Parasite - Image une critique

Parasite – Une Affaire de famille(s)

Est-ce que la Palme d’or décernée à Parasite par le jury cannois présidé par Alejandro González Iñárritu fait sens ? Il y a plusieurs façons de répondre à cette question. Et certainement aucune de vraiment satisfaisante. Et quant à nous, on ne va même pas essayer de mettre ne serait-ce qu’un orteil sur ce terrain glissant. Il y a en effet tellement de critères et d’algorithmes humains qu’il serait plus que présomptueux d’en comprendre les tenants et les aboutissants. Encore que l’exercice mériterait à lui seul une enquête façon « envers du décors » aux conclusions forcément instructives. Non, on va juste tenter ici de partager notre ressentie. Entre déception mâtinée d’une forme de confirmation. Celle d’un cinéaste à la filmo de moins en moins surprenante, de plus en plus entendue. Et la Palme d’or venant de fait, adouber un périmètre de travail que l’on pourrait qualifier de simple zone de confort.

 Parasite - Affiche

On pouvait en effet tomber à bras raccourci sur Okja, mais si sa trame enfantine avait bien du mal à convaincre, au moins le film permettait à Bong Joon Ho d’expérimenter un autre cinéma tout en renouant quelque peu avec l’insouciance d’un The Host et de casser la pesanteur démonstrative d’un Snowpiercer. Quoi qu’il en soit, le réalisateur coréen n’en finit plus de courir après le miracle Memories of murder. Film marqueur d’une décennie que beaucoup de cinéastes ont depuis repris à leur compte alors qu’en fait il n’est que la synthèse géniale de différents courants majeurs du polar néo noir mondial à commencer par le Seven de Fincher, ou plus loin dans le temps du Samouraï de Melville. Parasite semble vouloir revenir aux tenants de ce cinéma, entre exploration des codes de l’intime sociétal coréen et étude de mœurs à l’aune de la mondialisation galopante.

Sur le papier c’est alléchant. À l’écran c’est malheureusement une toute autre histoire. Celle-ci s’attache au demeurant à nous présenter une famille vivant dans l’entre-sol d’un immeuble en plein centre ville. Tout le monde est au chômage et chacun tente de s’en sortir comme il le peut. Le quotidien n’est pas folichon et rappelle un tantinet celui décrit par la Palme d’or 2018. Mais la comparaison avec Une affaire de famille s’arrête là car si le film de Kore-eda avait d’emblée su capter cette légèreté teintée de gravité d’une humanité entre deux eaux (à la marge mais conséquence du système), la famille de Bong Joon Ho s’inscrit plutôt dans une sorte de réalité fantasmée pour ne pas dire alternative. De celle qui permet au cinéaste-scénariste de se construire un film aux contours totalement maîtrisés mais qui vont finir par l’envoyer droit dans le mur.

La pauvreté devient par exemple un concept quelque peu cinégénique quand la débrouille de chacun est érigée en un système D majuscule que n’aurait pas renié le Gavroche de Victor Hugo. À tel point d’ailleurs que d’aller manger la laine sur le dos de cette famille aisée est un jeu d’enfants. Le père devient chauffeur, la mère boniche, la fille pédopsychiatre à domicile et le fils professeur d’anglais sans que bien entendu ne soit révélé leurs liens familiaux. On a en effet connu home invasion bien plus épique. Mais il faut croire que ce n’est pas ce qui intéresse Bong Joon Ho. Au passage, pas de bol pour le spectateur qui vient du coup de se manger 1h de mise en place (sur les 2h12 que comptent le film) sans enjeux majeurs et peuplée de personnages à la caractérisation sommaire pour ne pas dire caricaturale. La suite n’inversera pas la tendance allant même jusqu’à dresser le portrait quelque peu lourdingue d’une société de plus en plus stratifiée aux inégalités plus que jamais prégnantes. Mais quand Snowpiercer assumait au final sa dialectique marxiste nappée d’un formalisme très BD, Parasite a bien du mal à aller ne serait-ce qu’au-delà du simple constat de la nécessaire lutte des classes. Et au lieu de provoquer un quelconque rejet, Bong Joon Ho semble s’accommoder du système. Il laisse ses personnages se cogner aux baies vitrées de son décor tels des zombies concupiscents d’un capitalisme triomphant sans même tenter d’en violer les codes de l’intérieur comme sa démarche de la première heure pouvait pourtant le laisser entendre.

Que l’on aurait en effet aimé retrouver un peu du cinéma de Chabrol ou de Clouzot dans Parasite comme l’a laissé entendre Bong Joon Ho en conférence de presse à Cannes. Au lieu de cela, on a droit à une honnête série B mâtiné d’un traitement quelque peu hitchcockien qui en d’autres temps aurait peut-être eu le Prix de la meilleure contribution artistique. Peut-être.

Parasite (Gisaengchung – 2019) de Bong Joon Ho – 2h12 (Les Bookmakers / The Jokers) – 5 juin 2019

Palme d’or Cannes 2019

Résumé :  Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne…

Note : 2,5/5

3 réflexions sur « Parasite – Une Affaire de famille(s) »

  1. Ça fait plaisir de la nuance…
    Film décevant (bien qu’empli de qualités) Pas la première Palme qui se discute(ra) mais tout de même… On peut regretter un peu plus d’exigences.

  2. Comme d’hab, critiquer pour critiquer, critique nulle, arrogante et prétentieuse. Toujours pas tiré la leçon de la critique tout aussi nulle du film « le chant du loup », énorme succès et nombreuses récompenses.

  3. On m’a vendu un film social, je veux dire, tous sans exception me l’ont vendu dans cet emballage, y-compris le réalisateur lui-même (qui finalement dit tout et son contraire selon les interviews). J’aurais au moins dû regarder la bande annonce…
    Je me retrouve devant un film de divertissement K-Ciné typique, c’est à dire un truc lourd et gras qui joue dans tous les genres sans en maitriser aucun, dans l’unique but de remuer les tripes du spectateur émotif.
    Les acteurs surjouent des personnages unidimensionnels écrits à la hache et placés dans un scénario invraisemblable, qui se met en place au cours de séquences supposément hilarantes. L’Humour est noir, bien sûr, c’est l’humour des esthètes.
    Chaque plan ultra-léché semble dire « voilà ce que j’ai appris à l’école des réalisateurs, c’est beau hein ? ». Ah ça ! C’est maitrisé : aussi beau qu’une pub, un clip ou un premier court-métrage. Et comme dans ces trois types de support, le décor est surexploité : « regardez comme c’est sale et exigu chez les pauvres qui vivent en bas, et comme c’est propre et spacieux chez les riches qui vivent en haut ». Du jamais vu, quelle inventivité, quelle audace. D’ailleurs on va vous le remontrer 6840 fois au cas où vous ne remarquez pas au 1er coup d’œil la virtuosité de ce langage filmique : haut=propre=riches =/= bas=sale=pauvres. Merci je pense qu’on a tous très bien compris. Allez, encore un dernier petit travelling vertical pour la route… La maison est plus importante que les habitants, le décor est plus important que les personnnages, la forme est plus importante que le fond.
    Puis, comme un chien dans un jeu de quilles, arrive le twist qui réveille ce script assoupi. A partir de là j’ai su que le film partirait en vrille et c’est exactement ce qui s’est passé. Du K-Ciné typique, avec violence, stupeur, violons (90% des BO de K-Ciné se ressemblent : du sous-Vivaldi modernisé), cris, grimaces et yeux écarquillés. Tout en finesse.
    Spoiler : il est question d’odeurs dans ce film. On vous fait comprendre que les riches n’aiment pas l’odeur des pauvres. Admettons, mais encore une fois c’est amené sans aucune finesse, jusqu’au moment grand-guignolesque par excellence où un riche au beau milieu d’une tuerie est indisposé par… l’odeur des pauvres. Oui oui : il a deux cadavres dans le jardin, tous le monde crie, pleure et court autour de lui, son fils est inanimé dans ses bras, sa famille est en danger de mort imminente, il flippe et veut s’enfuir, mais c’est quand-même l’odeur qui l’indispose le plus ! Sans mentir c’est l’une des scène les plus ridicules et grotesques qu’il m’ait été donné de voir, c’est du niveau Ed Wood là, réveillez-vous !
    En principe j’aurais oublié ce film dès le générique de fin, mais ça fait 2 ans qu’on me bassine avec ce navet, qui « bouleverse l’histoire du cinéma » (Le Figaro).

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