Un moment d'égarement - Image de Une

Un Moment d’égarement : Le Mal(e) du siècle

Si ce n’était qu’un moment. Que l’on aimerait que le cinéma français ne traverse qu’un moment d’égarement. Que l’on aimerait se dire que la production actuelle, à l’exception notable de quelques merveilleuses pépites, nage en eau claire avec pour credo l’envie de raconter des histoires en reflet d’une époque, de mœurs, d’une société… d’en donner quelques clés de compréhension et d’essayer de se projeter vers un éventuel futur. On ne demande pas la lune. Au lieu de cela, on se prend pleine poire cette nouvelle « création » Langman, relecture sciemment incomprise et foncièrement inutile (pour ne pas dire nauséeuse), d’un film de son père qui avait au moins pour lui le mérite d’aller jusqu’au bout de sa démonstration.

Un moment d'égarement - Affiche 2015

Ce qui fait tiquer d’entrée c’est que le film de François Richet (que l’on est loin de Ma 6-T va crack-er) se veut une comédie dramatique (on le sait, l’estampille est fourre-tout) quand le film de Berri assumait son cachet dramatique. Difficile en effet aujourd’hui de faire de la thune avec du drame. Dont acte. Et puis l’on se dit que certains thèmes un peu « compliqués » peuvent se traiter en contrebande, histoire de faire passer la pilule. Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? s’y est bien essayé lui, avec certes un résultat plus que maladroit, mais avec le succès public que l’on sait. Le problème c’est qu’à trop vouloir édulcorer, on obtient une sorte de film ectoplasme particulièrement dédaigneux de son héritage familial et sociétal.

Un moment d’égarement raconte donc comment un père de famille baise lors d’un « instant de faiblesse » la fille mineure de son meilleur ami lors de vacances estivales en Corse (on passera ici sous silence comment les autochtones sont dépeints). Les deux papas sont seuls. L’un est divorcé (Cassel), l’autre est en instance de le devenir (Cluzet).  Au cours des cinq premières minutes, on ne nous épargne pas les grands travellings, les mouvements de grue et autres ersatz de mise en scène que l’on pensait révolus depuis un bail ou alors enseignés en École de Cinéma comme ce qu’il ne faut plus faire. La suite donne la part belle aux acteurs et actrices qui se complaisent dans des caricatures de personnages  au sein de cadres fixes sans âme (et vice versa).

Chez Berri, les deux protagonistes joués par Jean-Pierre Marielle (le père baiseur) et Victor Lanoux (le père « baisé ») sont issus de la classe moyenne de la fin des années 70 dont tout un chacun pouvait facilement s’identifier. Les enjeux étaient de suite clairement définis. On sentait en sous-main une société bouillonnante bien que toujours aussi patriarcale, machiste et corsetée. Les deux gamines reflétaient alors bien cette jeunesse entre deux eaux qui prenaient pour argent comptant les avancées de 68 sans pour autant se faire plus d’illusions que cela sur la suite de leur vie. Celles décrites dans le film de Richet sont sans aspérités et ne reflètent plus rien, sinon une image glacée de la pin-up idéalisée de magazine à qui l’on a enlevé une côte via photoshop histoire de la faire rentrer dans les cases. Un retour en arrière de l’image de la femme que même Berri n’avait pas osé. Quant aux pères, ils renvoient au spectateur la morgue d’une classe qui n’existe plus que dans la tête de Liza Azuelos, co-scénariste et par ailleurs membre du board chez Pathé.

Un moment d'égarement - Affiche 1977

Au-delà de ce sentiment qu’Un moment d’égarement ne touche jamais terre, celui-ci véhicule aussi une sorte de non message. Comme s’il ne fallait pas trop prendre position. Comme si pénétration avec le bout du gland, cela ne comptait pas. Comme s’il ne s’était rien passé en fait. Et puis il y a ce plan final qui rappelle lourdement celui du film de Berri : un échange de regards sans équivoques une fois le pot aux roses découvert. Mais chez le père, le personnage joué par Marielle remettait le couvert plusieurs fois et même sans l’assumer complètement était sensible aux charmes de la « gamine » jusqu’à peut-être envisager l’impensable avec ce fameux plan final. Du côté de Vincent Cassel, on navigue en terre sèche. Son personnage n’exprime rien sinon des remords et une contrition animés uniquement par le qu’en dira-t-on (sans que pour autant la thématique de la censure émergente des réseaux sociaux ne soit réellement abordée) et/ou éventuellement par son ami.

Si Un moment d’égarement version Berri reste un film mineur dans sa carrière, il n’en demeurait pas moins qu’il s’inscrivait alors dans une cinématographie qui prenait des risques, exprimait un point de vue souvent dissonant tout en s’ingéniant à contourner les carcans de la société rigido-giscardienne de l’époque. La version Langman-Richet-Azuelos polit dans le sens du poil (grisonnant le poil), s’arc-boute dans des certitudes d’un autre temps (si au moins à la place d’un couple hétéro, on avait « osé » un couple homo…) et donne à voir un produit markété, rance et en tous points détestables.

Un moment d’égarement – de Jean-François Richet – 24 juin 2015 (Mars Distribution)

Antoine et Laurent, amis de longue date, passent leurs vacances en Corse avec leurs filles respectives : Louna, 17 ans et Marie, 18 ans.  Un soir sur la plage, Louna séduit Laurent.
Louna est amoureuse mais pour Laurent ce n’est qu’un moment d’égarement… Sans dévoiler le nom de son amant, Louna se confie à son père qui cherche par tous les moyens à découvrir de qui il s’agit…
Combien de temps le secret pourra-t-il être gardé ?

Note : 0,5/5

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