Entre les murs - Image une critique

Entre les murs – Class 2008

Entre les murs est d’abord un livre de François Bégaudeau (Éditions Verticales – 2006) et une utopie de cinéma que Laurent Cantet, qui voulait réaliser depuis quelque temps un film sur la vie d’une école, s’est approprié magistralement. Aidé en cela par Bégaudeau lui-même co-auteur du scénario et qui joue au demeurant son propre rôle de prof (il reste ce que l’on appelle un enseignant en disponibilité), Entre les murs raconte l’histoire d’une année scolaire dans un collège parisien réputé difficile.

Entre les murs - Affiche

C’est en effet entre les quatre murs de cette école que l’on va apprendre deux heures durant à mieux connaître les élèves de la 4ème/3. Et c’est au sein de l’enseignement dispensé par leur prof de français que vont se jouer les dramaturgies simples et complexes, sources de toutes les inspirations qui permettent à Laurent Cantet de réaliser là un film d’une incroyable vitalité cinématographique, sociale et politique. Cette réussite il la doit d’abord au traitement et à la forme qu’il imprime à son sujet entre naturalisme documentaire et fiction engagée (et pas nécessairement de gauche, de celle qui donne des leçons sans pour autant donner des solutions). Mais il la doit aussi à sa direction d’acteurs, à cette apparente liberté qu’il donne à ces enfants qu’il n’a pas « castés » et qui viennent tous du même collège Françoise Dolto dans le 20ème arrondissement de Paris. Le naturel de leurs gestes, l’aisance de leurs réparties et la langue française qu’ils maltraitent magnifiquement rappelle un peu L’Esquive d’Abdellatif Kechiche (2004) à la différence notable qu’ici tout le monde a son mot à dire et que personne n’est exclu du cercle de la bonne vanne. Même pas le prof qui en joue justement et se met à leur niveau pour le meilleur et pour le pire.

Le prof justement n’est pas ici un héros, juste une sorte de guide qui essaye du mieux qu’il peut d’inspirer et d’insuffler de l’espoir à ces jeunes qui ne demandent qu’à croire. L’une des toutes dernières séquences est à ce titre bouleversante. Quand au dernier jour de classe une collégienne vient le voir pour lui avouer n’avoir rien appris de son année, c’est toute la détresse mutuelle qui se lie dans leurs yeux. Un échec qui renvoie en écho à la séquence précédente où une autre élève lui avoue avoir lu La République de Platon (parce que sa sœur l’avait lu). Et de distinguer comme de la fierté dans les regards. Nous sommes là en pleine démocratie scolaire.

Ces tranches de vie, Cantet les filme à huis clos (on ne sort jamais du collège sauf au cours du pré-générique), littéralement de l’intérieur et sa force ultime est de ne jamais donner de leçons alors même que sa caméra enregistre ce qu’il a provoqué et demandé : la radiographie du futur de notre société vu par la prisme forcément déformant d’une création cinématographique. Ce qui le démarque au demeurant d’autres réussites uniquement documentaires comme par exemple Le corsaire, le magicien, le voleur et les enfants, le très beau film de Julie Gavras réalisé en 2002. Ce qui en fait finalement une expérience unique de cinéma et un objet de fol espoir quant à l’avenir de nos bambins.

Le temps dira si le jury du 61ème Festival de Cannes avait vu juste sur ce point en lui attribuant la Palme d’or car pour le reste il n’y a pas photo comme on dit !

Entre les murs de Laurent Cantet – 2008 – France – 2h08 – Sortie France le 24 septembre 2008 : 1 617 536 entrées (Haut et Court)

Résumé : François est un jeune professeur de français dans un collège difficile. Il n’hésite pas à affronter Esmeralda, Souleymane, Khoumba et les autres dans de stimulantes joutes verbales, comme si la langue elle-même était un véritable enjeu. Mais l’apprentissage de la démocratie peut parfois comporter de vrais risques…

Note : 4,5/5

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