Assassination Nation - Image une fiche film

Fiche film : Assassination Nation

« Je sais que mon film est choquant, effrayant, et débordant de haine », déclare Sam Levinson, le réalisateur, « mais tel est aussi l’état du monde actuel. Ce film parle de notre identité américaine ; il décrit la façon dont notre soif de divertissements, d’humiliation et de violence a fini par dépasser notre instinct de survie. »

Alors qu’il rédige le script du film, telles sont les pensées qui traversent l’esprit du cinéaste, sans doute influencées par le fait que le réalisateur et sa femme attendent alors leur premier enfant.
Il s’explique ainsi : « Je me suis demandé ; dans quel genre de monde mon enfant va-t-il naître ? Il est tellement dur de nos jours d’être jeune, quand la moindre de vos erreurs peut être immortalisée. Chaque coup d’un soir maladroit, chaque cliché peu flatteur, chaque texto intime peut devenir un outil d’humiliation. »

En situant l’intrigue de Assassination Nation dans la ville imaginaire de Salem, Sam Levinson fait naturellement un clin d’œil au procès des sorcières de Salem (Massachussetts, 1692), cette quintessence des réactions sociales excessives, un chapitre grotesque de l’histoire américaine, un épisode de panique morale qui aboutit à vingt meurtres. « J’y vois un parallèle », dit-il, « voici de nouveau une ville qui a perdu la tête et qui s’attaque à des innocents, mais Salem est avant tout pour moi une banlieue perdue dans l’Amérique profonde. Des Salem, il y en a partout en Amérique. »

Assassination Nation (2018)

Réalisateur(s) :  Sam Levinson
Acteurs : Odessa Young, Suki Waterhouse, Hari Nef, Maude Apatow
Durée : 1h48
Distributeur : Apollo Films
Sortie en salles : 5 décembre 2018

Résumé : Lily et ses trois meilleures amies, en terminale au lycée, évoluent dans un univers de selfies, d’emojis, de snapchats et de sextos. Mais lorsque Salem, la petite ville où elles vivent, se retrouve victime d’un piratage massif de données personnelles et que la vie privée de la moitié des habitants est faite publique, la communauté sombre dans le chaos. Lily, accusée d’être à l’origine du piratage, est prise pour cible. Elle doit alors faire front avec ses camarades afin de survivre à une nuit sanglante et interminable.

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  • Avis express : Il faut vraiment saluer l’existence de ce genre de film dans l’époque si paradoxale que nous vivons. Celle qui veut que l’on ne peut plus sortir du cadre imposé par la société civile sans se prendre un boomerang moralisateur en pleine face bien aidé par le diktat de plus en plus prégnant des réseaux sociaux. Alors certes, Assassination Nation repose sur une certaine forme de morale en retour avec un je ne sais quoi de politiquement correct qui fleure bon avec l’air du temps évoqué plus haut. C’est qu’à trop vouloir dénoncer cette dictature réelle des selfies et autres sextos, Sam Levinson, que l’on avait repéré avec le très corrosif et jubilatoire Another Happy Day, n’évite pas par moment de passer pour un vieux con qui ne se gêne pas cependant pour se rincer l’œil, voire plus si affinités (ou pas d’ailleurs). À l’image de ce « bon père de famille » qui en pince pour sa voisine et baby-sitter d’en face tel un remake à peine déguisé du American Beauty de Sam Mendes. Ou mieux. Tel un clin d’œil façon mise en abyme de la fin de carrière forcée de Kevin Spacey.
    Mais ce serait quand même aller vite en besogne ou à tout le moins ne voir qu’une toute petite facette de cet Assassination Nation qui doit surtout s’apprécier à l’aune d’une montée en régime totalement maîtrisée pour se terminer en un feu d’artifice incroyablement jouissif. À l’évidence Sam Levinson sait exactement où il veut emmener son film. Et c’est assez loin sur le versant de la critique de la folie pure. De celle qui embrasse cette ville fictive des États-Unis mais qui ressemble à tellement de banlieues du pays, sinon toutes, que personne n’est dupe. À l’arrivée la démonstration est convaincante et fait même penser à une version 2.0 du Corbeau de Clouzot. Il y a aussi un peu de Pump Up the Volume pour le côté radiographie d’une jeunesse à un instant T dont le futur n’a jamais semblé aussi mouvant et fallacieux qu’aujourd’hui.
    Sam Levinson se permet même une réalisation ostentatoire qui ne dépareille pas avec le reste alternant mouvements de caméra ou plans-séquences raffinés qui répondent à d’autres beaucoup plus « basiques » mais tout aussi efficaces et directifs à l’attention d’un spectateur sans cesse caressé dans le sens du poil. C’est peut-être d’ailleurs là l’autre limite du film. Ne jamais véritablement challenger son auditoire afin de le faire sortir de sa zone de confort si ce n’est à de très rares exceptions près. On est donc très loin de la première saison d’un 13 Reasons why par exemple qui quelque part traite du même thème central (l’image que l’on renvoie et ses conséquences), le suicide en moins.  Mais Sam Levisnson l’assume encore ici car si son propos est d’éveiller les consciences sur le no future qui attend les prochaines générations, son nihilisme s’inscrit plus dans la filiation du Sukeban japonais des années 70 (la représentation de la délinquance juvénile sous la forme de gangs) devenue un des pans de la pop culture là-bas et ailleurs.
    L’idée n’est donc pas de se tirer une balle dans la tête ou de creuser sa tombe en attendant de se faire bouffer par les corbacs en sortant de la salle, mais bien de profiter à plein de la fun attitude très noire du film dans un soucis évident d’évacuer ses pulsions de meurtre à l’égard d’une Humanité qui n’a plus rien d’humaine depuis bien longtemps. Malheureusement, cette catharsis ne dure que le temps du film. SG 3/5
  • Box-office : 216 entrées sur 7 copies lors de la première séance 14h parisienne du mercredi 5 décembre. Ce n’est pas Byzance. À titre de comparaison, Les Confins du monde de Guillaume Nicloux distribué sur la même combinaison parisienne réalise quant à lui 307 entrées.

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