La 317ème section - Image une fiche film

Fiche film : La 317ème section

Avec La 317ème section, Pierre Schoendoerffer adapte son propre roman, inspiré de son expérience au sein du Service Cinématographique des Armées pendant la guerre d’Indochine. Son directeur de la photographie, Raoul Coutard, a également appartenu au corps expéditionnaire français en tant que photographe.

Présenté lors du Festival du Film de Cannes en 1965, La 317ème section y a remporté le Prix du meilleur scénario, décerné à Pierre Schoendoerffer.

La 317ème section (1965)

Réalisateur(s) : Pierre Schoendoerffer
Avec : Jacques Perrin, Bruno Cremer, Pierre Fabre, Manolo Zarzo, Bouramy Tio Long
Durée : 1h35
Distributeur : Rank
Sortie en salles : 31 mars 1965

Résumé : Le 3 mai 1954, en Indochine, une patrouille française cantonnée dans le nord du Laos reçoit l’ordre de rejoindre Diên Biên Phú assiégé par le Viet-Minh… Il s’agira de la dernière marche de la 317ème Section, pendant laquelle des amitiés vont se créer entre des soldats que tout semblait diviser.

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  • Avis : Quand Pierre Schoendoerffer entreprend La 317ème section, il n’en est pas à son premier coup d’essai sans que pour autant La Passe du Diable (1956) ou encore Pêcheur d’Islande (1959) soient des coups de maître. Tout juste des œuvres qu’il faut découvrir pour celui qui veut comprendre la soif d’aventure obsessionnelle du alors tout jeune soldat retraité. Mais en s’imposant instantanément comme le meilleur film de guerre jamais produit et réalisé en France, on change totalement de braquet avec La 317ème section. À tel point d’ailleurs que le grand Coppola lui rendra expressément hommage treize ans plus tard en reprenant le fameux aphorisme du « le blanc s’en va, le jaune reste » lors de la séquence dite de la plantation française dans Apocalypse Now (version Redux et Final Cut). Mais attention, si La 317ème section reste inaccessible tout en haut de son piédestal, ce n’est pas tant dû à la pauvreté de la concurrence nationale dans le secteur (même si la chose est indéniable), mais bien parce que le film de Schoendoerffer respire par tous les pores cette guerre d’un nouveau genre dont il serait bien malaisé d’en tirer une quelconque morale autre que « malheur aux vaincus ».
    À ce stade, rappelons succinctement que Pierre Schoendoerffer a été caporal chef au Service cinématographique des armées en Indochine où il filmera la guerre de 1952 jusqu’à la chute de Diên Biên Phu en 1954 où il est fait prisonnier avec toute la garnison rescapée. Il sera libéré quelques mois plus tard à la faveur des accords de Genève. Marqué au fer rouge par ces années passées là-bas, il ne rentre pas tout de suite en France et veut finir son tour du monde par l’Est durant lequel il fera plusieurs rencontres dont celle de Joseph Kessel à Hong-Kong (est-il besoin de s’appesantir sur l’un des plus grands écrivains français du 20è siècle ?). Par la suite, il lui donnera la possibilité de porter à l’écran son scénario intitulé La Passe du Diable que Schoendoerffer ira shooter en Afghanistan sous la forme d’un documentaire. Pour autant, sa carrière cinématographique n’est pas lancée et ce même si Schoendoerffer réalisera par la suite Pêcheur d’Islande qui n’assouvit que très partiellement ses envies d’ailleurs. Elle est même au point mort ce qui le décidera à coucher dans un livre son expérience indochinoise. La 317ème section va rencontrer immédiatement son lectorat attirant fort logiquement l’attention. Mais ce sera une nouvelle fois Georges de Beauregard qui produira le film. Le producteur de la Nouvelle Vague (il est associé depuis À bout de souffle à Godard mais il a produit aussi Demy, Varda et Mellville) qui suivait Schoendoerffer depuis ses débuts avait rechigné dans un premier temps à se lancer dans cette nouvelle aventure pour laquelle il ne pensait pas avoir les épaules financières. Mais devant l’engouement public du livre, il changera son fusil d’épaule en prétextant que si un éditeur lui avait fait confiance, pourquoi pas lui…
    La 317ème  section sera tourné au Cambodge avec l’aide inconditionnelle de Norodom Sihanouk, alors roi du pays, francophile convaincu et cinéaste à ses heures qui mettra à la disposition de la production troupes et équipements militaires. Schoendoerffer prévoit un tournage en immersion totale selon une discipline quasi militaire qui épuisera son équipe réduite et ses acteurs dont un Jacques Perrin perdant ses kilos à vue d’œil au fur et à mesure que le film avance. L’idée n’est pas de réaliser une œuvre façon cinéma vérité selon les principes de l’Actors Studio mais bien de capter à l’écran souffrances véritables et autres déboires physiques pour un film qui répond en partie aux codes du film documentaire. Pour autant, l’aspect cinéma n’est pas mis au rebut. On en veut pour preuve la sublime photo N&B signée Raoul Coutard, autre figure tutélaire qui a émergée à la faveur de la Nouvelle Vague et frère d’arme de Schoendoerffer depuis l’Indochine où il était photographe et déjà directeur de la photo sur ses deux premiers films. On est subjugué par cette image à la lisière du cauchemar éveillé où les démons sont à la fois intérieurs et bien planqués au-delà de la portée d’un FM. Mais celle-ci ne se contente pas de magnifier la psychologie des personnages, elle est surtout d’une efficacité redoutable au service d’une histoire racontée exclusivement à hauteur d’hommes. On en sait en effet pas plus qu’eux. Nous n’avons jamais un coup d’avance. On subit les pertes et la progression des hommes selon leur rythme. Celle d’une section devant rejoindre par la jungle et en traversant les lignes ennemies un point de rendez-vous alors que Diên Biên Phu est sur le point de tomber.
    Mais au-delà de toutes considérations filmiques, La 317ème section s’impose instantanément comme une histoire d’hommes. De ceux qui se sont engagés dans cette aventure (la guerre en Indochine ne fut menée que par des engagés volontaires et des militaires de carrière) avec leurs motivations et leurs ambitions. Le film cristallise au demeurant deux visions de l’armée, d’un côté un jeune lieutenant idéaliste tout frais diplômé de Saint Cyr et un adjudant rompu au terrain qui a fait la seconde guerre mondiale dans la Wehrmacht au sein des fameux « malgré-nous ». C’est dire si La 317ème section ne cherche pas l’exposition simpliste ou manichéenne d’autant que si Schoendoerffer n’exprime pas un débordement de sympathie à l’égard des Viêt-Minh, il n’en fait pas pour autant des caricatures assoiffées de sang. Il y a même du respect qui se traduit à l’écran par la phrase lâchée par Bruno Cremer à la fin du film : « C’est la guerre, ils savent la faire les fumiers. Chapeau ! ». Une sorte de prophétie en forme de mise en garde dont ne tiendront pas compte les américains quelques années plus tard mais que Schoendoerffer voudra tout de même rendre compte via La Section Anderson, un documentaire incroyable qui lui vaudra l’Oscar. La boucle sera en apparence bouclée et La 317ème section de rester à jamais ce film à la fois annonciateur d’un autre désastre tout en étant le témoin on ne peut plus juste de la fin de l’ancien monde. 5/5

La 317ème section - Affiche

  • Box office : 1 651 571 entrées lors de  sa sortie en 1965. La 317ème section n’est jamais ressorti au cinéma depuis sinon lors de séances exceptionnelles à la Cinémathèque (la dernière datant du 19 août 2020) ou lors de sa présentation au Festival Lumières à l’occasion de la restauration 2K du film en 2010.
  • La chronique Blu-ray : StudioCanal à édité un Blu-ray en mars 2019 d’abord exclusif à l’enseigne Fnac et disponible depuis avril 2020 dans toutes les bonnes crémeries. Il aura donc fallu attendre presque 10 ans pour enfin découvrir cette image restaurée effectuée sous la supervision de Pierre Schoendoerffer et Raoul Coutard qui fut montrée en 2010 à la Cinémathèque et lors du Festival Lumières à Lyon. L’attente valait le coup tant ce que l’on découvre prolonge jusqu’au-boutiste l’extraordinaire travail au cadre de Coutard. Une véritable gageure quand on sait qu’à l’origine le négatif était bien trop usé par de trop nombreux tirages de copies pour pouvoir être utilisé comme élément source. Raoul Coutard est de fait parti d’un positif en excellent état tiré à un moment où le négatif était encore relativement intact. L’image étalonnée en respectant les intentions d’origines a été numérisée en 2K permettant donc la redécouverte totale de La 317ème section d’autant que l’encodage effectué pour cette édition retranscrit cela avec un joli doigté saupoudré d’un grain qui parfait le résultat d’ensemble. Quant au son il faut d’abord rappeler que tout le film a été postsynchronisé du fait de l’impossibilité d’enregistrer in situ les dialogues compte tenu des contraintes d’un tournage effectué en équipe plus que réduite. Pour autant beaucoup des sons de la jungle et autres bruits d’ambiance qui furent enregistrés sur place via un seul magnétophone Nagra seront utilisés par la suite lors de la post-production. C’est de ces bandes magnétiques d’origine que Schoendoerffer est parti pour la restauration de la partie sonore. Un travail titanesque qui s’entend permettant au mono 2.0 estampillé via le procédé DTS-HD MA d’exprimer pleinement ses capacités techniques. Rarement on a entendu un mono aussi dynamique, immersif et efficace. Cela en est presque émouvant.
    Sur son versant éditorial, StudioCanal a voulu se fendre d’un unique bonus qui pour le coup ne tient absolument pas la comparaison vis à vis du sans faute technique. Cet entretien avec Jacques Perrin d’une durée de plus de 30 minutes avait pourtant tout de la bonne idée. Se passer en effet du témoignage du seul acteur encore vivant (tant devant que derrière la caméra) eut été fort malvenu. Mais les propos à peine anecdotiques d’une des personnalités les plus influentes encore aujourd’hui de notre cinéma a sans doute même déçu chez StudioCanal qui aurait dû alors, dans une volonté de complémentarité, proposer autre chose. Par exemple et au hasard le formidable documentaire signé Raphaël Millet intitulé Pierre Schoendoerffer, la sentinelle de la mémoire. Datant de 2011, diffusé sur OCS et projeté au festival Les Rendez-vous de l’histoire à Blois, il fait intervenir Pierre Schoendoerffer (une de ses dernières interventions de son vivant devant une caméra), Jacques Perrin, Costa-Gavras, Raoul Coutard, Dominique Merlin qui a effectué les prises de vue avec Schoendoerffer sur La Section Anderson, Boramy Tioulong (le sergent supplétif cambodgien sur La 317ème section qui deviendra réalisateur), Pedro Nguyen, Pierre Gabaston… Si tout n’est pas centré sur La 317ème section, et pour cause puisqu’il s’agit d’un film revenant sur toute la carrière du cinéaste, on ne peut que constater encore une fois que celui-ci occupe une place centrale dans la filmo, la vie d’auteur et la vie privée d’un homme au destin fascinant. Ce doc y apporte de surcroît un éclairage bienvenu qui permet surtout de le contextualiser d’une manière définitive que cela soit à l’attention du cinéphile averti que du béotien qui découvrirait à la fois le film et le cinéaste. Un acte manqué pour StudioCanal qui s’inscrit au sein d’un marché (la vidéo physique) qui a, il est vrai, son avenir économique dans le dos.

Captures Blu-ray StudioCanal
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