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Les coulisses de l’Histoire

« L’Histoire n’est pas une science exacte, elle n’est jamais gravée dans le marbre : au fil du temps, la connaissance du passé s’affine et évolue. Mais les idées reçues ont la peau dure et les aprioris restent tenaces. Pour saisir les vérités du monde, il faut parfois bousculer les certitudes et décrypter les faits en proposant un autre regard. » C’est par ces quelques mots que débute invariablement chaque épisode de cette collection de documentaires intitulée Les coulisses de l’Histoire dont la diffusion sur Arte a débuté ce 5 janvier pour se poursuivre les 12 et 26 janvier (à noter que l’intégralité des 10 épisodes est dores et déjà dispo sur arte.tv au moins jusqu’en mars 2021).

Si l’on regarde dans le détail, il s’agit en fait de 6 épisodes inédits puisque 4 avaient déjà été diffusés en janvier 2019. Dès leurs titres (Le Plan Marshall a sauvé l’Amérique / Hiroshima la défaite de Staline / Hitler – L’art de la défaite / Mao, le père indigne de la Chine moderne) ces quatre premiers films annonçaient la couleur pour tordre le cou de nos convictions acquises depuis les bancs de l’école très peu remises en cause depuis.

Ainsi, il a toujours été communément accepté que le Plan Marshall avait été institué pour renflouer économiquement une Europe en perdition après une seconde guerre mondiale qui l’avait totalement rendu exsangue. Les plus renseignés (en dehors des historiens chevronnés) avaient très bien enregistré que ce plan avait été aussi mis en place pour contrer l’influence de plus en plus menaçante du communisme en Europe de l’Ouest (un pays qui tarde à se reconstruire, une population qui a faim va plus facilement entendre le discours qui semble donner la parole au peuple dans le but de renverser les nantis à commencer par ceux qui se sont gavés pendant la guerre). Mais peu d’entre nous avaient pris conscience que ce plan a aussi sauvé l’économie yankee qui au sortir de la guerre n’avait plus aucun marché pour écouler une production industrielle en surchauffe. Son instauration a donc définitivement permis de confirmer les États-Unis comme première puissance mondiale.

Les coulisses de l'Histoire - Obama / Hiroshima mai 2016Barack Obama à Hiroshima en mai 2016

Qui aussi pour ne pas affirmer encore aujourd’hui que les deux bombes atomiques balancées sur Hiroshima et Nagasaki ont permis d’abréger la guerre et de sauver des centaines de milliers de G.I. à une mort certaine face à une armée japonaise (et une population civile non moins déterminée) prête à défendre son archipel jusqu’au bout du bout ? C’est donc oublier l’armée rouge de Staline qui a déferlé début août 45 en Manchourie occupée par l’armée japonaise. Un scénario redouté qui a en fait énormément pesé dans la décision japonaise de se rendre sans condition… aux américains certainement plus à même de préserver l’empereur Hirohito sur son trône. Ce qui s’est passé avec le mythe encore bien ancré aujourd’hui que les deux bombes atomiques ont été les seuls facteurs déterminant qui ont mit fin au deuxième conflit mondial. On retiendra aussi que le doc ouvre une ultime porte de réflexion lorsqu’il se referme en montrant les images de Barack Obama, premier Président Américain en exercice se rendant à Hiroshima en mai 2016 sans que pour autant les États-Unis n’aient exprimé le moindre regret sur un fait historique dont on peut légitiment se poser la question aujourd’hui de son utilité militaire alors qu’il aura coûté la vie à plus de 100 000 civils en quelques minutes et 40 000 de plus dans les jours et mois qui ont suivis.

On pense aussi qu’Hitler fut un stratège hors pair au moins jusqu’à la défaite de Stalingrad. Ce qui est totalement faux. Si au début il a encore la présence d’esprit de se fier à certains généraux qui l’emmène de victoires en victoires fulgurantes, sa volonté de tout contrôler doublée de sa méfiance envers une hiérarchie militaire qu’il a de toute façon toujours abhorrée, va finir par le conduire à prendre des décisions totalement contraires au moindre bon sens tactique précipitant la défaite totale et écrasante de son armée.

Les coulisses de l'Histoire - MaoDeng Xiaoping (à droite) prendra la suite de Mao (au centre) qui permettra l’ouverture de la Chine tout en étant le responsable du massacre de Tian’anmen

Enfin, on garde de Mao, une image d’homme ayant insufflé à son pays le goût de la révolution permanente ainsi qu’une élévation intellectuelle et économique de son peuple au sein d’un certain idéal communiste. Quelque chose de bien plus pure au regard de ce qui se passait au même moment du côté de Moscou entre purges staliniennes suivies des dénonciations des crimes de Staline, ouverture à l’Ouest initiée par Khrouchtchev culminant avec la crise des missiles de Cuba et regel avec l’intronisation de Léonid Brejnev. Mao, le père indigne de la Chine moderne est sans conteste le nirvana de cette première saison puisqu’il permet de mieux appréhender la Chine d’aujourd’hui pétrie de contradictions économiques et politiques comme le montre avec acuité la gestion actuelle de Hong Kong ou encore la mystérieuse disparition du milliardaire Jack Ma, le créateur du site d’e-commerce Alibaba.

La deuxième saison se compose pour le coup de 6 documentaires pour moitié axés une nouvelle fois sur la seconde guerre mondiale ou ses conséquences à plus ou moins long terme mais aussi d’une manière plus surprenante sur les années 80 avec deux des figures les plus emblématiques de la décennie que furent le Pape Jean-Paul II et le Président des États-Unis Ronald Reagan.

Les coulisses de l'Histoire - Décolonisation britanniquePhoto de famille du Commonwealth avec au centre la Reine Élisabeth II

  • La décolonisation britannique : L’art de filer à l’anglaise – Réalisé par Deborah Ford

Mais pas que vu qu’un sixième doc est consacré à la façon dont l’Empire britannique s’est séparé de ses colonies. Nous qui pensions que cela s’était fait d’une manière bien moins chaotique et sanglante qu’en France où l’indépendance de l’Indochine et de l’Algérie restent encore aujourd’hui des rendez-vous de l’Histoire marqués au fer rouge. On apprend ainsi que les Anglais sont partis de l’Inde en laissant sciemment le pays se débrouiller entre indous et musulmans ce qui donnera la partition du pays avec le Pakistan qui reste encore aujourd’hui un des points chauds du globe. La suite se fera sur un tempo en apparence dicté par le Royaume-Uni mais qui démontre surtout une frustration grandissante et mortifiante de leur irrémédiable perte d’influence sur l’échiquier mondial. Jusqu’à la Guerre des Malouines en 1982, dernier conflit colonial à date, remportée aux dépends de la dictature Argentine qui disparaîtra peu de temps après alors que le gouvernement de Margaret Thatcher en sortira renforcé jusqu’à être réélu en 1983.

Les coulisses de l'Histoire - Jean-Paul II

  • Jean-Paul II : Le triomphe de la réaction – Réalisé par Christiane Ratiney

C’est peut-être le doc qui nous en apprend le moins. Ou alors c’est que l’auteur de ces lignes était bien renseigné. Certes le nom de Jean-Paul II reste vivace encore aujourd’hui. À tel point d’ailleurs que l’on serait bien en peine de nommer spontanément ses successeurs, à commencer par celui qui règne actuellement sur la Cité du Vatican. C’est que ce pape a plus fait parler de sa fonction que la plupart de ses prédécesseurs réunis. Quant il accède au pontificat en 1978 pour 26 ans, il est en effet le premier (et le seul pour l’instant) pape polonais et slave de l’histoire du catholicisme. Ses deux actions majeures furent son combat contre le communisme contribuant à sa chute en Europe de l’est mais aussi à son opposition farouche à l’avortement et au port du préservatif alors que le SIDA fait des ravages assombrissant considérablement son image de pape favorisant le dialogue et l’apaisement entre les religions. On peut aussi dire que sa défense mordicus de l’institution catholique aura favorisé les dérives et scandales sexuels mis à nu dernièrement que l’Église cachait depuis de trop nombreuses années.

Les coulisses de l'Histoire - Ronald Reagan

Les coulisses de l'Histoire - Ronald Reagan - TrumpDurant la décennie Reagan tout le monde veut ressembler à Donald Trump

  • Ronald Reagan : Un sacré président – Réalisé par Cédric Condon

Ici on est en effet pris de court car oui, on avait quand même en tête que Reagan a été l’un des pires présidents que l’Amérique s’est coltinée. Et bien voici que cet épisode des coulisses de l’Histoire vient nous démontrer dans les grandes largeurs et à grand renfort d’images d’archive pertinentes (marque de fabrique incontestable de cette collection) que le bonhomme, bien qu’à l’ouest sur beaucoup de sujets à commencer par les enjeux géopolitiques mondiaux a indubitablement marqué ses deux mandatures d’une intuition hors norme et d’une animalité politique non moins spectaculaire. À tel point que son legs économique s’est ressenti jusqu’en 2008 lors de la crise des subprimes dont il est incontestablement l’initiateur alors que dans le même temps il est tout aussi indéniable qu’il a su gérer la chute de l’U.R.S.S. et de ses pays satellites avec une certaine acuité. Il n’empêche tout de même que ce doc ne cache pas les failles d’un homme et d’une politique qui l’ont mené au scandale de l’Irangate tout en redorant le blason d’une Amérique meurtrie par la crise économique de 74 et le traumatisme de la guerre du Vietnam. Avec ce goût âcre dans la bouche qui reste une fois que la fête est finie (Bush, la première guerre du Golf… Trump).

Les coulisses de l'Histoire - Le Débarquement

  • Le débarquement : Une victoire inespérée réalisé par Bernard Georges

Premier des trois films qui abordent plus ou moins frontalement la seconde guerre mondiale, il ne laisse pas insensible quant aux faits d’Histoire qu’il aborde comme l’opération Tigre, vaste exercice militaire qui s’est déroulé dans le Comté de Devon en Angleterre devant servir de répétition générale en avril 1944 au débarquement en Normandie. Il aura couté la vie à près de 1 000 soldats alliés du fait d’erreurs grossières (corrigées pour le vrai débarquement) mais aussi suite à l’attaque de vedettes lance-torpilles allemandes qui passaient par là. De quoi remettre en cause le débarquement lui-même d’autant que certains officiers qui avaient péris noyés portaient sur eux une partie des plans de la future opération Overlord. Ce n’est qu’une fois tous les corps retrouvés avec les plans que le débarquement en Normandie fut confirmé. Le doc se concentre aussi sur les multiples coups de pouce du destin (et des mauvaises décisions prises par Hitler croyant jusque très tardivement que le vrai débarquement aurait lieu à Calais) qui permirent à cette opération de ne pas se transformer en un échec cinglant. De quoi nous permettre de revoir Le Jour le plus long (1962) d’un autre œil tout en confortant la vision de Spielberg et son Il faut sauver le soldat Ryan (1998).

Les coulisses de l'Histoire - La neutralité Suisse

  • La neutralité suisse : L’art de la prospérité – Réalisé par Philippe Saada

Alors celui-là c’est un véritable puits sans fond de révélations. Ou alors c’est qu’il nous faut assumer notre méconnaissance crasse. On savait bien entendu que la Suisse avait servi de banque à ciel ouvert à l’Allemagne Nazi. Lui rétrocédant de l’or contre des Reichsmarks qu’elle seule ou presque continuait d’acheter jusqu’en mai 1945. La Suisse était totalement encerclée et n’avait finalement que peu d’alternatives sinon d’affirmer sa neutralité tout en servant les intérêts économiques de l’Allemagne. Ce que l’on savait moins c’est qu’elle a mobilisé son armée durant toute la durée de la seconde guerre mondiale, qu’elle s’est construite des fortifications dans les montagnes d’où son armée aurait été inexpugnable, qu’elle avait besoin du charbon allemand que celui-ci lui a livré jusqu’au dernier moment ou encore qu’elle a disputé un match de football en 1941 contre une équipe allemande qu’il ne fallait pas trop chatouiller au niveau des tibias mais qu’elle n’a pas eu peur de remporter. Mais le doc va plus loin en mettant bien la Suisse au banc des accusés, elle qui a donc profité de la guerre en livrant des denrées alimentaires aux soldats des deux camps ou en faisant profiter l’armée allemande de son expertise en horlogerie très utile en matière d’armement. Sans parler des comptes bancaires détenus par les nazis dont l’enrichissement au dépend de la population juive leur a permis de s’enfuir en toute quiétude vers l’Amérique du Sud et pour lequel la Suisse n’a rendu des comptes que très récemment après une longue bataille diplomatique et judiciaire dont le doc s’en fait l’écho à la toute fin. Avec la précision que si la Suisse a laissé filtrer quelques secrets bancaires, ce serait bien la seule et unique fois.

Les coulisses de l'Histoire - La dénazification

  • La dénazification : Mission impossible – Réalisé par Michaël Gamrasni

C’est certainement le plus édifiant des 10 films. Là encore on savait certaines choses. Comme l’impossibilité de condamner à mort 80% de la population allemande et le reste à la prison. Car oui la quasi totalité de l’Allemagne en 1945 avait adhéré au parti nazi. Par conviction, par obligation elle avait été complice du plus grand génocide de tous les temps et de sa totale déchéance aux yeux des autres nations. Et pourtant, il fallait bien reconstruire ne serait-ce que pour contrer la menace communiste. Et pour cela réintégrer par exemple dans l’administration des hommes et femmes qui furent si compétents dans l’exécution de la Solution finale. Ce qui aura aussi permis à beaucoup d’élites nazis de faire par la suite de belles carrières professionnelles. Le doc cite par exemple Friedrich Flick qui fut l’une des plus grosses fortunes du monde jusqu’à sa mort en 1972 alors qu’il a été un des membres fondateurs du parti nazi, qu’il profita de la liquidation des propriétés juives et qu’il fut un producteur d’armements d’Adolf Hitler. Ses usines devinrent célèbres car elles utilisaient des prisonniers internés dans les camps de concentration comme main d’œuvre. Mais ce que l’on avait du mal à percevoir depuis la France c’est la prise de conscience des générations suivantes dans ce passé où les parents ont longtemps été montré comme dans l’impossibilité de faire autrement alors que beaucoup ont été tout simplement des nazis convaincus. On comprend mieux le sentiment de rejet d’une jeunesse à la fin des années 60 et durant les années 70 voulant faire table rase d’un passé qu’elle n’assume pas (et on les comprend). Si nous, nous avons eu Mai 68, l’Allemagne a connu les organisations terroristes comme la bande à Baader qui en 1977 kidnappe et exécute Hanns Martin Schleyer, ancien haut gradé SS devenu président de Daimler-Benz et du patronat allemand. Ce sont 52 minutes d’une richesse phénoménale où si tout ne peut être abordé ne sont pas pour autant mis de côté les actions du couple Klarsfeld qui ont beaucoup œuvré pour démasquer nombre d’anciens nazis et responsables de la Shoah.

On ressort de ces dix films bien souvent essoré pour ne pas dire pris de vertiges par tant de révélations et de mises en perspective de l’Histoire qui plus que jamais sort ici des balises dans lesquelles on aimerait l’y cantonner. Cette collection qui on l’espère continuera à s’enrichir démontre s’il était besoin que la perception de notre passé ne peut rester immuable. Qu’au contraire, en découvrir de nouvelles aspérités doit nous permettre de mieux appréhender le monde dans lequel nous vivons. Et encore plus quand celui-ci s’affranchit comme en ce moment de bon nombre des repères habituellement enseignés jusqu’ici. Ce n’est pas la moindre des qualités de ces coulisses de l’Histoire.

Les coulisses de l’Histoire (2019 / 2020)

Créée par : Olivier Wieviorka et David Korn-Brzoza
Durée : 10x52mn
Production : Arte France / Cinétévé
Premières diffusions : J – J

Une réflexion sur « Les coulisses de l’Histoire »

  1. Il est de bon aujourd’hui de conspuer l’Amérique pour le largage des deux bombes, de transformer la plus ignoble barbarie Japonaise en pauvre victime. Pourtant si l’on réfléchit : « sans que pour autant les États-Unis n’aient exprimé le moindre regret sur un fait historique dont on peut légitiment (sic !!!!) se poser la question aujourd’hui de son utilité militaire alors qu’il aura coûté la vie à plus de 100 000 civils en quelques minutes et 40 000 de plus dans les jours et mois qui ont suivis. » D’ignorer les 300 000 civils innocents de Nankin, assassinés par les Japonais, des milliers de prisonniers de guerre mort dans la construction du train ainsi que les milliers de morts civils forcés de travailler sur cette ligne, tous mort atrocement. D’ignorer la section 731 où fut pratiqué d’ignobles essai sur des cobayes humains, préparation à la chirurgie de guerre ou de braves médecins Japonais découpèrent vivant des cobayes humains, braves gens en effet ! Les Japonais tuèrent environ 11 millions de personnes en Asie, en prévision de l’invasion de l’archipel ils armèrent jusqu’aux enfants de couteaux au bout de lance de bambous pour défendre l’empereur. De tous les camps de prisonniers où mourra dans d’atroce condition nombre de prisonniers, battus sauvagement du matin au soir. Oui, tout cela infime réalité des atrocités et des cruautés que ces braves gens infligèrent à l’Asie, ce que les gouvernements successifs Japonais s’excuseront du bout des lèvres… Il est de bon ton aujourd’hui, assis confortablement dans son canapé en sirotant un petit digestif de disserter sur l’opportunité de la bombe, alors qu’à l’époques des hordes de kamikazes s’écrasaient sur les bateaux des Américains ! Aller, un petit effort et on va les plaindre, comme un jour on finira par plaindre ces pauvres nazis de leur avoir envoyé quelques bombes sur la tronche !! Ces phrases (citées) sont honteuses, l’Amérique attaqué sauvagement à Pearl Harbor où plus de trois mille mort (au moins) devrait s’excuser d’avoir employé les armes qu’elle avait à sa disposition pour vaincre ? Inversons les rôles, les Japonais se seraient-ils excusés d’avoir employé les armes qu’ils auraient eu pour vaincre ? Certes non.

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