Blade Runner 2049 - Image une critique

Blade Runner 2049 : Humain, trop humain !

D’abord, contextualisons un tantinet les choses. En gros, je vais vous parler (un peu seulement, pas d’inquiétude) de moi. Nous sommes en 1983 et j’ai 13 ans. Mon père, cet homme de goût, a acheté un magnétoscope Betamax qui lui a coûté un bras et une jambe. Nous voici donc recta au vidéoclub à 15 minutes en voiture de notre home sweet home pour nous dégoter un truc à lui donner à manger. 500 dollars plus tard (le prix à payer pour s’abonner, la location de la K7 et le chèque de garantie), on repart avec un film qui s’appelle Blade Runner choisit par mes soins parce que Harrisson Ford bordel, l’aventurier au chapeau Fédora quand ce n’était pas Han Solo. Précisons qu’à ce stade de l’histoire, nous habitions alors un patelin exotique entouré d’eau dont le Président nommé à vie s’appelait Jean-Claude Duvalier. À part ça, le gérant du vidéo club n’a jamais revu la K7. D’abord, parce que nous déménagions précipitamment quelques semaines plus tard pour Paris (ceci est une autre histoire) et ensuite parce que le film de Ridley Scott avait tellement chamboulé ma jeune vie de pucelle en mal de sensations visuelles fortes qu’il n’était nullement question que je m’en sépare.

Blade Runner 2049 - Affiche Teaser

Blade Runner et moi c’est donc, à l’instar de Max et du programme Videodrome, une forme d’excroissance de la chair qui me poursuit depuis lors me façonnant pour le meilleur et certainement aussi le pire. Et au risque de passer pour le Gardien d’un Temple un peu bougon, il ne serait pas exagéré de dire qu’il ne fut pas aisé d’accepter l’idée d’une suite à une époque où l’on ne jure Outre-Atlantique que par les super-héros « Marveliens » ou « DComiciens ». Mais bon, la découverte du nom de Denis Villeneuve préposé aux manettes aura eu tendance non à totalement rassurer mais à se dire qu’au moins la chose n’était pas aux mains du premier tâcheron directement débarqué de Sundance venu. Et que finalement, il fallait peut-être faire confiance à un cinéaste nanti d’une signature propre et somme toute forte quand elle n’est pas totalement assumée. Toute chose par ailleurs fort appréciable pour ne pas dire obligatoire quand il s’agit de s’attaquer à un tel monument.

La pression était donc forte, écrasante même. Des deux côtés de la barrière au demeurant car tout au long de la projection on s’est demandé (et on se le demande encore) si on est bien légitime pour parler de ce Blade Runner 2049 (a y’est, on a réussi à balancer le titre). Et surtout, est-ce que l’on ne risque pas de rejeter un film sur la simple présupposition que l’on ne peut toucher (ou donner suite c’est pareil) à l’œuvre définitive de Scott. S’il était encore difficile de répondre à cette question précise en rentrant dans la salle, les craintes se sont envolées dès les premières minutes de la projection. Car si Blade Runner 2049 ne fait pas d’ombre à son prédécesseur c’est qu’il a tout simplement bien du mal à ne serait-ce que proposer une véritable filiation. Non que l’on demandait un respect aveugle, une génuflexion de tous les instants et une digestion de la philosophie de l’ensemble. Non même pas. Juste pour commencer des frissons, de l’empathie, une histoire et peut-être aussi un début de réflexion.

Rien qu’avec ces quelques éléments on aurait été heureux de défendre le projet. Las, ce Blade Runner 2049 égrène les poncifs visuels façon clin d’œil sans jamais leur donner une identité en propre, articule une mise en scène qui se veut miroir déformant mais qui n’est rien d’autre qu’un voyage clinique au bout de l’ennui et joue avec les formes (architecturales) et l’espace (temps) sans que jamais l’on se repère ou que rien ne fasse sens. Le pire dans tout cela c’est que l’on s’en fout. Oui Blade Runner 2049 ne provoque pas grand chose. On n’a même pas envie de le détester. Il s’agit là d’un produit aux formes certes racées et dont le profil marketing est certainement parfait mais qui ne peut prétendre à rien d’autre qu’à représenter une idée totalement vaine dont la vacuité est proche du sidéral.

Blade Runner 2049 n’est même pas un crime de lèse-majesté et encore moins la « mise à mort du cerf sacré ». Villeneuve ne cherche pas à tuer le père comme on dit. Il ne s’approprie pas grand chose, ne défend rien et surtout n’impose qu’une musique assourdissante signée Hans « je ne fais pas une nouvelle fois dans la dentelle » Zimmer. Là encore le flou demeure mais respire peut-être les intentions formelles du film. S’éloigner du modèle tout en y revenant tel un ressac violent à souhait histoire d’assommer à la fois le fan de la première heure et le geek qui découvre son premier poil pubien. Quant à l’histoire, inutile de s’appesantir et jetons plutôt un voile pudique envers cette tentative de nous prendre pour des cons que relaie à merveille un Ryan Gosling aussi expressif qu’un skin job première génération qui aurait débarqué de la série putassière Westworld. Que Scott ait voulu nous faire croire que depuis 1982, sa réflexion quant à Deckard (Replicant, pas Replicant) n’a jamais cessé pour nous pondre moult nouvelles versions définitives ou non est une chose, mais que Villeneuve nous balance dans les rétines un Jared Leto qui lui aussi veut se la jouer clone de Dieu, est un élément définitivement disruptif dans la matrice Nexus.

Alors Blade Runner 2049, pur produit de son époque ? On n’en est même pas certain. En cause cette volonté évidente de pondre un blockbuster dit intelligent. Qui veut nous parler autrement. Et qui surtout se démarque des codes de la production hollywoodienne ambiante. L’effort est louable et certains diront même qu’il faut l’encourager et prier pour que le succès commercial soit au rendez-vous afin que d’autres films au même pedigree puissent voir le jour. On rappellera alors à toutes fins utiles que Blade Runner fut un échec tant commercial que critique mais que cela n’a pas empêché Ridley Scott de mener la carrière (en dent de scie) que l’on sait et encore moins au film d’acquérir ce statut d’œuvre à part pour ne pas dire de chef-d’œuvre dans l’histoire du cinéma. Faut-il souhaiter la même chose à ce rejeton ? Faut-il même s’attarder à répondre à cette question ?

Blade Runner 2049 (2017) de Denis Villeneuve – 2h43 (Sony Pictures) – 04 octobre 2017

Résumé : En 2049, la société est fragilisée par les nombreuses tensions entre les humains et leurs esclaves créés par bioingénierie. L’officier K est un Blade Runner : il fait partie d’une force d’intervention d’élite chargée de trouver et d’éliminer ceux qui n’obéissent pas aux ordres des humains. Lorsqu’il découvre un secret enfoui depuis longtemps et capable de changer le monde, les plus hautes instances décident que c’est à son tour d’être traqué et éliminé. Son seul espoir est de retrouver Rick Deckard, un ancien Blade Runner qui a disparu depuis des décennies…

Note : 2/5

 

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