Chris the Swiss - Image une critique

Chris the Swiss – Animation engagée

Documentaire animé. Si cette expression n’était pas encore familière à un grand nombre de cinéphiles voilà quelques années, elle devrait maintenant faire partie du vocabulaire des festivaliers cannois. En 2018, pas moins de quatre long-métrages revêtant cette forme, y furent présentés et tous vont sortir dans les salles ces prochain(e)s semaines / mois : Another day of life, Samouni road, Le Procès contre Mandela et les autres et, premier en date, Chris the Swiss d’Anja Kofmel qu’on avait pu découvrir à la Semaine de la critique.

Chris the Swiss - Affiche Cannes 2018

Premier opus d’une animatrice suisse sortie de l’école d’art de Lucerne, il aborde comme tous les autres – et pratiquement tous les documentaires animés européens depuis Valse avec Bachir – un sujet éminemment politique et engagé. Le film mélange dessin et prise de vues directes autour d’une guerre, d’un mort et de l’expérience de la réalisatrice qui y est directement reliée.

Anja Kofmel aura mis plus d’une dizaine d’années à faire produire et à réaliser Chris the Swiss. Déjà son court-métrage de fin d’études traitait de ce sujet qu’elle a, depuis, largement approfondi. Chris était son cousin. Reporter de guerre, il est parti suivre les combats en ex-Yougoslavie au moment où ceux-ci devenaient plus intenses. Là-bas, il a disparu de la circulation et est mort après avoir intégré une milice de mercenaires d’extrême droite, sans que personne ne sache ce qui lui est réellement arrivé. Quelques jours plus tard, un ami dudit journaliste, parti enquêter, a lui aussi été tué. La réalisatrice avait alors 10 ans et l’idée de ce film l’a toujours poursuivie. Elle est retournée étudier les circonstances du décès en retrouvant les individus qu’il avait côtoyés à l’époque pour reconstituer au mieux les zones d’ombre. Kofmel utilise une animation en noir et blanc sobre et convaincante, qui sert la reconstitution, le manque d’images de l’époque et l’imaginaire qu’elle a pu se forger sur les événements au fil du temps. Elle réussit également un vrai travail de mise en scène en prenant la distance nécessaire au traitement d’un sujet qui lui est extrêmement proche. Elle ne cache nullement les ambiguïtés liées à la situation, elle ne produit pas une hagiographie de Chris et elle n’hésite pas à dévoiler des éléments moins glorieux, parfois intimes, mais importants pour cerner le personnage.

Son enquête reste cruciale car juste et ce jusque dans l’implication personnelle de la réalisatrice qui n’est jamais cachée mais que l’animation sert en la mettant en évidence. Étrangement, Kofmel n’est pas journaliste mais Chris the Swiss est probablement l’un des plus proche du genre du reportage. Elle essaye, là aussi avec une subjectivité avouée et assumée, de prendre du recul et de réfléchir. Elle s’interroge réellement sur ses actes et son film, sur la voie à suivre et la guerre et sur le métier et les écarts déontologiques de son cousin. Elle est parfois didactique mais jamais trop, juste ce qu’il faut pour comprendre ces événements qui nous sont proches mais qu’on connait peu, et le point de vue qu’elle adopte sur l’éclatement des Balkans dans les années 1990.

En somme, et c’est d’autant plus important qu’il s’agit d’un premier film, on a là une expérience cinématographique qui, sans être parfaite – elle est un peu rigide parfois, convenue formellement dans l’alignement des interviews, des allers et venues sur place et des moments animés –, offre néanmoins un point de vue passionnant sur un individu perturbé et perturbant que nul n’aurait envie de suivre de prime abord. Finalement, Chris the Swiss surprend par sa manière d’entremêler animation et documentaire car, avantage de ce sous-genre cinématographique pour le moment, il n’est pas encore formaté et codifié. Il faudrait simplement veiller maintenant à aller au-delà du récit de guerre qui donne l’impression d’être d’abord destiné à attirer l’attention des sélections festivalières.

Chris the Swiss (2018) d’Anja Kofmel – 1h25 (Urban Distribution) – 03 octobre 2018

Résumé :  Croatie, janvier 1992. En plein conflit yougoslave, Chris, jeune journaliste suisse, est retrouvé assassiné dans de mystérieuses circonstances. Il était vêtu de l’uniforme d’une milice étrangère. Anja Kofmel était sa cousine. Petite, elle admirait ce jeune homme ténébreux. Devenue adulte, elle décide d’enquêter pour découvrir ce qui s’est passé et comprendre l’implication réelle de Chris dans un conflit manipulé par des intérêts souvent inavoués.

Note : 4/5

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