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Fiche film : Outrage (1950)

Outrage traite d’un sujet particulièrement inhabituel et hardi pour l’époque : les traumatismes subis par une jeune femme, victime d’un viol.

« Je pense qu’Outrage est ce que j’ai fait de mieux. » Ida Lupino

Outrage (1950)

Réalisateur(s) : Ida Lupino
Avec : Mala Powers, Robert Clarke, Tod Andrews
Durée : 1h15
Distributeur : Théâtre du Temple (Rep. 2020)
Sortie en salles : 21 novembre 1952 dans le Nord (inédit à Paris)
Reprise : 19 septembre 2020

Résumé : Dans une petite ville américaine, Ann Walton, une jeune comptable, doit épouser Jim Owens. Elle est alors victime d’un viol et sa vie tourne au cauchemar. Ne supportant plus la sollicitude des uns ou la curiosité des autres, elle décide de changer radicalement de vie…

Articles / Liens :

  • Avis express : Pour qui se targue d’aimer le cinéma, le nom d’Ida Lupino se doit de figurer dans sa collection de cinéastes qui comptent et qui forgent une cinéphilie. Non qu’il faille la réhabiliter, la défendre ou tout bonnement l’adouber – nos anciens comme Brion ou Tavernier l’ont très bien fait avant nous – mais la contextualiser à nouveau à l’aune du mouvement #MeToo nous semble en effet essentiel alors que le distributeur Théâtre du Temple nous propose Outrage qui depuis sa première sortie en 1952 en France n’a plus jamais eu les honneurs d’un grand écran sinon en 2007 à la Cinémathèque lors d’une rétrospective qui mettait ainsi à l’honneur cette femme à la fois actrice, réalisatrice et productrice à une époque où Hollywood vivait son âge d’or des Studios.
    Outrage est déjà le troisième film (sur 7) de Lupino réalisatrice. Elle y creuse un sillon qui avec le recul est d’une cohérence rare. Il prend la forme ici d’une tentative de reconstruction après un traumatisme propre à bouleverser toute une vie. Comment en effet envisager un futur qui s’annonçait pourtant radieux après avoir subi un viol et que le quotidien se partage dorénavant entre la curiosité malsaine des collègues de bureau et la compassion triste et sirupeuse des proches et de sa famille ? La solution n’est-elle pas alors de s’enfuir et d’éventuellement refaire sa vie ailleurs ? C’est l’arc narratif de Outrage. Il semble en apparence simple d’autant que la mise en scène de Lupino ne s’embarrasse d’aucun détour ni d’aucune coquetterie visuelle. Chaque mouvement de caméra, chaque plan est en effet au service de cette reconstruction où fuite en avant et gestion de ce que l’on n’appelait pas encore symptômes du stress post-traumatique deviennent un quotidien douloureusement anxiogène.
    Le Hollywood d’alors aurait traité cela sous la forme d’un mélodrame forcément lacrymal. Mais en fait on ne sait pas trop vu que voici un sujet qui n’était tout simplement pas abordé en ces temps là. Encore aujourd’hui il est certes moins tabou, mais il n’est toujours pas très « vendeur » à moins d’en faire un spectacle lénifiant façon Les Accusés (1988) de Jonathan Kaplan. Chez Lupino, les intentions sont bien plus honnêtes, moins tortueuses et au final plus proches d’une réalité beaucoup plus complexe. Recueillie épuisée sur le bord d’une route de campagne, elle finit par trouver sa place au sein d’une famille et d’une communauté qui ignore tout de son passé sans pour autant chercher à en lever le voile. Une nouvelle virginité s’offre à elle sans que pour autant Lupino mette totalement de côté l’éventualité d’affronter à nouveau sa vie antérieure. Non par l’artifice scénaristique éprouvée de retomber sur ses démons pour mieux les exorciser (le fameux « rape and revenge » par exemple qui fera florès dès les années 70) mais bien en s’appuyant sur cette foi retrouvée en la vie certes fragile mais bien réelle.
    Selon nos canons actuels, on pourra reprocher au film le côté un peu fleur bleue de sa fin. Mais en 1950, alors que le pays abordait une décennie économiquement dorée propre à mettre sous le tapis les sujets sociétaux qui fâchent, il était certainement compliqué d’aller plus loin dans l’introspection psychologique féminine alors que par ailleurs un viol était bien souvent considéré comme la conséquence d’une attitude peu responsable de la victime. Qui peut d’ailleurs dire qu’aujourd’hui encore cette croyance ne reste pas encore vivace ? Pour autant, Outrage va aussi loin que possible sur le sujet n’oblitérant aucune zone d’ombre et aucune problématique. Sa force est de le faire frontalement, sans prendre de gants tout en usant de procédés de mise en scène d’une efficacité redoutable débouchant sur une subtilité détonante. Ainsi, les plans et les mouvements d’appareil se répondent via un montage qui épurent le film jusqu’à l’os. Une forme d’aridité qui permet dès lors une caractérisation immédiate des personnages et une appropriation absolue de l’histoire.
    Ida Lupino filme ainsi avec justesse ce qui pourrait s’apparenter à une simple série B. Mais une série B qui au lieu de s’avancer avec son gros pétard à pas cher, le fait avec une finesse qui encore aujourd’hui, n’a pas de prix. 3,5/5
  • Box office : Le film est bien sorti en France mais uniquement en Province et dans le Nord. Aucune trace donc de chiffres d’entrées sur CBO, notre site partenaire en la matière, au national. À Paris et jusqu’au 19 septembre 2020, le film est donc inédit. Quoi qu’il en soit, Outrage fut un échec commercial à l’époque aux États-Unis mettant déjà à mal la toute jeune société de production The Filmakers qu’Ida Lupino avait créée avec son mari, le romancier Collier Young.
  • La chronique Blu-ray : Deux films d’Ida Lupino réalisatrice existent en DVD chez nous. Le Voyage de la peur (The Hitch-Hiker) et Bigamie (The Bigamist). Deux films qu’elle réalise en 1953 et deux films édités par Wild Side au sein de feu leur collection Vintage Classics. En fait, Outrage est un inédit tant chez nous qu’ailleurs, tant en DVD qu’en Blu-ray. Espérons que cette sortie cinéma en version restaurée donne des idées à qui de droit pour éditer le film en Blu-ray. Il existe pour information un coffret  Blu-ray édité par Kino Lorber aux États-Unis qui réunit 4 des 7 réalisations de Lupino : Not Wanted / Never Fear / The Hitch-Hiker / The Bigamist. Les 4 films sont issus de belles copies restaurées 2K ou 4K avec des sous-titres anglais.

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