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American Sniper : Eastwood ce héros

L’histoire de Chris Kyle, sous-officier de la marine américaine, membre des SEAL et redoutable tireur d’élite au cours de la Guerre d’Irak, est considéré par beaucoup de ses compatriotes américains comme un héros national. Il est mort en 2013, tué à bout portant par un ancien marine de 25 ans souffrant de stress post-traumatique. Le film adapte son autobiographie au titre éponyme vendu à plus d’un million d’exemplaires. On sait qu’Eastwood ne fut pas le premier réalisateur sur le coup, Spielberg et David O. Russell à qui l’on doit Les Rois du désert dont l’action se déroulait lors de la première guerre du Golfe, avaient été approchés. Mais à la vision de cet American Sniper, qui d’autre que lui pouvait le réaliser avec cet aplomb digne du dernier héritier fordien ?

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On le sait, American Sniper semble avoir réveillé de « vieux démons ». Ceux d’une critique qui voit en ce film la confirmation d’un cinéaste retombé dans ses travers rances de réactionnaire raciste et abjecte tout en qualifiant American Sniper de film de propagande bas du front. Une position déjà développée dans les années 70 quand Eastwood faisait mumuse avec son Magnum 357 dans les rues de San Francisco. Un nouveau retournement de veste étonnant en fait quand on revisite Impitoyable considéré par beaucoup comme son chef-d’œuvre qui ne raconte rien de moins qu’une vengeance pure et dure ou encore plus récemment Grand Torino qui s’amusait avec l’iconographie Dirty Harry tel un clin d’œil malicieux à ses détracteurs eux aussi vieillissants.

Il est vrai cependant qu’American Sniper pousse le bouchon encore plus loin. Un peu comme si Eastwood voulait à sa façon montrer qu’il est toujours aussi vert et certainement pas à foutre à la casse. Le traitement qu’il inflige à son histoire est pour le coup frontal et en apparence sans ambiguïtés quant au message délivré. Chris Kyle est un héros des temps anciens. Un homme binaire qui voit le monde peuplé de méchants et de gentils et dont il se sent le garant tel ce gardien de troupeaux que son père définissait au cours de quasi sermons lors de déjeuners dominicaux. Texan pur jus, il est l’incarnation de ces cow-boys qui ont éradiqués les indiens pour établir l’Amérique d’aujourd’hui. Une Amérique dorénavant menacée de l’intérieur qu’il faut donc protéger coûte que coûte. Chris Kyle, joué par un Bradley Cooper limite méconnaissable en monolithe guerrier, est une sorte de Rambo (celui de Cosmatos) à qui l’on aurait injecté en intraveineuse du John Wayne période Les Bérets verts.

On le sait, depuis la guerre du Vietnam, cette Amérique se cherche sans cesse de nouveaux héros qui vont la replacer au centre d’un monde dont elle ne comprend plus très bien les enjeux. Le fait qu’il faille toujours créer des vilains ou des arsenaux nucléaires fictifs pour partir en guerre démontre bien que leur vision s’est arrêté aux documentaires de propagandes signés entre autre par Ford durant la seconde guerre mondiale. Le film d’Eastwood illustre cela d’une manière très cruelle s’appuyant une nouvelle fois sur sa mise en scène que l’on pourrait qualifier d’épure classique. Et l’on ne doute pas une seule seconde que le cinéaste et surtout l’homme ont accepté de faire ce film en partie pour cela. Que les américains lui aient fait un triomphe n’est pas le moindre des paradoxes mais n’adoube pas pour autant le film dans sa version fascisante que l’on veut bien lui prêter. Qu’Eastwood en joue est cependant une certitude. Non pour brouiller les cartes mais certainement pour montrer que sa pensée sur la question n’est jamais arrêtée, toujours prêt à se remettre en question.

La filmographie d’Eastwood est d’une rare cohérence. Que l’on s’indigne sur American Sniper, c’est avoir la mémoire courte. C’est oublié par exemple la petite perle reaganienne que reste Le Maître de guerre qui ne dit rien de plus, rien de moins qu’American Sniper (avec moins d’humour certes). C’est un peu en creux lui faire le même procès que John Ford à qui l’on reprochait sa vision « classique » des origines de la nation américaine. Ford comme Eastwood sont des bâtisseurs de cette mythologie. Celle de la disparition de la « Frontière ». Des bâtisseurs qui n’ont pourtant jamais hésité à être des fossoyeurs dans le même temps. Ce qui gêne c’est qu’ils ne le font pas pour ensevelir ou finalement ennoblir mais pour en tirer les leçons qui s’imposent et mieux repartir. Certains appellent cela du patriotisme mal placé, nous on préfère y voir la croyance profonde en l’être humain. Une profession de foi qui à 84 ans ne peut que susciter l’admiration.

American Sniper de Clint Eastwood – 18 février 2015 (Warner Bros. France)

Tireur d’élite des Navy SEAL, Chris Kyle est envoyé en Irak dans un seul but : protéger ses camarades. Sa précision chirurgicale sauve d’innombrables vies humaines sur le champ de bataille et, tandis que les récits de ses exploits se multiplient, il décroche le surnom de « La Légende ». Cependant, sa réputation se propage au-delà des lignes ennemies, si bien que sa tête est mise à prix et qu’il devient une cible privilégiée des insurgés. Malgré le danger, et l’angoisse dans laquelle vit sa famille, Chris participe à quatre batailles décisives parmi les plus terribles de la guerre en Irak, s’imposant ainsi comme l’incarnation vivante de la devise des SEAL : « Pas de quartier ! » Mais en rentrant au pays, Chris prend conscience qu’il ne parvient pas à retrouver une vie normale.

Note : 4/5

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