Le Prix à payer

Le Prix à Payer : Le Capitalisme et Moi

Au mois d’août 2007 éclatait aux États-Unis et en Europe la plus grave crise financière depuis 1929. Les causes en sont connues de tous : un marché de la dette hypothécaire en Amérique gonflé sous forme de bulle infernale, structurée par des banques d’affaire rapaces et appuyée sur des débiteurs insolvables. La suite ? Tous les contribuables d’Europe et d’Amérique du Nord seront mis à contribution pour sauver presque toutes les grandes banques en risque immédiat de faillite. Mais question. Est-ce que les grandes multinationales privées furent mises à juste contribution pour éponger ces gouffres abyssaux de dettes. La réponse est non – pourquoi ? C’est justement le sujet du Prix à payer qui décortique tel un missionnaire en campagne tous les rouages internationaux de ce qu’on nomme pudiquement l’optimisation fiscale.

Le Prix à Payer-Affiche française

C’est dorénavant un secret de polichinelle, les paradis fiscaux engloutissent tous les ans les profits des géants des nouvelles technologies, entre autres, par paquets de centaines de milliards de dollars. Leurs noms ; les Bahamas, les îles Caïmans, les îles anglo-normandes. Le paradoxe c’est que certains de ces territoires dépendent directement de la souveraineté de pays qui souffrent horriblement du manque de rentrées fiscales. Parmi les trois notoirement montrées dans Le Prix à payer se trouvent Amazon, Google et Apple.

Ceci donne lieu dans le film de Harold Crooks à des extraits savoureux voire tragi-comiques de commissions parlementaires à Washington DC et à Londres, dans lesquelles les directeurs financiers des groupes concernés débitent au kilomètre une langue de bois financière pour éviter d’avoir à avouer que 90% des bénéfices échappent à l’impôt. Une situation inique au regard des petites entreprises qui ne peuvent pas jouer avec cette haute technologie financière et fiscale. Et le nouveau patron d’Apple d’expliquer alors à un député américain médusé qu’effectivement aux Bahamas il n’a aucune activité mais un compte avec plusieurs dizaines de milliards de dollars. Et le PDG d’Amazon, auditionné à la Chambre des Communes, de tenter de convaincre une femme député (tenace et pleine d’humour) que son groupe est « Européen » (bref, sans nationalité) et qu’il est donc normal que tous les bénéfices générés en Grande Bretagne soient rapatriés au Luxembourg. Si lors de la projection on ne peut s’empêcher de rire devant tant d’aplomb et de suffisance, in fine il y a bien de quoi en pleurer.

Malheureusement, les banques qui furent sauvées en 2008 en aggravant les problèmes de la dette publique (particulièrement dans la zone Euro alors qu’aux US la bombe n’est qu’à retardement) sont très largement complices de ces évasions et montages complexes. Le prix à payer ? Nous le voyons déjà en Grèce : des services publics qui disparaissent et des écoles qui n’ont plus de moyens, des soupes populaires à tous les coins de rue. Et certains de s’interroger encore sur l’origine de la montée du populisme dans la vieille Europe ? Thomas Piketty explique implacablement dans ce documentaire que sans harmonisation fiscale internationale, il ne sera pas possible de sauver nos systèmes sociaux qui n’existent que par la redistribution de la richesse prélevée justement et équitablement par l’impôt, par tous, pour tous, dans la juste proportion de leur profits et bénéfices… Ces multinationales au comportement assez immoral oublient assez vite que les routes (entre autres) sur lesquelles circulent leurs camions existent uniquement grâce aux fonds publics.

Le Prix à payer est donc de salubrité publique, ne nécessite pas de sortir de Harvard pour en comprendre tous les tenants et aboutissements et prolonge avec force et pédagogie le remarquable Inside Job signé Charles Ferguson sorti en 2010.

Le Prix à payer (The Price We Pay) de Harold Crooks – 4 février 2015 (ARP Sélection)

L’évasion fiscale à grande échelle, telle que les géants de la nouvelle économie la pratiquent, creuse l’écart des revenus entre les privilégiés et le reste du monde, appauvrit les classes moyennes, et affaiblit les fondations de nos sociétés. Et si le prix à payer était la mort des démocraties ?

Note : 3.5/5

 

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