Rolling Thunder - Image Une

Rolling Thunder en Blu-ray : Légitime édition

Rolling Thunder (Légitime violence en VF) fait partie de ces films que l’on (re)découvre depuis peu, eux qui ont été injustement et bien trop rapidement mis au rebut par une génération de cinéphiles alors peu enclins à leur donner une chance. Son retour en grâce, comme beaucoup de cette production dite d’exploitation des années 70, est bien entendu une très bonne chose d’autant que Rolling Thunder en est le haut du panier et constitue à lui seul le témoignage d’une époque où filmer relevait quasiment de l’ordre du survival.

Affiche US - Rolling Thunder

Alors bien entendu, il ne faudrait pas tomber aujourd’hui dans l’hystérie inverse en idolâtrant uniquement et dans son intégralité ce pan de cinéma autrefois ignoré. Ce vers quoi une bonne partie de la génération actuelle, uniquement obnubilée par une sorte de devoir de mémoire biaisée, tend malheureusement. Un mouvement dont le leader n’est autre que Quentin Tarantino qui au passage adore ce film (c’est d’ailleurs pour lui rendre hommage qu’il a nommé sa société Rolling Thunder Pictures) et en particulier son climax final, mais qui à la différence de bon nombre de ses suiveurs, a sauté le rubicond d’autres cinémas pour étancher sa soif de cinéphage insatiable. Un film comme Rolling Thunder ne vient en effet pas de nulle part. Son réalisateur John Flynn a forcément été influencé par des films qu’il a aimés. Des classiques, des trucs déviants, des navets underground, tout cela à la fois… Le cinéma ne doit jamais être réduit à des courants de pensées ou des dogmes à la mode du moment et Rolling Thunder n’échappe pas à ce constat. L’accepter et toujours creuser pour sans cesse remettre les choses en question c’est aller au-delà de l’héritage critique et cinéphilique de nos prédécesseurs dans le but évident de tuer le père mais aussi pour l’enrichir.

Rolling Thunder - Cover du livre signé Philippe GarnierCouverture du livre inclus au sein de cette édition

Et quelque part WildSide, l’éditeur de ce beau Blu-ray, l’a très bien compris. Lui qui dans cette collection incluant un bouquin n’avait jusqu’ici proposé que des classiques du 7ème Art (ou considérés comme tel), se jette quelque peu à l’eau en y introduisant en force un film qui en a certes les qualités intrinsèques depuis le début mais dont la thématique principale de revenge movie le prédisposait plus à hanter indéfiniment les « Drive In ». C’est qu’avec le temps, on s’est rendu compte que Rolling Thunder était aussi le premier film à aborder avec autant de lucidité et de frontalité ce que l’on appelle aujourd’hui le trouble de stress post-traumatique que subissent les soldats de retour du front. Et ce, avant un certain Voyage au bout de l’enfer. C’est dire si le film de John Flynn disposait d’atouts non négligeables pour devenir le testament d’une décennie qui a tuée au napalm les derniers idéaux survivants à l’assassinant de Kennedy.

Au-delà de cet aspect histoire de cinéma, Rolling Thunder c’est donc aussi un pur film de vengeance qui fait naître en nous spectateur une animalité parfaitement orchestrée par son réal à l’aise dans la propension à faire monter la tension jusqu’au carnage final d’une rare violence. Pour autant, ce qui précède n’est pas en reste en termes d’explosions bestiales. À commencer par cette main broyée dans l’évier qui porte à son apogée toute la séquence du « home invasion » où notre anti-héros et ancien prisonnier de guerre tout juste rentré du Vietnam se fait cambrioler par une bande de patibulaires mais presque (à leur tête l’acteur James Best qui deux décennies plus tard incarnera le shérif Rosco P. Coltrane dans la série jouissivement nanarde The Dukes of Hazzard qui fera les beaux jours de la Cinq sous le titre Shérif, fais moi peur) qui termineront le travail en assassinant sa petite famille. Ce qui distingue Rolling Thunder des autres films similaires de cette époque est sa mise en scène froide, limite à l’état d’épure. La direction d’acteurs est à l’avenant avec d’ailleurs un Tommy Lee Jones dont c’est ici le premier rôle marquant au cinéma. À sa droite c’est William Devane que la Fox avait imposé à Flynn en pensant avoir dégoté là une future super star. Le fait est que l’acteur a bien bourlingué depuis mais surtout en télé où on le voit souvent endosser le costume de Président des États-Unis (Stargate SG-1, 24 heures chrono…). Un joli paradoxe quand son personnage ici se fout totalement de l’ordre établi.

Rolling Thunder - William Deveane

Ce qui frappe aussi dans Rolling Thunder, c’est le magnétisme animal qu’il dégage plus que jamais aujourd’hui. L’explication vient du montage sec et abrupt où la violence montrée n’est jamais complaisante même si l’on aurait tant aimé découvrir le fameux plan du moignon déchiqueté toujours dans la séquence du cambriolage (oui on assume). Un plan qui était présent lors d’un premier montage montré au cours d’une projection test dans la ville de San Jose devenu légendaire depuis à cause des réactions violentes qu’il suscita au point d’en venir aux mains avec les représentants de la Fox présents dans la salle. Sur une des preview cards (en possession de Lawrence Gordon, le producteur) que l’on remet au public pour donner leur avis, on a pu lire la phrase suivante : « Je préfèrerais amener ma grand-mère voir Gorge Profonde ». Un déferlement de violences physiques et épistolaires qui décida d’ailleurs le Studio à ne pas le distribuer en l’état et le film d’échoir finalement chez American International Pictures, compagnie indépendante spécialisée dans les doubles affiches de drive-in comme le précise Philippe Garnier dans le livre présent au sein de cette édition. Et puis Rolling Thunder a pour parrain un certain Paul Schrader qui est l’auteur en 1973 du premier scénario qu’il devait au demeurant réaliser. Mais le scénariste de Taxi Driver attendra 1978 et Blue Collar pour devenir cinéaste.

Rolling Thunder - John Flynn Lawrence-gordon William DevanePhoto extraite du livre présent au sein de cette édition

D’après Garnier, ce premier jet tenait du brûlot nihiliste avec des protagonistes à peine esquissés. Le « Bad ass movie » dans toute sa splendeur où la vengeance n’était que le seul moteur du film s’est donc transformé  sous les plumes de Heywood Gould (il sera aussi le scénariste de Ces Garçons qui venaient du Brésil ou de Cocktail qu’il adaptera de son propre livre) et John Flynn en quelque chose de plus fouillé et complexe où les acteurs disposent d’un background pour élaborer les motivations de leur personnage. Ce qui explique aussi pourquoi Rolling Thunder sort du lot, lui qui a su brouiller les pistes de ses origines (il s’est même appelé Driving Hard lors du tournage pour tromper les syndicats locaux comme le précise Garnier) pour devenir ce film mutant dont l’écho résonne toujours plus fort. Garnier insiste aussi sur le côté dramatique du film où la mort n’est pas traitée façon « Expendables ». Elle a un sens ici. Elle procède d’une réflexion. Mais ensuite quand la sulfateuse se met en branle, que l’on se rassure, l’écran est bien nettoyé, jusque dans les coins.

Rolling Thunder - John Flynn et Lawrence GordonLe producteur Lawrence Gordon et le réalisateur John Flynn

Le texte de Philippe Garnier revient donc sur une production passionnante entrecoupées d’informations de premières mains obtenues directement des protagonistes du film. Rencontres au demeurant facilitées par la fille de John Flynn qui lui fait aussi part de ses propres souvenirs d’enfance sur le tournage (elle en profite pour lui dire qu’elle fait même une furtive apparition dans la foule qui accueille les soldats revenus du Vietnam lors du générique du début).

Vanessa Flynn - Rolling ThunderLa fille du cinéaste se tient juste à côté de la pancarte et semble regarder son père derrière la caméra.

Entres toutes, il y aura celle avec le légendaire et alors jeune producteur Lawrence Gordon à qui l’on devra par la suite des films tels que Les Guerriers de la nuit, 48 Heures et sa suite, Die Hard ou plus récemment Hellboy. Cela pose un tantinet un personnage avec lequel Garnier a donc pu s’entretenir pour donner un bonus vidéo épatant capté dans les bureaux même  du nabab. À presque 80 ans le bonhomme est encore plus que vaillant, bosse toujours avec autant de passion et se remémore avec enthousiasme ce début des années 70 qui l’a donc vu porter quasi à bout de bras un film dont il savait qu’il lui vaudrait des ennuis.

Rolling Thunder - Linda HaynesLinda Haynes

Il y a un autre bonus vidéo au sein de cette édition. Il n’est pas inédit comme celui avec Lawrence Gordon puisqu’il était présent dans l’édition UK de chez StudioCanal parue en janvier 2012. Il s’agit d’un entretien avec Linda Haynes qui joue la groupie attirée par les officiers. Garnier donne d’ailleurs quelques précisions sur la façon dont elle a décroché le rôle au milieu d’une centaine de filles. Quant à Linda, elle se rappelle avec amusement du tournage, elle qui a depuis longtemps tourné le dos à Hollywood. Refusant même de jouer dans un épisode d’Urgence réalisé par Tarantino qui en tant que fan du film voulait la faire revenir sur le devant de la scène au même titre qu’une Pam Grier dans Jackie Brown. Mais comme elle le dit spontanément, le cinéaste n’avait pas alors la renommée qui est la sienne aujourd’hui.

On pourrait alors, heureux comme tout, ranger cette belle édition et y revenir de temps à autre pour relire un passage du livre ou se revoir la bande-annonce proposée en HD, excusez du peu. Mais ce serait aller un peu vite en besogne et passer injustement sous silence la découverte d’une part d’un master qui sans coup férir jette aux oubliettes celui découvert au sein de l’édition anglaise et d’autre part la possibilité de (re)découvrir la version française plus courte originellement distribuée chez nous en VHS. Celle-ci fait d’ailleurs l’objet d’un texte très détaillé inséré à la fin du livre (entre plusieurs photos d’exploitations magnifiques) signé Giordano Guillem qui est responsable des restaurations chez WildSide. Texte que nous remontons ci-dessous dans son intégralité.

Rolling Thunder - Légitime Version

VHS Cover origine France - Légitime ViolenceJaquette de l’édition VHS française éditée par RCV trouvée sur le site vhsdb.org

En résulte une édition qui propose la version dite courte (au passage, la seule disponible sur le DVD) ainsi que la version intégrale qui sera donc entrecoupée de scènes non doublées si vous décidez de la visionner en VF. On ne saurait de toute façon vous recommander de voir le film en VOST. Bon, déjà parce que l’encodage en DTS-HD MA mono 2.0 est remarquable et permet de retranscrire une bande son somme toute pêchue même si forcément très frontale, mais surtout parce que la traduction de l’époque se permet pas mal de digressions qui finissent par altérer un tantinet le sens du film. Un exemple. En anglais, l’homme (le shérif local) qui a quelque peu remplacé notre Major Charles Rane durant sa longue capture au Vietnam dans le cœur de sa femme mais aussi de son fils qu’il n’a plus vu depuis ses 18 mois, le surnomme « microbe ». En VF ce n’est pas le cas. D’ailleurs tout espèce de surnom ou autre sobriquet a complètement disparu. Pourquoi pas. Mais vers le premier quart du film survient une explication que l’on pourrait qualifier de virile entre les deux hommes (mais pas dans le sens premier que cette affirmation pourrait laisser penser de prime abord) à l’issue de laquelle le Major demande à ce que l’amant de sa femme n’appelle plus son fils microbe. En VF le terme employé est voyou (sic), mais comme le shérif ne l’avait jamais employé auparavant, le dialogue n’a pour le coup aucun sens…

Quant au master évoqué un peu plus haut, il n’est certes pas sans reproches. On en veut pour preuve deux passages bien marqués où l’on pourra constater de bien disgracieuses tâches jaunes.

Rolling ThunderQuart droit de l’image de 44min 16s à 44min 41s (très visible sur le bleu du ciel)

Rolling ThunderQuart droit de l’image de de 1h 23min 42s  à 1h 23min 50s (très visible sur le blanc de la capote)

Pour autant, comme la aussi précisé plus haut, on est un cran très au-dessus du master StudioCanal de l’édition UK. Celui-ci était parsemé de points blancs et de griffures pellicules très visibles. Il comporte aussi les deux passages sus-cités tâchés de jaune. De plus, le transfert était un peu faiblard avec des contrastes à l’avenant et une colorimétrie d’ensemble assez délavée. Ici tout cela est corrigé  avec un gain non négligeable tant dans la définition que dans la dynamique plus naturelle. On précisera tout de même qu’il ne semble pas s’agir ici d’un master restauré. Tant pis et tant mieux car quelque part Rolling Thunder garde ainsi son millésime visuel un peu craspec propre à cette époque et aux limites techniques d’un film à petit budget. Pour finir en beauté, un petit jeu de captures comparatives entre les deux éditions, histoire de…

Rolling Thunder - Blu-ray UKBlu-ray UK édité par StudioCanal

Rolling ThunderBlu-ray WildSide

Rolling Thunder - Blu-ray UKBlu-ray UK édité par StudioCanal

Rolling ThunderBlu-ray WildSide

Rolling Thunder - Blu-ray UKBlu-ray UK édité par StudioCanal

Rolling ThunderBlu-ray WildSide

Rolling Thunder - Blu-ray UKBlu-ray UK édité par StudioCanal

Rolling ThunderBlu-ray WildSide

Rolling Thunder - Blu-ray UKBlu-ray UK édité par StudioCanal

Rolling ThunderBlu-ray WildSide

Rolling Thunder - Blu-ray UKBlu-ray UK édité par StudioCanal

Rolling ThunderBlu-ray WildSide

Rolling Thunder - Blu-ray UKBlu-ray UK édité par StudioCanal

Rolling ThunderBlu-ray WildSide

Rolling Thunder - Blu-ray UKBlu-ray UK édité par StudioCanal

Rolling ThunderBlu-ray WildSide

Rolling Thunder - Blu-ray UK Blu-ray UK édité par StudioCanal

Rolling ThunderBlu-ray WildSide

Enfin, on s’en voudrait de passer sous silence la disponibilité toujours chez WildSide du Blu-ray de Pacte avec un tueur que nous n’avons pas manqué de chroniquer. Sans oublier The Outfit, un autre film que John Flynn réalise en 1973, et que WildSide a sorti fin 2013 uniquement en DVD cette fois-ci mais accompagné là aussi d’un livre signé Philiphe Garnier.

Image : 3,5/5
Son : 4/5
Bonus : 4/5

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

 

Rolling Thunder – Édition Blu-ray + DVD + Livre

Éditeur : Wild Side Video
Date de sortie : 8 juillet 2015

Rolling Thunder - Packshot Blu-ray

Spécifications techniques Blu-ray :
– Image (Master restauré) : 1.85:1 encodée en AVC 1080/24p
– Langues : Anglais & Français DTS-HD MA 2.0
– Sous-titres : Français
– Durée : 1h40 (version originale) / 1h34 (version courte)
– 1 BD-50

Spécifications techniques DVD :
– Image (Master restauré) : 1.85:1, 16/9 compatible 4/3
– Langues : Anglais DTS et DD 2.0, Français DD 2.0
– Sous-titres : Français
– Durée : 1h 34 (version courte)
– 1 DVD-9

Bonus (VOST) :
– Entretien inédit et exclusif avec le producteur Lawrence Gordon (28min54s, SD)

Rolling Thunder - Lawrence GordonEddie Murphy et Lawrence Gordon
– Entretien avec l’actrice Linda Haynes (10min03s, SD)
– Spot TV (34s, DTS 2.0, SD)
– Bande-annonce (2min06s, DTS 2.0, HD)


Un livre exclusif de 128 pages de Philippe Garnier sur le tournage, illustré de photos et de documents d’archives rares.

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