini en propose de totalement inédits produits par ses soins ainsi que d’autres repris de chez Arrow. Du côté franco-français on a droit d’abord à une conversation plutôt intéressante entre deux critiques. On craignait quelque chose de trop analytique et au final on est plutôt dans un mix analyse / contextualisation et infos utiles pour un résultat très riche que l’on pourra se mater avant ET après une nouvelle vision du film. L’éditeur français a eu aussi la très bonne idée de rencontrer Didier Naert, peintre et architecte de son état qui a collaboré avec Alexandre Trauner. Il revient sur le parcours hors normes de cet émigré hongrois qui s’est imposé depuis la France (les fabuleux décors des Enfants du Paradis conçues dans les Studios de la Victorine à Nice c’est lui) jusqu’à Hollywood. Il décrit aussi avec une belle pédagogie les obsessions de Trauner comme ces lignes de fuite ultra prononcées que l’on retrouve ici dans le premier décor qui met en scène le bureau de Lemmon. Voilà un entretien précieux car il donne la parole à un corps de métier érigé ici en art qui n’est que rarement mis en valeur.

Et puis Rimini a aussi repris les deux bonus produits par Arrow. Soit un entretien avec l’actrice Hope Holiday qui joue ici la partenaire enivrée d’un soir où Jack Lemmon broie du noir. C’est touchant et plus étonnant très informatif quant à la façon qu’avait Wilder de diriger ses acteurs, lui dont la réputation à cet égard était d’être plutôt dur. Et enfin une analyse vidéo du critique et réalisateur écossais David Cairns qui s’attarde avec bonheur sur l’extraordinaire trinôme Wilder, Diamond (scénariste) et Lemmon, épine dorsale de La Garçonnière et deuxième collaboration sur les sept films qu’ils feront ensemble.

Pour être complet, on signalera la présence d’un livret d’une soixantaine de pages qui reprend la plupart des infos déjà dévoilées au sein des bonus plus quelques autres que le journaliste Marc Toullec a puisé dans quelques uns des ouvrages de références comme les mémoires de Wilder ou de Shirley MacLaine.

(1) Conversation avec Billy Wilder par Cameron Crowe (Acte Sud)

The Apartment - Jaquette Blu-ray Arrow VideoThe Apartment de Billy Wilder (USA – 1960) – Édition Blu-ray Collector – Arrow UK – Sortie le 18 décembre 2017

C.C. Baxter est employé à la Sauvegarde, grande compagnie d’assurance. Dans l’espoir d’un avancement il prête souvent son appartement à ses supérieurs qui y emmènent leurs petites amies. Un jour le chef du personnel le convoque et lui apprend qu’il sait tout et lui demande aussi sa clé. Baxter est enfin promu. Mais ce qu’il ignorait c’est que le chef du personnel emmenait dans son appartement la femme dont il était amoureux.

Spécifications techniques :

  • Image : 2.35:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langues : Anglais DTS-HD Master Audio 5.1 et  PCM 1.0 mono
  • Sous-titres : Anglais pour sourds et malentendants
  • Durée : 2h 05min
  • 1 BD-50
  • Livre collector de 150 pages richement illustré

Bonus (en VO et en HD) :

  • Commentaire audio de l’historien du cinéma Bruce Block (2007)
  • Inside The Apartment (2007 – 29min 36s)
  • Magic Time: The Art of Jack Lemmon (2007 – 12min47s)
  • Une nouvelle lecture du film par l’historien du cinéma Philip Kemp (2017 – 10min 12s)
  • The Flawed Couple (Wilder – Lemmon) par David Cairns (2017 – 20min 24s)
  • A Letter to Castro : entretien avec Hope Holiday (2017 – 13min 23s)
  • Conversation informelle avec Billy Wilder par David Cairns pour la Writers Guild Foundation (23min 17s)
  • La restauration par Arrow (2min 20s)
  • Bande annonce (2min 19s)
  • Le scénario original

On précise à toutes fins utiles que toutes les captures de cet article sont cliquables et visibles en mode HD native (1920*1080)

La Garçonnière - Jaquette Blu-rayLa Garçonnière de Billy Wilder (USA – 1960) – Édition Blu-ray – Rimini Éditions – Sortie le 27 février 2018

Spécifications techniques :

  • Image : 2.35:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langues : Anglais DTS-HD Master Audio 5.1 et  2.0 mono, français DTS-HD Master Audio 2.0 mono
  • Sous-titres : Français
  • Durée : 2h 05min 15s
  • 1 BD-50
  • Livret : La Clef de la réussite (32 pages)

Bonus (en VOST et en HD sauf indication contraire) :

  • Conversation entre Mathieu Macheret (Le Monde) et Frédéric Mercier (Transfuge) (2017, VF, 46min 14s)
  • Entretien avec Didier Naert, peintre et architecte, à propos des décors d’Alexandre Trauner (2017, VF, 23min 14s)
  • A Letter to Castro (Une lettre à Castro) : entretien avec Hope Holiday (2017 – 13min 21s)
  • The Flawed Couple (Le Couple imparfait) : essai autour de la collaboration Billy Wilder / Jack Lemmon par le réalisateur et critique David Cairns (2017 – 20min 24s)
  • Magic Time : L’art de Jack Lemmon (SD – 2007 – 12min48s)
  • Inside The Apartment : À l’intérieur de La Garçonnière (SD – 2007 – 29min 37s)
  • Bande annonce (VO, 2min 20s)

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