Room : Captifs

Room raconte l’histoire d’une jeune femme séquestrée dans une pièce exiguë avec son petit bonhomme venu au monde suite aux multiples viols perpétrés par son ravisseur. Quand le film réalisé par Lenny Abrahamson commence, cela fait près de 10 ans qu’elle a été kidnappée et presque autant de temps qu’elle ne cesse de penser à s’enfuir afin de permettre à son fils de 5 ans de vivre enfin libre. En attendant, elle lui invente un monde fantastique et lui lit chaque soir l’histoire du Comte de Monte Cristo d’Alexandre Dumas qui parvint à s’échapper d’une prison après des années de réclusion.

Room - Affiche

Room est l’adaptation du best-seller signé Emma Donoghue qui s’est d’ailleurs chargée d’en écrire le scénario. Si celle-ci a toujours nié s’inspirer de quelconques faits réels, on ne peut s’empêcher de penser ici à la fameuse affaire Fritzl du nom d’Elisabeth Fritzl, une Autrichienne de 42 ans qui en avril 2008 révéla qu’elle fut séquestrée et violée pendant 24 ans par son père. Durant cette période, elle donna naissance à 7 enfants dont l’un mourut en couche. Emma Donoghue ne semble pas avoir voulu aller aussi loin dans l’horreur préférant donc circonvenir son récit au seul triangle kidnappée / ravisseur / enfant. C’est en soit compréhensible tant il est déjà difficile pour le commun des mortels d’accepter ou même d’envisager pareille histoire. D’un point de vue plus cynique, il faut aussi reconnaître que l’arc narratif ainsi simplifié est bien plus porteur d’enjeux dramatiques et donc cinématographiques. Loin de nous l’envie de jouer l’avocat du Diable tant Room évite les écueils d’un traitement tape à l’œil, mélodramatique ou tout simplement voyeuriste à tendance condescendant.

Pour autant, il s’agit là d’un film hollywoodien. Entendre par là qu’il faut bien une histoire avec un minimum de rebondissements pour que le spectateur ne baille pas. L’évasion du garçonnet est ainsi mise en scène à l’avenant. Quelques ralentis bien sentis, quelques gros plans bien appuyés et une musique pour le moins envahissante alors que jusqu’ici tout était tricoté dans la dentelle avec un travail complexe effectué sur les trois personnages. Un accident de parcours préjudiciable mais que la suite va vite faire oublier. Car au final, ce qui intéresse vivement le tandem Emma Donoghue / Lenny Abrahamson est la période d’après. Celle de la reconstruction du couple. Celle d’un enfant qui découvre le monde, celle d’une mère qui en a dorénavant peur. En cela la prestation de Brie Larson valait bien un Oscar même si le dire ainsi déclenche des voyants pour le moins suspicieux. C’est que ce rôle de femme brisée aux prémisses de sa jeunesse pouvait sur le papier s’apparenter à un aspirateur à prix. Mais l’actrice a su en faire quelque chose de troublant et de suffisamment passionnant pour justifier les louanges autres que mielleuses et a fortiori académiques.

Jamais dans le confort roublard, elle s’y met en effet sans cesse en danger emmenant le film en des contrées où les questionnements sont sans réponses évidentes. Room s’apparente dès lors à une œuvre intègre qui ne se laisse jamais déborder par l’émotion sans que pour autant celle-ci n’affleure pas de temps à autre. Un équilibre en forme de gageure réussie qui met à nu des territoires peu explorés, en tout cas pas avec autant de désinhibition. De tout cela, on ne ressort pas lessivé ou atone et c’est tant mieux. L’on est plutôt admiratif de la vitalité affichée et insufflée par la mise en scène (au-delà de la séquence centrale citée plus haut) qui n’assomme pas le spectateur en poncifs attendus pour ce genre d’histoire. Bien entendu, on reste assez loin de l’outrance froide, quasi expérimentale et clinique du Michael de l’autrichien Markus Schleinzer qui allait beaucoup plus loin dans la démonstration de cette forme de banalité du mal, mais pour un film « mainstream », Room se pose désormais là comme un mètre étalon.

Room de Lenny Abrahamson – 1h58 (Universal Pictures France)

RésuméJack, 5 ans, vit seul avec sa mère, Ma. Elle lui apprend à jouer, à rire et à comprendre le monde qui l’entoure. Un monde qui commence et s’arrête aux murs de leur chambre, où ils sont retenus prisonniers, le seul endroit que Jack ait jamais connu.

Note : 3,5/5

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