Elephant Man - Image une test Blu-ray

Elephant Man en Blu-ray issu de la nouvelle restauration 4K

Elephant Man est tout simplement le premier film de David Lynch a avoir les honneurs d’une sortie en Blu-ray 4K UHD. Mais on va réfréner un tantinet votre enthousiasme car nous n’allons pas en parler ici. Un papier spécifique devrait voir le jour sur le sujet dans les prochains jours / mois / siècles (rayez les deux premières mentions). Mais nous allons quand même vous causer de cette restauration 4K qui a servie comme nouveau master puisque le Blu-ray présent au sein de cette édition en a aussi profité. StudioCanal a eu comme souvent maintenant la super bonne idée de ne pas nous refourguer le Blu-ray édité en 2009 comme beaucoup d’éditeurs aiment à le faire pour des films de catalogue quand ils ressortent en Ultra Haute Définition.

Nous avons même droit à des bonus inédits qui viennent se rajouter à ceux déjà nombreux présents au sein de l’édition de 2009. De quoi définitivement nous motiver tout en profitant de cette occasion pour vous causer un peu dans le poste de ce deuxième long de Lynch qui est la fois une commande et une œuvre très personnelle. Elephant Man s’inscrit en effet dans le prolongement d’Eraserhead qui reste encore aujourd’hui une expérience de cinéma proche de l’Art absolu. À eux deux, ils signent l’acte de naissance d’un cinéaste qui n’a eu de cesse depuis de marquer son temps.

Elephant Man - Affiche France

Ceci étant dit, comment un premier long aussi radical, au tournage s’étalant sur presque trois ans par manque d’argent, au succès certes indéniable mais réservé à un cercle très restreint d’happy few, a pu permettre à un David Lynch trentenaire d’être le réalisateur d’une production distribuée par un Studio hollywoodien et financée par Mel Brooks ? Ben la chance pardi mais aussi la croyance en sa bonne étoile et surtout une baby-sitter. Kathleen Prilliman est en 1978 la petite amie de Chris de Vore qui a pondu avec Eric Bergren lors de leurs études en école de cinéma, un script basé sur la vie de John Merrick dit aussi « Elephant man ». Elle garde alors les enfants de Jonathan Sanger, assistant-réalisateur qui a bourlingué sur pas mal de films,  et lui remet ce scénario en se disant certainement que cela ne pourrait qu’aider son mec qui comme elle galère un peu en enchaînant les petits boulots.

Elephant Man - Jonathan Sanger

Comme le dit très bien Sanger lors d’une master class donnée en 2018 à la BFI et présent ici en guise de bonus inédit, il n’a pas pris la peine de le lire tout de suite. Mais mû par un sentiment de devoir et l’envie chevillée au corps de se plonger dans le métier de producteur, il se met enfin à le lire ou plutôt le dévore en une nuit pour se dire qu’il tenait là une putain d’histoire. Il retrouve très vite la trace de sa baby-sitter partie entre-temps vers un meilleur job et rencontre Vore et Bergren pour mettre une option (1 000 dollars pour 12 mois) sur leur script, à charge pour lui de trouver les sous afin de mener à bien le projet. Les deux compères acceptent sans sourciller avec juste la condition que si le film se faisait, ils gardaient la main sur l’écriture des éventuelles nouvelles versions. Sanger se met immédiatement à la recherche de personnes potentiellement en mesure de l’aider et fait lire le script à Stuart Cornfeld qu’il a rencontré sur le tournage du Grand frisson (High Anxiety – 1977), un pastiche pas toujours très fin des films d’Hitchcock signé Mel Brooks. Cornfeld était lui aussi un apprenti producteur (on lui devra par la suite La Mouche de Cronenberg et pas mal de films de Ben Stiller) qui avait fait la connaissance de David Lynch lorsqu’ils étaient étudiants à l’American Film Institute. Considérant Eraserhead comme un chef-d’œuvre, il s’était mis en tête de trouver les financements pour son deuxième long que Lynch avait écrit en quelques semaines. Mais l’histoire de Ronnie Rocket n’excite pas grand monde dans la profession et Lynch sans le sous qui bosse avec son père en tant que couvreur est prêt à tout pour continuer à travailler dans le cinéma.

Elephant Man - Mel Brooks

C’est là que Cornfeld lui parle de Elephant Man. La légende veut que Lynch ait été convaincu qu’il devait faire ce film à la seule mention du titre. Alors que Cornfeld et Sanger se mettent en quête de financements, le script tombe entre les mains de Mel Brooks qui cherche des projets pour lancer sa société Brooksfilms. Lui, le roi du pastiche et de la comédie parodique un peu grasse (à l’exception notables des Producteurs, son premier film derrière la caméra qu’il réalise en 1968) s’était mis en tête de casser son image en produisant des films aux ambitions artistiques propres à satisfaire l’intellectuel trop longtemps tapis dans l’ombre de ses succès hollywoodiens. Stuart Cornfeld avait en effet confié une copie du script à Anne Bancroft certainement dans l’espoir que si l’histoire lui plaisait, elle en toucherait un mot à son Mel Brooks de mari. À peine la lecture terminée qu’il se mettait en quête d’un réalisateur.

Elephant Man - David Lynch (© Frank Connor) © Frank Connor

David Lynch n’est bien entendu pas son premier choix. Si le nom lui est soufflé bruyamment dans l’oreille, c’est que Mel Brooks n’a jamais entendu parlé de lui et encore moins d’Eraserhead. Film que Brooks demande à voir histoire de se faire une idée du gus qu’on veut lui refourguer. Un épisode raconté avec beaucoup d’humour par Jonathan Sanger au sein du bonus déjà cité plus haut. Est alors organisé une projection privée où Lynch ne vint pas persuadé qu’il pouvait dire adieu à ses chances de réalisation. Une projection où Sanger raconte comment il s’est progressivement liquéfié sentant assis derrière-lui le souffle rauque de Mel Brooks sur sa nuque. Lui qui adorait le film n’avait en effet pas envisagé que c’était peut-être suicidaire de le montrer en guise de CV. Des craintes qui se sont avérées au final infondées tant Mel Brooks fut enchanté mais aussi marqué par ce qu’il découvrit pour ensuite donner carte blanche à David Lynch. Elephant Man est donc bien un film de commande mais où Lynch put prolonger son travail sur Eraserhead nanti d’un budget bien plus conséquent.

Elephant Man - John Hurt (© Frank Connor) Un petit thé John ? Non parce que là y en a encore pour 6 heures ! (© Frank Connor)

C’est ainsi qu’il a pu d’abord revoir l’histoire avec l’aide des deux scénaristes mais surtout avec l’aval de Brooks dont les remarques et les conseils ont donné à Elephant Man son aspect narratif définitif qui de simple biopic prenant place à Londres sous l’époque victorienne est devenu aussi une tragédie de l’intime aux accents romanesques. Sans oublier cette thématique déjà brillamment traitée par Browning en 1932 avec Freaks où le monstre n’est pas celui que l’on croit. C’est aussi grâce à Brooks qu’il a pu choisir et s’appuyer sur un casting british de premier ordre où seule se distingue l’actrice américaine oscarisée en 1963, Anne Bancroft. Oui la femme de Mel Brooks interprète une actrice de théâtre qui à la manière d’une mère qu’il n’a jamais connue,  prend sous son aile l’homme éléphant. Quant à John Hurt qui accepte de prendre littéralement à bras le corps le personnage  du Elephant Man, il était enthousiaste (à la différence des acteurs avant lui qui avaient décliné le rôle) à l’idée que personne ne puisse le reconnaître derrière les différentes couches de prothèse et de maquillage qui pouvaient prendre jusqu’à 8 heures à appliquer et autant à retirer. On apprend aussi au sein d’un entretien avec l’acteur datant de l’une des premières éditions DVD et repris inlassablement depuis, que le tournage d’Elephant Man s’est effectué alors que celui de La Porte du Paradis n’était pas encore terminé. Il restait en effet à mettre en boîte le fameux prologue qui coûtera au final aussi chère que le budget total d’Elephant Man.

Elephant Man - David Lynch (© Frank Connor)David Lynch sur le tournage d’Elephant Man entouré de ses freaks (© Frank Connor)

On retrouve aussi au rayon des bonus le documentaire de 30 minutes déjà présent au sein de l’édition Blu-ray de 2009, qui relate toutes les étapes de la production du film. C’est forcément plus complet que les paragraphes que vous venez de lire sans compter la présence en guise d’illustration de photos de plateau magnifiques. Ces clichés on les doit à Frank Connor que StudioCanal UK a eu l’excellente idée de rencontrer récemment donnant ainsi naissance au second bonus inédit de cette nouvelle édition. Celui qui a bourlingué sur pas mal de sets de films comme ceux de Michael Mann (Heat / Ali…) revient avec gourmandise sur son expérience du tournage d’Elephant Man. Le alors jeune premier que rien ne prédisposait vraiment à embrasser cette carrière, nous explique son cheminement pour décrocher ce job, ses méthodes de travail et surtout l’évolution de son métier au regard d’une industrie cinématographique dont il critique (gentiment) les évolutions. Des propos sincères et surtout passionnants illustrés par bon nombre de ses photos présentées dans une définition HD qui sied enfin au support. Quelques unes d’entre elles mettent d’ailleurs en valeur cette chronique d’exception…

Elephant Man - Frank Connor

Ce qui nous permet d’aborder cette restauration 4K effectuée depuis le négatif original, supervisée par David Lynch, étalonnée chez Fotokem LA et menée par L’Immagine Ritrovata. On est tout d’abord frappé par la différence de N&B entre les clichés de Connor qui ne sont certes pas représentatifs de la photo du film et ce gris et blanc adopté ici en guise d’étalonnage général. On a voulu du coup jeter un œil sur l’image du Blu-ray 2009 et force est de constater que si elle présente un cadre plus étriqué, des blancs par moment cramés et une définition moins évidente, on avait au moins droit à des contrastes plus appuyés et un N&B qui semblait faire honneur à la magnifique photo de Freddie Francis. Sans parler de la découverte du film au cinéma via une copie certes abimée dans un cinéma du quartier latin vers la fin des années 80 qui dans notre souvenir, lointain on en convient, présentait un N&B bien plus dure et tranché. Nous n’avons ici aucune prétention de vérité sinon celle d’affirmer que cette image, si elle semble convenir aux standards de la HD d’aujourd’hui avec son aspect dégrainé propre à écraser la profondeur de champs, a bien du mal à nous convaincre. On a d’ailleurs un peu peur que ce ressenti soit encore plus prégnant en 4K. En attendant, on vous laisse jeter un œil à nos captures cliquables au format natif ci-dessous.

Un mot enfin sur le son puisque là encore le Blu-ray présente une différence de taille avec celui de 2009 et l’abandon en VO de l’encodage 5.1. On ne sait si Lynch a eu la possibilité de filmer, mixer et faire projeter son film en Dolby Stéréo (IMDB annonce un Sound Mix Mono  et l’affiche française indique bien le logo Dolby Stéréo) mais le fait est que StudioCanal nous propose dorénavant et uniquement un DTS-HD MA 2.0 stéréo. À l’écoute cela donne de toute façon quelque chose de bien plus naturel que le 5.1 qui faisait loi depuis les débuts du DVD. Le travail sur les ambiances sonores comme ces bruits sourds répétés que l’on peut assimiler à celui d’une usine au loin, sont ainsi bien plus directifs et participent pleinement à cette atmosphère un peu anxiogène de cette ville en pleine révolution industrielle. Le tout est dans la droite lignée des expérimentations sonores d’Eraserhead que l’on doit déjà à Alan Splet qui suivra encore Lynch sur Dune et Blue Velvet. En 2009, le Blu-ray ne nous donnait que le choix d’un encodage en DTS-HD MA 5.1 alors qu’ici nous n’avons droit qu’à du DTS-HD MA 2.0 stéréo. Qu’à cela ne tienne puisqu’on l’aura compris, notre préférence va sans l’ombre d’une hésitation à ce 2.0 qui au-delà de sa fidélité anxiogène mentionnée plus haut ne souffre d’aucune emphase artificielle ou à l’opposé d’aucune des distorsions et autres contorsions sonores que l’on pouvait ressentir à l’écoute de l’encodage en 5.1. C’est même à la limite de l’épure tout en étant ciselé et précis. La VF quant à elle ne bouge pas. Cela reste du mono 2.0 étriqué et étouffé alors même que le doublage est de qualité.

Elephant Man - John Hurt et David Lynch (© Frank Connor) Bon là tu te souviens c’est ta scène Patrick McGoohan façon générique de la série du Prisonnier Sois bon mon John ! (© Frank Connor)

Dernière chose, l’édition UK semble bénéficier d’un livret qui lors de son passage sous la Manche a disparu. Qu’à cela ne tienne puisque Carlotta qui devait ressortir le film en salle en mars 2020 (reportée pour cause de Covid-19) avait prévu de filer un petit livre plus que complet intitulé Tous des monstres à chaque spectateur. Il est signé Alexandre Prouvèze et il a grandement inspiré et guidé cette chronique. En cliquant ici vous pourrez le parcourir intégralement. On dit merci qui ?

Elephant Man - Jaquette Blu-rayElephant Man (The Elephant man – 1980) – Édition boîtier SteelBook Blu-ray

Réalisateur : David Lynch
Éditeur : StudioCannal
Sortie le : 8 avril 2020

Un jeune et brillant chirurgien, Treves, rencontre dans le spectacle d’un cirque victorien un homme si hideusement déformé qu’il est condamné à vivre la vie dégradante de phénomène de foire. Il s’agit de John Merrick, connu des publics de cirque dans tout le pays comme « L’homme éléphant ». Bien que Merrick ne puisse être guéri, Treves se bat pour le délivrer de la misère de son environnement, et pour lui donner une vie digne et confortable…

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 2.35:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langues : Anglais et allemand DTS-HD MA 2.0 stéréo (48 kHz / 24-bit). Français DTS-HD MA 2.0 mono
  • Sous-titres : Français et allemand. Anglais pour sourds et malentendants
  • Entretien avec Frank Connor, photographe de plateau (inédit – 25min 15s – HD – VOST)
  • Questions / réponses avec le producteur Jonathan Sanger filmé au British Film Institute le 18 janvier 2018 (inédit – 24min 14s – HD – VOST)
  • Durée : 2h 03min 06s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus (HD – VOST) :

  • Entretien avec David Lynch (24min 49s)
  • Entretien avec John Hurt (20min 14s)
  • The Air is on Fire : entretien avec David Lynch par Michel Chion à la Fondation Cartier en 2007 (14min 50s)
  • Joseph Merrick, le vrai Elephant Man : reportage de John Morrison (19min 53s)
  • Galerie photos
  • Interview de David Lynch par Mike Figgis (19min 47s)
  • Le Terrible Elephant Man à découvert : documentaire (2001 – 30min 02s)

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Une réflexion sur « Elephant Man en Blu-ray issu de la nouvelle restauration 4K »

  1. Par rapport à l’ancien master sans aucun doute artificiellement accentué, c’est sûr que le grain parait amondri, sauf qu’en pratique, la granulosité des 2 masters est très similaire (aux bidouillages anciens près).

    Quant à l’étalonnage, il est en fait (à de rares exceptions près) très similaires en tons à celui de 2009, à ceci près qu’il ne vient plus crâmer les blancs. Vos comparaisons 1, 3, 5 et 6 le montrent.

    Enfin, la page IMDB indique un mixage mono, mais le générique du film se conclut bien par le logo Dolby Stéréo… ce qui explique probablement pour la VO 2.0 est bel et bien du Dolby Stéréo, matrixable en 5.1 en activant le Dolby ProLogic sur son ampli ! 😉

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