Invasion Los Angeles : Du Blu-ray allemand à l’édition française

Quand John Carpenter réalise Invasion Los Angeles, il sort tout juste de Prince des ténèbres qu’il commet pour moins de 4M de dollars. Non qu’il s’agissait là d’une volonté mais bien d’une contrainte suite à l’échec commercial de Jack Burton. Avec Invasion Los Angeles les données du problème sont inchangées. Si Big John veut continuer à tourner, il faut se serrer la ceinture et s’associer avec des structures dites indépendantes. Le fait est que le réalisateur de Halloween, New York 1997 et autres productions iconoclastes dont il a le secret ne se sont pas fait autrement que dans une économie de moyens de tous les instants avec cette sensation permanente à l’image que chaque plan pourrait être le dernier.

Invasion Los Angeles - Affiche française

They Live - Affiche US

Non que Starman ou justement Jack Burton dans les griffes du mandarin, films de Studios comme on le sait, ne soient pas des réussites (Starman se doit d’être revu et revu. Il ne doit plus être placé en marge de la filmo du cinéaste) mais il faut croire que l’univers carpentérien a besoin de se trouver au pied du mur pour accoucher de pépites à la noirceur toute nihiliste ou comme ici d’un film guérilla et prophétique qui n’est pas sans rappeler Assaut. C’est d’ailleurs ce qui caractérise d’abord Invasion Los Angeles. Une forme de retour aux sources doublée d’une rage intacte pour ce qui est de dénoncer les travers de la société américaine vus d’en bas. On est en 1988 et l’administration Reagan a définitivement gangrené le pays en prônant une économie capitaliste sans quasiment plus aucun garde-fous. On appelle cela l’ultra libéralisme ou « reaganomics » et plus que jamais on en paye le prix aujourd’hui. Les premiers à subir de plein fouet cette doctrine réservée aux déjà puissants sont les classes populaires (viendront ensuite les classes moyennes) qui sont jetées à la rue pour venir grossir le flot des laissés-pour-compte. Là-bas on appelle cela des losers. Et aux yeux des ricains, Carpenter en fait partie.

John Carpenter

John CarpenterCaptures extraites de la présentation du film sur le DVD de 2003

Les premiers plans d’Invasion Los Angeles sont à ce titre évocateurs en montrant pleine face et en 2D cette population zombiesque qui hante les rues de la cité des anges. Ces « hobos » ne sont pas nouveaux dans le cinéma américain, mais Carpenter n’hésite pas à en faire son décor naturel et permanent. Parmi eux, il y a John Nada. Tel un cow-boy sans cheval, le voici arpentant les artères de la ville, sac au dos, outils dans la poche extérieure à la recherche d’un chantier. Mais dans cette Amérique là, il n’y a plus rien à construire… ou presque. Comme son patronyme l’indique, il n’est rien, plus rien. Son pays n’a plus besoin de lui mais lui y croit encore (tout du moins au début). Le mythe de L’American Dream est tenace. Le Scope de Carpenter capte tout cela avec une majesté de fin des temps et la photo blafarde en précise le compte à rebours.

Invasion Los Angeles - Bonus Blu-ray

Et puis John (le catcheur canadien Roddy Piper dont c’est sans aucun doute ici le rôle de sa vie) va découvrir l’envers de tout cela et Carpenter de choisir alors la SF pour montrer ce qui ne va pas selon lui dans son pays. Personne n’est dupe mais le propos en devient évidemment plus fort. Le cinéaste a bien compris que pour faire passer son message, il n’y a rien de mieux que de détourner les codes. On entre de plain-pied en pays contrebandier et ce qui apparaît dorénavant comme une allégorie fait mouche mais surtout interpelle plus que jamais aujourd’hui par sa vision incroyablement précise de ce qui nous attendait. Invasion Los Angeles mute alors en une sorte de film manifeste où la musique lancinante une nouvelle fois signée par le cinéaste et reconnaissable entre toute, finit de lui donner la patine d’une œuvre définitive pour ne pas dire l’une des plus importantes de ces trois dernières décennies.

John Carpenter sur le tournage de Invasion Los Angeles

On croit savoir que Carpenter a un faible pour ce film. Comme on le comprend. Pour autant, Invasion Los Angeles n’a jamais eu les honneurs d’un DVD « définitif ». Encore que nous ne sommes pas à plaindre avec une édition collector parue en 2003 chez StudioCanal qui si elle pêchait niveau technique avec une image très peu convaincante, proposait toutefois un éditorial fort satisfaisant surtout au regard du néant abyssal qu’offrait alors les deux éditions américaines de l’époque. Les choses ont depuis bien changé outre-atlantique puisque l’éditeur Shout Factory est passé par là avec un Blu-ray paru en 2012 avec moult bonus inédits. Ceux-ci sont repris dans leur intégralité pour cette édition allemande estampillée StudioCanal et seront bien présents dans l’édition française prévue le 1er septembre prochain. On saluera cette heureuse initiative de StudioCanal qui nécessite donc une petite revue de détails.

Tout d’abord précisons qu’un panneau apparaît dès que la galette est introduite dans le lecteur. Celui-ci propose de choisir entre Allemagne / France ou UK. Autant dire tout de suite qu’on a sous les yeux l’édition française à venir.

Commençons donc d’entrée par l’aspect technique avec un master certainement restauré mais qui reste perfectible. Il permet tout de même un transfert de qualité où le scope prend vraiment tout son sens. La photo très tranchée est enfin respectée, les contrastes font plaisirs à voir tout en restant bien maîtrisés lors des séquences diurnes et on redécouvre les couleurs mais surtout le N&B des séquences « extra-terrestres ». La définition fait bien entendu un bon en avant et on ne note aucun travail de polissage de l’image via du Edge enhancement par exemple. Pour le plaisir, un petit comparatif ci-dessous avec l’image du DVD collector StudioCanal de 2003.

Cliquez sur les captures ci-dessous pour les visualiser dans leur format d’origine respective

Invasion Los Angeles - Capture Blu-ray 2015Blu-ray

Invasion Los Angeles - Capture DVD 2003DVD – Édition Collector 2003 StudioCanal

Invasion Los Angeles - Capture Blu-ray 2015Blu-ray

Invasion Los Angeles - Capture DVD 2003DVD

Invasion Los Angeles - Capture Blu-ray 2015Blu-ray

Invasion Los Angeles - Capture DVD 2003DVD

Invasion Los Angeles - Capture Blu-ray 2015Blu-ray

Invasion Los Angeles - Capture DVD 2003DVD

Invasion Los Angeles - Capture Blu-ray 2015Blu-ray

Invasion Los Angeles - Capture DVD 2003DVD

Invasion Los Angeles - Capture Blu-ray 2015Blu-ray

Invasion Los Angeles - Capture DVD 2003DVD

Invasion Los Angeles - Capture Blu-ray 2015Blu-ray

Invasion Los Angeles - Capture DVD 2003DVD

Invasion Los Angeles - Capture Blu-ray 2015Blu-ray

Invasion Los Angeles - Capture DVD 2003DVD

Invasion Los Angeles - Capture Blu-ray 2015Blu-ray

Invasion Los Angeles - Capture DVD 2003DVD

Invasion Los Angeles - Capture Blu-ray 2015Blu-ray

Invasion Los Angeles - Capture DVD 2003DVD

Shout Factory propose une piste anglaise en DTS-HD Master Audio 5.1. Il faudra se contenter chez nous d’un encodage DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo tant en anglais qu’en français. Un choix étonnant surtout quand on sait que le DVD StudioCanal proposait un DD 5.1 dans les deux langues (en plus d’un DD 2.0 stéréo en anglais et d’un DD mono en français). En soi, ce n’est pas dommageable puisque de toute façon même en 5.1, on est loin d’être en face d’un mix immersif. Tout se passe à l’avant et cela met de surcroît magnifiquement en valeur la BO de Carpenter. On optera sinon pour la VO tant la VF offre un dynamisme très en retrait et des dialogues par moment qui ont du mal à se faire entendre.

Verso DVD 2003 d'Invasion Los Angeles

En guise de compléments, on vous conseille d’entrée de garder votre DVD Collector si toutefois vous en aviez fait l’acquisition en 2003. En effet cette édition Blu-ray ne reprend pas la présentation du film par Carpenter plutôt intéressante ni le fameux documentaire sur le réalisateur réalisé par Sébastien de Sainte Croix. Il s’agissait d’un film de fin d’études dans le cadre de la Fémis où Sébastien avait suivi un cursus de monteur. D’un peu plus de 40 minutes, il avait pour fil rouge un entretien au long cours avec le réalisateur illustré par des extraits de films mais surtout par des images qu’avaient ramené Sébastien d’un voyage aux États-Unis où il était revenu sur des lieux cultes de certains tournages comme  le phare de Fog ou l’église de Prince of Darkness. Depuis Sébastien est devenu un monteur expérimenté et recherché et ce film est une petite pépite que StudioCanal n’a certainement pas pu remettre en avant pour des problèmes de droits.

Livret présent au sein de l'édition DVD d'Invasion Los Angeles

On perd enfin le livret signé par la journaliste (devenue depuis écrivaine) Hélène Frappat qui collaborait alors aux Cahiers du Cinéma et avec qui StudioCanal s’était associé pour réaliser cette édition (ainsi que pour les trois autres titres du cinéaste qu’elle détient à son catalogue que sont NY 1997, Prince des ténèbres et The Fog). C’était l’époque (débutée vers la fin des années 90) où le magazine opérait une mue à 180° degré en réhabilitant des cinéastes sur lesquels elle avait initialement et toujours vomi. C’était très drôle.

Bonus Invasion Los Angeles

On retrouve par contre le formidable commentaire audio certainement initié en son temps par StudioCanal où Jonh Carpenter et Roddy Piper s’en donnent à cœur joie en revoyant le film. Les souvenirs remontent à la surface. Les anecdotes fusent. La bonne humeur est le maître mot. La nostalgie aussi, surtout pour Roddy qui confesse à demi mot que c’est là son meilleur souvenir de tournage tout en ne tarissant jamais assez d’éloges (que l’on devine sincère) sur Carpenter et son partenaire à l’écran Keith David. L’autre supplément que l’éditeur reprend de son édition DVD est la featurette d’époque qui montre des images de tournage passionnantes à décrypter mais qui ne met l’accent que sur le film d’action reléguant aux oubliettes son aspect critique acerbe de la société américaine.

Roddy Piper sur le tournage d'Invasion Los AngelesRoddy Piper sur le tournage d’Invasion Los Angeles (capture issue de la featurette d’époque)

Le reste est de l’ordre de l’inédit de par chez nous. Ainsi la notule intitulé Libres pensées donne la parole en 10 minutes à Carpenter qui revient d’une manière un peu factuel sur quelques aspects du tournage. On n’y apprend pas grand chose mais cela fait toujours plaisir de revoir Carpenter nous parler de ses films. Il y a aussi un très court entretien avec Meg Foster qui n’a pas grand chose à dire de toute façon mais quelle classe ! Beaucoup plus intéressant sont les 11 minutes consacrées à l’image et au son du film avec comme intervenants le directeur de la photo du film Gary B. Kibbe, le coordinateur des cascades Jeff Imada qui a géré le fameux combat de malade entre Piper et David et le co-compositeur de la musique Alan Howarth. Enfin Keith David justement revient en une dizaine de minutes sur le film mais aussi sur sa carrière d’acteur qui reste indéfiniment associée à celle de Carpenter. L’homme est un peu amer tout en retenant tout de même la joie et la fierté d’avoir tourné avec un cinéaste qui lui est chère. Enfin, la sympathique curiosité de cette édition se niche dans un petit montage où l’on retrouve toutes les pubs dans leur montage intégral qui sont disséminées tout au long du film. Elles rappellent quelque part ce que Verhoeven avait fait sur RoboCop.

Bonus Blu-ray InavsionLos Angeles

Jeff Imada - Invasion Los Angeles

Jeff Imada - Invasion Los Angeles

Gary B. Kibbe - Invasion Los Angeles

Gary B. Kibbe directeur de la photo sur Invasion Los Angeles   Alan Howarth - Invasion Los Angeles

Alan Howarth - Bonus Blu-ray Invasion Los Angeles

Il est évident qu’avec cette édition, on se rapproche sans conteste du label dit définitif sans que pour autant il faille jeter aux orties le DVD Collector de 2003. Et puis de toute façon, il n’est pas certain que l’on aura mieux dans les années à venir. Ne boudons donc pas notre plaisir d’autant que la revoyure incessante ou la découverte d’Invasion Los Angeles est juste essentielle.

Image : 3,5/5
Son : 4/5
Bonus : 4/5

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Sie Leben (They Live / Invasion Los Angeles) – Édition Blu-ray

Éditeur : StudioCanal Video
Date de sortie : 16 avril 2015

Spécifications techniques :
– Image : 2.35:1 encodée en AVC 1080/24p
– Langues : Anglais, français et allemand DTS-HD MA 2.0 stéréo
– Sous-titres : Français, anglais (sourds et malentendants), allemand
– Durée : 1h34
– 1 BD-50

Packshot Blu-ray allemand Invasion Los Angeles

Bonus (VOST) :
– Commentaire audio de John Carpenter et Roddy Piper
– Libres pensées : entretien avec Jonh Carpenter (10min07s, HD)

John Carpenter - Bonus Blu-ray d'Invasion Los Angeles
– Woman of mystery : entretien avec Meg Foster (5min20s, HD)

Meg Foster - Bonus Blu-ray d'Invasion Los Angeles
– L’image et le son d’Invasion Los Angeles (11min14s, HD)
– Man Vs Aliens : entretien avec Keith David (11min12s, HD)

Keith David - Bonus Blu-ray d'Invasion Los Angeles
– Bandes annonces (4 spot tv 1min56s, SD)


– Les pubs d’Invasion Los Angeles (2min24s, SD)
– Featurette (8min02s, SD)
– Livret en allemand produit par le mag Zombie

2 réflexions sur « Invasion Los Angeles : Du Blu-ray allemand à l’édition française »

  1. Sur le Blu ray la VF est en DTS HD 2. 0 mono pas stéréo comme sur la Version originale et allemande.

  2. Nous n’avons plus le disque mais si j’ai à l’époque mentionné de la Stéréo sur la VF c’est que cela devait être le cas ;o) Mais de mémoire elle est de toute façon beaucoup moins efficace que la VO, cela peut donc laisser penser que l’on est face à du mono d’autant que le DVD ne proposait que cela. Donc on va dire que le doute est permis ;o)

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