Les Amants du Capricorne - Image une test Blu-ray

Les Amants du Capricorne en Blu-ray chez L’Atelier d’Images

Les Amants du Capricorne n’est pas le film le plus connu ou même le plus apprécié de Sieur Alfred Hitchcock. En cause cette forme littéraire doublée d’une romance tourmentée qui ne cadraient pas forcément avec la réputation de « Maître du suspense » que le cinéaste anglais s’était déjà forgée. Mais à y regarder de plus près, Les Amants du Capricorne participe sans aucun doute à la volonté d’un homme voulant s’extraire de ce début de carcan cinématographique auquel on voulait déjà le confiner. Ce que les jeunes turcs qui fondèrent la revue des Cahier du Cinéma ne manquèrent pas de voir et même de souligner en faisant au passage du cinéaste anglais l’un de leur chouchou, un auteur avant l’heure quand le reste du monde ne voyait en lui qu’un génial faiseur et les Studios hollywoodiens une machine à cash. Le mérite de cette édition est ainsi de revenir sur cette prise de conscience, de contextualiser un film loin d’être mineur tout en s’octroyant au passage une patine technique plutôt recommandable.

Les Amants du Capricorne - Affiche France 1949

Quand Hitchcock débute le tournage des Amants du Capricorne, le voici de retour sur le sol natal après 13 films à Hollywood. Il ne s’agira que d’un interlude mais voulu comme tel par un homme qui revenait dans les Studios de Pinewood en véritable star. Dans ses bagages, il y avait une Ingrid Bergman au fait de sa gloire qu’il retrouvait pour la troisième (et dernière) fois. Un attelage et des circonstances qui auraient dû permettre à ces Amants du Capricorne d’être le succès attendu. Au lieu de quoi ce fut un four retentissant. Pour Hitchcock c’est d’ailleurs un film sur lequel il n’aimait pas trop revenir car lui rappelant certainement des souvenirs douloureux à commencer par un tournage plutôt chaotique où le cinéaste s’est à de nombreuses reprises accroché avec sa vedette la tête totalement ailleurs. Sans doute vers son amant de Roberto Rossellini qu’elle allait d’ailleurs rejoindre tout de suite après formant par la suite l’un des couples les plus sulfureux de l’histoire du cinéma avec à la clef des chefs-d’œuvre tels que Stromboli, Europe 51 ou Voyage en Italie (ils tourneront 5 films ensemble).

D’autant qu’Hitchcock prolongeait avec Les Amants du Capricorne ce qu’il avait initié avec La Corde, son précédent long resté dans les annales comme un unique vrai-faux plan-séquence. Dorénavant conscient des limites dramatiques qu’impliquait ce procédé, il réduit ici la voilure afin justement de servir plus efficacement une narration centrée sur le personnage joué par Bergman en proie aux affres d’une passion et d’un mariage dont tout porte à croire qu’ils sont sans avenir. Hitchcock ne lâche ainsi jamais sa proie filmant sans cut le visage d’une femme tordue par la douleur psychique et physique. Et la performance de l’actrice est magnifique pour ne pas dire remarquable tant on ressent la douloureuse exigence du réalisateur derrière la caméra. On est très loin de l’ambiance gothique d’un Rebecca ou encore de la touffeur des intrigues développées par Les Enchainés ou La Maison du docteur Edwardes, les deux précédents films qu’Hitchcock a tourné avec Bergman. Ce qui a très certainement décontenancé le public et les critiques de l’époque. En fait, seules les 15 dernières minutes peuvent indiquer que l’on est bien dans un film « à la Hitchcock ». Quand Milly, l’intendante jouée par la diabolique Margaret Leighton, révèle ses noirs dessins. La tête réduite cachée dans les replis du lit et le verre de liqueur empoisonné qui finit par emplir tout le cadre pour accentuer l’angoisse ressentie par l’éplorée Bergman, rappellent sans conteste ce que Hitchcock avait déjà mis en place dans Les Enchainés.

Les Amants du Capricorne - Affiche France 2019

Mais au final, c’est bien cette fin qui est la partie la moins intéressante du film. Hitchcock semble en effet y administrer les affaires courantes n’ayant pas obtenu auparavant (à ses yeux) la quintessence du talent de Bergman. Car Les Amants du Capricorne raconte d’abord une mésalliance, ce mariage entre un roturier et une aristocrate à l’issu duquel il a fallu s’exiler dans ce pays peuplé alors de forçats repentis ou non venus d’une Angleterre qui leur a définitivement tourné le dos. Hitchcock y aborde cette stratification des classes qui plus que jamais s’inscrit dans cette terre située en dessous du tropique du Capricorne (on rappelle que le titre anglais est Under the Capricorn) ainsi que dans le regard de sa star que l’on découvre totalement à la dérive lors de sa première apparition à l’écran. Diaphane et sous l’emprise de la boisson, elle fait pieds nus le tour des convives que son mari a invités afin d’accueillir le neveu du nouveau gouverneur fraîchement débarqué par le dernier bateau en provenance de Londres. Tous les notables de la ville sont là mais non accompagnés de leurs femmes qui ont prétextées un empêchement ou un petit problème de santé. C’est que si l’on veut bien faire la connaissance du bel aristo, il serait plutôt malaisé de s’afficher avec un hôte au passé trouble et à la fortune si/trop vite acquise.

Les Amants du CapricorneCapture Blu-ray cliquable au format HD natif 1920×1080

Le décor ainsi planté a donc comme personnage référent pour nous spectateur ce neveu joué par l’acteur anglais Michael Wilding que l’on retrouvera d’ailleurs dans Le Grand alibi qu’Hitchcock tournera l’année suivante. Avec lui, nous découvrons ce nouveau monde avec ces mœurs détestables importées de l’ancien. Nous l’accompagnons dans cette demeure qui rappelle celles du sud des États-Unis d’avant la guerre de sécession. Avec lui, nous tombons sous le charme d’Ingrid Bergman qu’il va réveiller de sa torpeur provoquant le véritable point de départ d’un arc narratif aux multiples soubresauts trompeurs et plus que surprenant quand on connaît la noirceur et le cynisme du cinéaste anglais à l’égard de ses contemporains. C’est d’ailleurs ce que développe Claude Chabrol au sein des bonus. Au passage, précieuse initiative de l’éditeur que d’avoir su et pu récupérer ce doc essentiel réalisé à la fin du siècle dernier que l’on avait découvert sur le DVD édité en son temps par Universal France en 2006. C’est en effet avec un plaisir jamais démenti que l’on réécoute Chabrol nous parler de ses rencontres avec Hitchcock alors qu’il n’était alors qu’un simple critique travaillant aux Cahiers du cinéma tout juste créés. Ce qui donnera un Hors-Série consacré au cinéaste écrit à quatre mains avec Eric Rohmer qui deviendra par la suite un livre publié en 1957. Avec lui il y avait aussi un certain François Truffaut dont on sait depuis qu’il prolongera le plaisir par de multiples rencontres étalées sur 4 ans pour finir par accoucher en 1966 de Hitchcock / Truffaut, un livre devenu LA référence incontournable et un objet de culte en matière de livre de cinéma.

Les Amants du Capricorne - Capture Bonus

On retrouve d’ailleurs au sein des bonus un extrait sonore de ces entretiens. plus de 10 minutes consacrées à ces Amants du Capricorne qui nous permettent d’entendre un Hitchcock encore désabusé par les choix qui ont menés le film à sa déroute artistique et financière d’autant qu’il s’agissait là de son deuxième long en tant que producteur. Il revient ainsi sur le côté infantile d’avoir voulu à tout prix sécuriser une Bergman au nez et à la barbe du tout Hollywood pour un film qui ne lui convenait pas forcément, elle qui était obsédée à l’idée de ne jouer dorénavant que dans des chefs-d’œuvre (sic !). Il se reproche aussi d’avoir impliqué dans l’écriture du scénario l’auteur du roman qu’il ne trouvait de toute façon pas terrible. C’est bien entendu passionnant et surtout précieux d’entendre ainsi la voix d’Hitchcock (et celle de Truffaut) discuter ainsi autour d’une table sur un film devenu malgré les réticences de son réalisateur un classique reconnu. Pour la petite histoire, précisons que c’est à Serge Toubiana, alors rédac chef des Cahiers du Cinéma et aujourd’hui big boss de la Cinémathèque, que l’on doit ce petit miracle audio. En effet, en 1992, alors qu’il travaille sur un livre biographique du cinéaste, il retrouve 52 bobines audio de trente minutes chacune retraçant ainsi une grande partie des 4 années d’entretiens avec Hitchcock. Pour être complet, on précisera qu’en 2015, l’historien du cinéma anglais Kent Jones retracera la genèse de ce livre dans un superbe et fascinant documentaire où tous les extraits sonores utilisés proviennent de ces bobines.

Les Amants du Capricorne - Capture Bonus

Il s’agit là d’un petit ascenseur émotionnel que même l’intervention d’époque de Truffaut au sein de l’émission Ciné-Club de Claude-Jean Philippe ou celle enregistrée de nos jours par un Patrick Brion inspiré ne peuvent véritablement égaler. Mais elles soulignent tout de même la richesse d’une interactivité qui ne pourra qu’inciter le néophyte à prolonger ses recherches sur le film en se procurant par exemple les deux livres cités et sur lesquels s’appuient donc essentiellement ces suppléments. On sera par contre un peu plus réservé sur le versant technique de cette édition. Passons vite fait sur le son qui est dans la norme de ce que l’on trouve par ailleurs sur un film de catalogue de cette époque en Blu-ray à savoir un encodage en DTS-HD MA mono 2.0 pour les deux langues avec une préférence légitime pour la VO claire et dynamique. En effet la VF au doublage d’époque souffre d’une traduction surannée mais aussi d’un mix étouffé avec par moment la perception nette de bruits fantômes ou d’échos qui peuvent aller jusqu’à détourner notre attention des dialogues.

Les Amants du CapricorneCapture Blu-ray cliquable au format HD natif 1920×1080

Mais en fait, là où le bât blesse c’est au niveau de l’image pourtant annoncé issu d’un tout nouveau master restauré 4K. Pour être tout à fait honnête, on en doute. Alors bien entendu, par rapport à la bouillie visuelle du DVD Universal, on a fait un bond qualitatif considérable. Définition et grain sont bien présents. La stabilité de l’ensemble n’est quasiment jamais prise à défaut jusqu’aux couleurs qui par moment pètent le feu. Mais là commence les choses moins probantes. Les couleurs justement. Rappelons d’abord que tout comme sur Les Affameurs d’Anthony Mann édité chez Rimini en mars (et que nous chroniquerons peut-être), le film a été tourné en Technicolor. Ce qui signifie un procédé très spécifique et complexe au niveau du tirage nécessitant plusieurs étapes de développement via des pellicules séparées en trois couleurs qu’il faut ensuite réunir pour in fine obtenir une copie unique exploitable au cinéma. À restaurer, c’est certainement ce qu’il y a de plus onéreux à réaliser aujourd’hui. L’idéal étant de repartir du négatif témoin d’origine et de procéder à nouveau au process de développement de l’époque pour ensuite numériser le résultat obtenu en 2, 4 ou même 8K. Autant dire qu’il faut tabler sur un budget pharaonique (lors d’une visite au Studio Éclair vers 2010 du temps de la restauration de French Cancan de Renoir, on nous avait annoncé plusieurs centaines de milliers d’euros).

Les Amants du CapricorneCapture Blu-ray cliquable au format HD natif 1920×1080

Compte tenu de ce que l’on a sous les yeux, il est impossible que ce travail ait été effectué en l’état. Et pour en avoir le cœur net, nous avons contacté Kino Lorber, la société à l’origine de cette restauration sur le territoire américain qui est donc la source utilisée par L’Atelier d’Images pour ce Blu-ray et par Les Acacias pour la ressortie récente au cinéma. Et Kino d’annoncer en fait un scan et un étalonnage 4K effectués en Angleterre à partir de trois internégatifs (cyan, magenta et jaune et donc inhérent au process Technicolor qui nécessitait donc trois négatifs séparés) appartenant au British Film Institute. On parle donc ici d’une troisième génération et non du négatif original. Kino a par la suite géré un supplément de nettoyage numérique. Autant dire que l’on est très loin ici d’un début même de restauration. À tel point d’ailleurs que lors de deux passages bien précis, le master présente une jolie tâche mélangeant magenta et cyan ainsi qu’une belle griffure en forme de peigne tirant sur le vert (captures ci-dessous). Sans parler de pétouilles blanches qui parsèment le film telles de jolies tâches de rousseur sur le visage forcément angélique d’une rousse façon Marlène Jobert. Et pour revenir aux couleurs, disons que la précision n’y est pas de mise avec une nette tendance pour le vert à « baver », ce qui est propre à un mauvais alignement des trois négatifs très très sensibles aux ravages du temps. Une fragilité qui faisait aussi tout le charme de ce procédé qui ne pouvait proposer des images d’une très grande finesse de définition (toujours cette histoire des trois négatifs) donnant au procédé Technicolor cet aspect un peu vaporeux au charme indéniable. Un aspect dont il faut donc tenir compte quand on veut apprécier cette image devenue numérique aujourd’hui.

Les Amants du Capricorne

Les Amants du Capricorne

Quoi qu’il en soit, il faut se dire que revoir Les Amants du Capricorne ainsi est un véritable privilège. Et même si vous ne possédez pas de lecteur Blu-ray, l’achat du DVD qui sort en même temps reste vivement conseillé toujours eu égard à la qualité technique d’un autre temps du DVD édité par Universal.

Les Amants du Capricorne - Jaquette Blu-rayLes Amants du Capricorne (Under Capricorn – 1950) – Édition Collector Blu-ray

Réalisateur : Alfred Hitchcock
Éditeur : L’Atelier d’Images
Sortie le : 2 avril 2019

En 1835 Charles Adare, aristocrate anglais, retrouve chez son oncle, gouverneur à Sydney, sa cousine Harietta, mariée à Sam Flusky. Ce dernier explique à Charles qu’il a dû tuer le frère d’Harietta car il s’opposait à leur mariage…

Spécifications techniques :

  • Image : 1.33:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langues : Anglais et Français DTS-HD MA mono 2.0
  • Sous-titres : Français débrayables
  • Durée : 1h56min 56s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Un cinéma de signes : Hitchcock par Chabrol (1999 – SD – 29min 53s)
  • Présentation du film par François Truffaut au Ciné-Club de Claude-Jean Philippe (1975 – HD – 5min 08s)
  • Entretiens entre Alfred Hitchcock et François Truffaut (12min 40s – Audio – Traduction simultanée)
  • Entretien avec Patrick Brion (2018 – HD – 8min 56s)
  • Bande-annonce d’époque (HD – 1min 58s – VOST)

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