Breaking Away - Image une critique

Breaking Away : American Flyers

Le nom de Peter Yates vous dit forcément quelque chose. Ou alors c’est que vous vous êtes paumés sur ce site. On ne voit pas sinon. Dans le cas contraire, car vous avez décidé de rester coûte que coûte parmi nous pour vous instruire, on sait que l’homme est surtout connu pour avoir réalisé Krull, un somptueux film d’heroic fantasy aux effets spéciaux qui n’ont pas vieillis d’un pouce et point d’orgue d’une filmo en tous points remarquable… Vous êtes toujours là ? C’est que définitivement vous n’avez rien à faire ici-bas. Ou alors c’est que vous n’êtes pas bégueule. Ou peut-être même que vous êtes sous anxiolytique. Bref, on s’essuie la bave, on s’éloigne du clavier pour ne pas faire disjoncter l’ordi et nous on reprend. Peter Yates c’est Bullit bande d’ignares. Le film matriciel de la poursuite en bagnole comme Die Hard fut celui de la prise d’otages et du marcel (on déconne à peine). Mais pas que en fait parce que outre Krull dont plus personne ne parle (à tort) aujourd’hui, on doit aussi à ce réalisateur d’origine britannique une foultitude de très bons films plus ou moins méconnus. Et Breaking Away en fait définitivement parti.

Breaking Away - Affiche 2018

C’est la fin des années 70 et Peter Yates n’est plus un jeune premier. Son Bullit qui a donc marqué les esprits et l’histoire du medium a déjà presque 10 ans. Et depuis le bonhomme a enchaîné avec quasiment un film par an. Parmi lesquels on retiendra La Guerre de Murphy (Murphy’s War – 1971) avec un Peter O’Toole toujours aussi déglingo et notre Philippe Noiret national au plus que parfait et surtout Les Copains d’Eddie Coyle (The Friends of Eddie Coyle – 1973) où Robert Mitchum campe un malfrat un peu miteux perdu dans une décennie où toutes les illusions sont mortes à commencer par celles de l’âge d’or hollywoodien. Breaking Away qui prend le titre français de La Bande des quatre lors de sa sortie française en janvier 1980 ne restera pas dans les mémoires. On ne trouve même pas trace des chiffres du box office gaulois. Comme si le réal qui venait d’attirer plus de 850 000 spectateurs avec Les Grands fonds (The Deep – 1977) se diluait dans une décennie qui le rejetait déjà.

Pas tout à fait en fait puisque Breaking Away (tout comme American Flyers de John Badham) bénéficiera d’une aura jamais démentie aux États-Unis. De ses 16M de dollars récoltés lors de sa sortie, le film de Yates a bénéficié depuis de multiples éditions vidéo depuis la VHS au DVD en passant par le Laserdisc. Il est même sorti en Blu-ray chez Twilight Time en 2015 qui a épuisé ses 3 000 exemplaires en quelques heures de précommande que l’on peut éventuellement se procurer aujourd’hui aux alentours de $250 pièce. C’est que Breaking Away est d’abord un film sur le sport et plus particulièrement sur le cyclisme. Au-delà de son arc narratif plus ou moins mis en place dans le cinéma ricain (on est quand même pas loin ici des attendus et des préceptes coulés dans le bronze par Rocky sorti trois ans plus tôt), le vélo a valeur de Mont Olympe de l’autre côté de l’Atlantique. Quelque chose qui embrasse toutes les valeurs appréciées là-bas sur, au hasard, le dépassement de soi sans que pour autant le palmarès du vélo mondial puisse s’enorgueillir de disposer en son sein de yankees dignes de ce nom. Il faut voir comment la trajectoire d’un certain Lance Armstrong accusé de tous les maux et in fine de traître à la patrie pour avoir une toute petite idée de l’importance de ce sport dans la conscience collective d’un pays qui se cherche encore un héros et surtout qui se voit, une fois n’est pas coutume, comme le vassal d’une Europe surpuissante.

Breaking Away (La Bande des quatre) - Affiche FR 1979

Chez nous le vélo ça se regarde à la télé au mois de juillet et certainement pas au cinoche. Pourtant, Breaking Away est loin de n’être qu’un film sur la pédale. Certes Peter Yates raconte avec son pote scénariste Steve Tesich, grand passionné de la chose et récompensé au passage par l’Oscar du meilleur scénario, une histoire dont la moelle épinière repose intégralement sur cette pratique masochiste et solitaire. Mais La Bande des quatre aborde aussi (et surtout ?)  le destin de quatre potes adolescents le temps de quelques mois entre le lycée et pour certains la fac qui bien entendu sera constitutif de leur futur respectif. L’un d’eux ne vit que par le cyclisme et l’Italie. Les autres ne pensent à rien d’autre que de se baigner dans une carrière abandonnée (l’action se situe dans une petite ville de l’Indiana) ou de se battre avec les étudiants huppés de la fac qui méprisent ces locaux un peu ploucs sur les bords. Ils sont des « cutters », des fils d’ouvriers de la carrière qui se meurt économiquement.

Breaking Away annonce ainsi très clairement les futures productions de John Hughes, le pape des films sur les et pour les ados de la décennie à venir. Il ne s’inscrivait alors dans rien sinon de représenter une génération coincée entre la fin du Vietnam, le premier choc pétrolier et le reaganisme. De quoi tomber direct en dépression profonde. Yates traite cela pourtant avec une fraîcheur, une fausse naïveté et vraie lucidité rétroactive jubilatoire. Sa mise en scène éthérée et toujours efficace est au service d’une histoire haletante portée par des comédiens qui feront tous leur petit bonhomme de chemin à commencer par un Dennis Quaid dont la carrière se mettait alors tout juste en place. C’est aussi le premier film de Daniel Stern que le grand public apprendra surtout à connaître dans Maman, j’ai raté l’avion aux côtés de Joe Pesci. C’est encore l’une des premières apparitions de Jackie Earle Haley qui pour se la jouer pop culture a été le Rorschach des Watchmen de Zack Snyder ou le successeur de Robert Englund alias Freddy Krueger dans le remake des Griffes de la nuit sorti en 2010.

Breaking Away - Affiche US 1979

On est donc bien devant une véritable pépite injustement méconnue en France (l’auteur de ces lignes s’inclut volontiers) que cette reprise au cinéma dans une version restaurée de toute beauté qui rend justice à la photo solaire et sépia signée Matthew F. Leonetti dont c’était ici le deuxième film à ce poste et une filmographie longue comme le bras depuis, se doit d’être découverte et pour les plus chanceux / avertis redécouverte. En attendant sait on jamais une édition Blu-ray française qui ne pourrait avoir que sa place dans n’importe quelle vidéothèque qui se respecte bien calée entre Bullit et l’édition Retro VHS de Krull qui vient juste de sortir aux États-Unis.

La Bande des quatre (Breaking Away – 1979) de Peter Yates – 1h40 (Théâtre du Temple – Rep. 2018) – 31 octobre 2018

Résumé :  À Bloomington, petite ville de l’Indiana, quatre adolescents issus de la classe ouvrière trompent leur ennui entre baignades dans une carrière abandonnée, bagarres et drague. L’un d’entre eux, passionné par le cyclisme et l’Italie, va participer à une course le mettant en rivalité avec des étudiants issus des milieux plus favorisés…

Note : 4,5/5

Une réflexion sur « Breaking Away : American Flyers »

  1. Excellent article qui m’a donné une irrésistible envie de voir La bande des quatre. Et c’est là que je regrette de ne pas être à Paris, et que j’espère une sortie en blu-ray chez nous très prochainement.

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